Hier, Youssef Chahed, chef du gouvernement, a révoqué ceux qui ont failli dans l'affaire de l'assassinat de l'ingénieur Mohamed Zouari. On attend que l'opération «assainissement» touche aussi le secteur des sociétés de production TV et les associations dites caritatives Quand on revient aux profils des Premiers ministres qui se sont installés successivement au palais de La Kasbah depuis l'indépendance, on peut découvrir aisément qu'ils partagent une caractéristique fondamentale : personne parmi eux n'a réussi à avoir la dimension d'un homme d'Etat qui combine le politique, l'économique et le sécuritaire à la fois. De feu Béhi Ladgham qui obéissait comme un élève sage aux orientations collectivistes de Ben Salah dans les années 60 du siècle précédent (Bourguiba l'a qualifié d'âme paisible (nefs moumna) quand il a désavoué Ben Salah et a décidé d'en finir avec la collectivisation, à Habib Essid qui a été obligé de quitter le palais de la Kasbah par ses propres amis quand il a commencé à se découvrir une stature politique, en passant par feu Mohamed Mzali, le littéraire qui reconnaissait lui-même ne rien comprendre au monde de l'économie, Rachid Sfar, qui s'attache jusqu'à aujourd'hui à ses théories économiques qu'il n'a pas réussi à imposer quand il a remplacé Mohamed Mzali le 8 juillet 1986, Hédi Baccouche, le Premier ministre de Ben Ali qui a été congédié en avril 1989 quand il a commis l'erreur de dire à Jeune Afrique «le 7 novembre, c'est moi», Hamed Karoui qui a fait l'essentiel de son parcours politique à Sousse et n'est jamais parvenu à enlever sa tunique d'ancien maire de Sousse et ancien président de l'Etoile Sportive du Sahel même quand il a occupé durant plus de 10 ans le poste de premier vice-président du RCD dissous, Mohamed Ghannouchi, le commis de l'Etat qui excelle dans les dossiers économiques mais se limite à répéter machinalement et très mal les idées politiques de Ben Ali, Béji Caïd Essebsi, le Premier ministre transitoire jusqu'au 23 octobre 2011, qui conduisait les affaires du pays à sa façon parce que «c'est moi qui gouverne», Hamadi Jebali, le Premier ministre de la Troïka I qui avait pour principal objectif l'instauration du 6e califat, Ali Laârayedh qui avoue publiquement ne pas savoir que le recours à la chevrotine était interdit pour la dispersion des manifestants, et Mehdi Jomaâ qui a voulu renier son engagement initial de ne pas se porter candidat au palais de Carthage et a découvert qu'il a de réelles chances d'y élire domicile «puisque les autres ne sont pas meilleurs que moi», chez tous ces Premiers ministres, on sentait l'inachevé, on avait l'impression qu'il y avait un rouage essentiel qui échappait à l'un d'eux, qu'il y avait un dossier que le Premier ministre en exercice ne maîtrisait pas. Youssef Chahed renverse la donne Et fut l'avènement de Youssef Chahed au palais de la Kasbah quand le président Béji Caïd Essebsi a décidé que la Tunisie doit être gouvernée par un gouvernement d'union nationale sur la base d'un programme appelé «le Pacte de Carthage» et signé par neuf partis politiques au pouvoir et dans l'opposition et trois organisations nationales à vocation syndicale (Ugtt, Utica, Utap). A l'époque, quand Béji Caïd Essebsi avait proposé Youssef Chahed pour diriger le gouvernement d'union nationale, s'est posée la question suivante : sa brève expérience de secrétaire d'Etat au ministère de l'Agriculture et de ministre chargé des Collectivités publiques dans le gouvernement Habib Essid l'habilite-t-elle à occuper un poste aussi important et à y réussir ? Les sceptiques ne lui donnaient aucun crédit et répétaient que Béji Caïd Essebsi a placé à La Kasbah «un poulain qu'il peut manipuler à sa guise» et qu'Ennahdha soutient «parce qu'il ne prendra aucune décision qui pourrait menacer les acquis accumulés par le parti nahdhaoui durant les deux gouvernements de la Troïka I et II et aussi durant le gouvernement Mehdi Jomaâ». Et on attendait Youssef Chahed au tournant, certains pensaient même que son séjour à La Kasbah ne dépassera pas les traditionnels cent premiers jours, la période de grâce qu'on accorde généralement à chaque nouveau Premier ministre. Sauf que Youssef Chahed s'est révélé, ces dernières semaines, un fin tacticien, un homme de dialogue qui parvient grâce au dialogue et rien qu'au dialogue à imposer ses choix. Les exemples : d'abord, la loi de finances 2017 qui oblige, pour la première fois dans l'histoire de la Tunisie, ceux qui exercent des professions libérales à payer leurs impôts à l'Etat et à accepter que les services de la fiscalité contrôlent leurs déclarations. Ensuite, la décision d'éviter la grève générale décidée par l'Ugtt en signe de protestation contre le report des augmentations salariales au profit des fonctionnaires. Ainsi, ces derniers auront leurs augmentations et en parallèle les caisses de l'Etat n'en subiront pas les conséquences néfastes. La réussite aussi de la Conférence internationale sur l'investissement qui a permis à la Tunisie de regagner la confiance des bailleurs de fonds internationaux est à mettre à l'actif de Youssef Chahed. Enfin, le dossier sécuritaire et de la contrebande. Début octobre dernier, Youssef Chahed annonçait la création d'une brigade spéciale anti-contrebande œuvrant sous sa supervision directe. Les opérations de dévoilement de plusieurs affaires de contrebande et l'arrestation de beaucoup de trafiquants (les grandes quantités de produits saisies quasi quotidiennement sont évaluées à des centaines de millions de dinars) montrent que quand on veut combattre la contrebande, on peut réaliser certaines avancées, mais il faut reconnaître aussi que la guerre contre la contrebande ne fait que commencer. Et survint l'affaire de l'assassinat de l'ingénieur Mohamed Zouari. Youssef Chahed réagit en annonçant la création du Centre national de renseignements qui aura à coordonner l'échange d'informations entre les différents appareils sécuritaires et à définir la stratégie nationale en matière de renseignements. Hier, Youssef Chahed a pris les décisions que tout le monde attendait : démettre de ses fonctions le gouverneur de Sfax, considéré comme le représentant officiel d'Ennahdha dans la capitale du Sud, et de démettre le chef du district de la sécurité nationale et le chef de la zone de la sécurité nationale à Sfax-Sud, la région où résidait l'ingénieur Mohamed Zouari. On attend d'autres décisions analogues, notamment dans le secteur de ces sociétés de production audiovisuelle qu'on ne compte plus et qui agissent pour le compte des chaînes étrangères dont les agendas sont à démasquer puisque leurs journalistes ne cachent plus leur appartenance. Idem pour ces milliers d'associations dites caritatives qui sont soupçonnées de financer les terroristes, sauf que la justice, avec sa lourde machine peine, à les démasquer. Tissaoui, nouveau gouverneur Le chef du gouvernement a décidé de nommer Slim Tissaoui, gouverneur de Sfax, en remplacement de Habib Chaouat. Slim Tissaoui occupait le poste de gouverneur de Siliana. Le chef du gouvernement a, également, décidé de nommer Ali Said à la tête du gouvernorat de Siliana, selon un communiqué de la présidence du gouvernement. Plus tôt dans la journée, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a décidé de démettre de leurs fonctions le gouverneur de Sfax, le directeur du district de la sûreté nationale du gouvernorat de Sfax et le chef du district de la sûreté nationale de Sfax.