Une musique aussi authentique et une danse aussi pure pour retrouver racine en cette période si trouble. La 49e édition du Festival International de Carthage a rallumé ses projecteurs, dimanche dernier, après une pause obligée de trois jours, par respect à l'âme du martyr Mohamed Brahmi. Et c'est l'hymne national, qui a ouvert la soirée indienne, en remplacement à l'habituel générique « Zarathoustra ». Après l'hymne national, on a demandé au public d'observer une minute de silence. C'était sincère et émouvant. Jamais Carthage ne nous a rendus si fiers. Le spectacle programmé en cette soirée du dimanche vient de l'Inde. Il s'agit de la troupe de Rajendra Kumar Gangani, un célèbre « kathak » danseur, connu pour son style novateur. Précisons que le Kathak est une danse traditionnelle du nord de l'Inde, une danse qui raconte. D'origine religieuse, elle évolua durant la période islamique vers une forme plus divertissante. On apprend, en cherchant encore sur internet, que le Kathak actuel est donc une synthèse de deux sources : sacrée et séculière, et que le mot « kathak » est dérivé du mot « katha » qui signifie « histoire » ou « katthaka » qui signifie celui ou celle qui raconte une histoire. Les chanteurs et musiciens étaient déjà installés sur scène, lorsque le public, très peu nombreux, s'est levé pour rendre hommage au martyr. Que le spectacle commence ! Il n'y a pas mieux qu'une musique aussi authentique et une danse aussi pure pour retrouver racine en cette période si trouble. Les instruments, en majorité des « tabla » (percussions), mettent du temps pour s'échauffer. Les Kattakha arrivent enfin. Ils portent des costumes, couleurs chaudes pour les filles, et couleurs « eau » pour les garçons. La danse commence, progressivement. Le rythme s'accélère. Somptueuses pirouettes. Très belles postures « statuesques ». Apparemment, le Kathak laisse très peu de place à l'improvisation. C'est très précis et répétitif. Les mouvements circulaires des mains et des poignets semblent être très codés. Les danseurs évoluent sur scène sous le regard du chorégraphe et chef d'orchestre Gangani, qui nous gratifie d'un long solo, mais ô combien performant. Sacrée télévision ! Ce média a réussi à rendre le monde et les différentes cultures du monde si familiers. Mais le fait de voir le Kathak en live nous a encore confirmé des choses sur ce qui peut lier les humains entre eux. Le langage non parlé du corps est universel, ce sont les mots de l'esprit qui nous différencient. Nous avons remarqué que cette danse indienne si spécifique et si épurée ressemble fort au flamenco, dans ses mouvements basés sur les pieds et les mains. Nous dirions même mieux, le kathak doit être la source d'inspiration de tous les danseurs contemporains. Ce n'est pas un hasard qu' Akram Khan, le célèbre danseur chorégraphe contemporain britannique, soit compté dans la liste des plus grands interprètes du kathak. Mais la musique et les tableaux de danse de Gangani se ressemblaient trop. C'était assez monotone pour une soirée de répit, en plein air. Le public, lui, a adoré. C'est très rare de voir les spectateurs de Carthage applaudir autant, debout, tranquillement. D'habitude, quand ils sentent la fin approcher, ils sortent en courant pour être les premiers à démarrer leurs voitures.