Trois mois de préparation jalonnés d'ateliers de formation ont donné naissance à un spectacle chorégraphique intitulé «El Henk» dont la première a été donnée samedi dernier au cinéma Le Rio devant un public déjà conquis par les prestations passées de Hafedh Zallit. Comme d'habitude dans les spectacles tunisiens, la représentation a commencé après plus d'une demi-heure de retard. Une rangée de musiciens et d'interprètes a occupé le fond de la scène pour laisser l'espace aux danseurs et danseuses qui devaient effectuer une série de tableaux chorégraphiques. Une femme vêtue de blanc et munie d'un bâton a donné les trois coups pour annoncer le début du spectacle. Puis, c'est l'entrée en scène d'une femme (Najoua Miled) traînant une valise, une manière d'annoncer un voyage dans la musique, le chant et la danse traditionnelle. Une scène qui nous rappelle Jalila Baccar dans la pièce du Nouveau théâtre «Arab». A partir de ce moment, une quinzaine de tableaux se succéderont sans lien apparent entre eux, autrement dit sans fil conducteur. Côté musique et chant, l'auteur du spectacle a puisé dans le patrimoine musical traditionnel du nord au sud de la Tunisie, faisant intervenir la comédienne Néjia Ouerghi qui a interprété un chant peu connu du Kef. Ce sont les percussions (darbouka et tabla) qui ont été en première ligne derrière les autres instruments occidentaux. Une mention spéciale pour la zoukra qui a alimenté l'aspect «Hoffili» du spectacle qui se voulait haut en couleur et en lumière. L'intervention de la musique occidentale dans la musique populaire tunisienne n'est pas une nouveauté. Depuis le méga-spectacle «Nûba» de Fadhel Jaziri, tous les spectacles de mezoued ou de musique populaire ont suivi cette nouvelle orientation. «El Henk» n'a rien suggéré de particulier dans ce registre. Côté chorégraphie, le disciple de Nawel Skandrani n'a fait que reproduire les tableaux de la défunte troupe folklorique qui a connu ses heures de gloire sous le règne de Bourguiba. Les tableaux sont des représentations de danses populaires rurales ou citadines (combat de moutons, combat d'armes pour les hommes, procréation, travail de la laine), expressions de la vie quotidienne avec ses moments de joie et de tristesse. On a même remarqué que certaines danseuses, notamment celles de la deuxième ligne, ne maîtrisaient pas les pas et hésitaient à suivre le rythme. Sont-elles amatrices ou des remplaçantes pas bien préparées ? La comédienne Najoua Miled, bien que n'étant pas une danseuse confirmée et moins jeune que les autres, a réussi à exécuter son numéro avec aisance. Côté vestimentaire, le spectacle a mis en valeur les habits traditionnels tunisiens comme le safsari, le pagne kerkénien pour les hommes avec une ouverture sur d'autres tenues, dont le sari hindou, le dengri. Mais à ce niveau, le concepteur du spectacle n'a pas non plus fourni d'effort particulier. 26 ans après «Nûba», nos artistes continuent à ressasser la même chose. Sont-ils en panne d'idées ? C'est ce que nous constatons avec des spectacles comme «El Henk» où le titre change mais pas l'esprit. Il est clair que le cordon ombilical avec «Nûba» n'a pas encore été rompu. Toujours est-il que ce spectacle peut fonctionner auprès d'un public en manque de divertissement. Mais il ne faut pas se leurrer, le spectacle manque de créativité.