Par Abdelhamid Gmati Une attention particulière est accordée, ces derniers jours, au terrorisme. Tout au long de cette année, les Tunisiens étaient confortés par les actions efficaces de nos forces de sécurité. Qu'on en juge : 160 cellules terroristes démantelées en 2016, plus de 5.000 présumés terroristes arrêtés, dont 3.499 ont été maintenus en détention et leurs dossiers transférés à la justice ; plus de 60 terroristes ont été abattus, dont 7 parmi les plus dangereux ; quelque 12.490 jihadistes ont été empêchés de quitter le territoire tunisien pour rejoindre les foyers de tension (de 2013 à 2015), et d'importantes quantités d'armes de guerre ont également été saisies, dont notamment celles découvertes en novembre dans 6 entrepôts à Ben Guerdane, où les forces sécuritaires et armées ont saisi 14 missiles à guidage thermique (dont la portée varie entre 800 et 2.500 m). Et il y a eu une baisse significative du nombre d'attaques terroristes, qui est passé de 13 en 2015 à 2 en 2016, sans compter les attentats planifiés et avortés. Encore que des mines antichars et antipersonnel font encore des victimes parmi les civils et les militaires. Mais l'assassinat de Mohamed Zouari à Sfax, l'attentat à Berlin qui a fait des dizaines de victimes, le retour présumé de terroristes chassés de Syrie, d'Irak et de Libye et une foule d'informations ont remis le terrorisme à la pointe de l'actualité et suscité l'inquiétude des Tunisiens, d'autant que plusieurs Tunisiens y sont impliqués. Ce qui a d'ailleurs fait que la Tunisie est pointée du doigt par les médias étrangers qui la qualifient d'«usine du jihad», ou «pourvoyeur de jihadistes à travers le monde», «vivier du terrorisme mondial». Ils oublient que la Tunisie est aussi la cible privilégiée de ces terroristes. 10.000 jihadistes tunisiens ont rejoint les différents fronts de combats, intégrant les groupes terroristes et extrémistes. C'est le Cheikh Farid El Béji (travaillant au Centre des études stratégiques de sécurité globale en Tunisie, une sorte de think tank) qui affirme cela, ajoutant que parmi ces 10.000 combattants aguerris, 3.400 ont péri lors d'affrontements armés dans les pays précités, en particulier la Syrie, l'Irak, la Libye et le Yémen. Et pour lui, la véritable menace vient de la présence parmi la population tunisienne d'environ 15.000 jihadistes potentiels partageant les mêmes convictions que ceux qui sont partis faire le jihad ailleurs et ont rejoint les hauteurs des montagnes en Tunisie. Il ajoute, concernant le retour des jihadistes en Tunisie, dont le nombre est estimé à plus de 5.000, que, pour lui, il ne doit pas y avoir de pardon ou adoption de la loi du «repentir». Il rejoint en cela l'avis du président de la République, de plusieurs autres responsables, de partis politiques et de représentants de la société civile qui devaient organiser, hier, une manifestation devant l'ARP pour clamer leur refus du retour des terroristes en Tunisie sous n'importe quelle bannière. Un journaliste d'une chaîne de télé pose la question : «Qui, en Turquie, donne les passeports pour faciliter le rapatriement des Tunisiens? ». Le même journaliste cite un rapport présenté par le syndicat des prisons à l'intention du ministre de la Justice qui indique que « les prisons tunisiennes sont de vraies usines de production de terroristes ». Il y est aussi écrit : «Un émirat a été formé dans une cellule de la prison. Cette entité aurait recruté des prisonniers de droit commun qui auraient par la suite prêté allégeance à un émir ! Une cérémonie enregistrée par des caméras vidéo. Le directeur général de la prison en question est impliqué dans le recrutement de personnes louches parmi le personnel de la structure pénitentiaire. Présumés appartenir à l'organisation terroriste Ansar Chariâa, nombre d'entre eux seraient d'anciens détenus». Mais il y a lieu de considérer ce qui fait que ces Tunisiens, réputés pacifiques et bons vivants se transforment en terroristes ici et ailleurs. Il est établi que « des charlatans profitant d'un pseudo « printemps » arabe, vêtus de costards de politicards, enrôlent, bourrent les crânes, promettent des milliers de vierges, distribuent à tout-va des billets en première classe au paradis aux jeunes sans se soucier des conséquences. Ces fomentateurs parlent de liberté et de démocratie, alors qu'au fond d'eux-mêmes, ils n'aspirent qu'à l'instauration d'un califat théocratique, archaïque et rétrograde ». C'est à ce niveau que le gouvernement doit agir. Il y a eu un commencement : le nombre d'individus arrêtés et soupçonnés d'envoyer des jeunes pour le jihad, en Libye et en Syrie, a doublé, passant de 208 en 2015 à 435 en 2016. Mais il faut aussi poursuivre les prédicateurs dans les mosquées et ailleurs. Il faudrait aussi assécher les sources de financement des associations douteuses. C'est dire que le problème est très sérieux. Le chef du gouvernement en est conscient et a « pris les choses en main». Youssef Chahed a décidé de mettre en place un centre national de renseignements. Ce centre aura pour mission de collecter et d'analyser les informations, de coordonner les actions entre les différents services de renseignements, de définir la coopération internationale en matière de renseignements et de mettre en place le plan national de renseignements. Ce, pour pallier les déficiences du renseignement constatées particulièrement dans l'assassinat de Mohamed Zouari et l'infiltration d'un journaliste israélien. Et il a décidé d'élaborer un projet de loi portant sur la cybercriminalité, puisque 90% des crimes sont, minutieusement, planifiés sur les réseaux sociaux. Il semble, donc, qu'il y ait un « réveil » de la part du gouvernement, de la société civile et de la population. Restent les actes.