La femme n'est peut-être pas le principal moteur du développement agricole, mais elle en est la force de travail la plus spectaculaire. Aujourd'hui, et malgré toutes les difficultés qui se dressent devant elle pour être propriétaire, elle arrive même à être une exploitante agricole. Une tendance qui ne fait que se confirmer. A condition qu'on lui en donne les moyens Depuis que l'agriculture a existé, les femmes en ont été l'élément fondamental. En plus des tâches domestiques qui sont traditionnellement à sa charge, elle devait aussi sarcler la terre, bêcher, semer, irriguer, et même moissonner. Dans certaines régions, telle que le Nord- Ouest, elle était même partie prenante dans le stockage du grain. Aujourd'hui encore et malgré la mécanisation de l'agriculture, elle reste au poste. Son statut dans le domaine n'en n'a pas pour autant réellement évolué. Pour des raisons multiples, il est rare qu'elle soit exploitante agricole ( la part de la femme dans l'investissement total agricole est de l'ordre de 3%). A travail égal, elle est payée à hauteur de 70 à 80% du salaire de l'homme et dans la majorité des cas, les femmes occupent un travail saisonnier occasionnel. Malgré leur savoir-faire et la place qu'elles occupent dans le secteur agricole, leur statut reste toutefois de peu d'importance. Les quelques expériences qu'elles arrivent à avoir en tant qu'exploitantes, et quand on leur en donne l'occasion, sont pourtant édifiantes et montrent qu'elles ont une grande capacité à entreprendre et à réussir. Leur part dans l'investissement agricole est en nette progression: 2,6 MDT au cours du VIIIe Plan, 6,4MDT au cours du IXe et 10,4 MDT au cours du Xe. L'Agence de promotion des investissements agricoles (APIA) s'est même habituée à voir affluer dans ses locaux de plus en plus de femmes diplômées du supérieur et qui sollicitent un lot à cultiver, ou proposent un projet à défendre. Depuis 2006, quelque 12 millions de dinars sous forme de crédits fonciers ont ainsi bénéficié à des milliers d'exploitantes agricoles converties dans cette activité grâce à la restructuration des terres domaniales et/ou à l'acquisition de «lots techniciens». Mieux: l'activité des femmes promotrices est axée pour la plupart sur les projets à valeur ajoutée tels que la production biologique, les plantes médicinales, etc. Un handicap majeur : l'inégalité des salaires Ainsi la présence de la femme dans le secteur agricole se manifeste en priorité dans la main-d'œuvre plus qu'ailleurs; une main- d'œuvre à bon marché, docile, disciplinée et plus sensible aux différents problèmes qui menacent l'agriculture. Cette situation est à l'origine d'un nombre d'études, chaque jour de plus en plus importantes de la part d'instances publiques, locales ou internationales. L'étude de cas(1) menée par le Centre arabe de la femme, Cawtar en 2007 et qui s'intéresse au rôle de la femme rurale dans la pratique de l'irrigation , dans la région du Cap Bon en est l'illustration la plus parfaite. Dans cette région, les périmètres irrigués occupent 25 000 ha. Seulement 3,8% de cette superficie appartiennent aux femmes.Comme partout ailleurs dans le pays, la main-d'œuvre salariale permanente des femmes est minime, comparée à celle des hommes: 10% contre 90%. Cette proportion est presque inversée quand il s'agit de travail salarial occasionnel: 76% de femmes contre 24% d'hommes. Comme le fait remarquer l'étude et contrairement à la législation en vigueur, «la rémunération, qui est équivalente à 80% des salaires versés aux hommes, reste un handicap majeur pour la motivation de cette main-d'œuvre de plus en plus spécialisée dans la gestion et l'utilisation de l'eau à la parcelle». Les femmes qui sont majoritaires sur ces lots irrigués connaissent presque toutes (97% d'entre elles) le système ou la technique d'irrigation utilisée. Elles participent à toutes les tâches (ouverture de vannes, entretien et déplacement du matériel, conduite de l'irrigation ainsi qu'à sa pratique..) «mais fait-on remarquer, aucune connaissance technique n'a été identifiée concernant le débit en tête utilisé par l'exploitation ainsi que la durée et la fréquence des irrigations». Pourtant, plus de la moitié des femmes sont conscientes de l'importance de la perte en eau d'irrigation. Pour les exploitantes, cette question est primordiale et elles ont toute amélioré leur pilotage d'irrigation ainsi que l'efficience globale d'irrigation. Par contre, 25% seulement des hommes ont pu obtenir le même résultat. Les tentatives pour déléguer la gestion de l'eau au niveau local ne ciblent, malheureusement, que les propriétaires terriens et plus spécialement les hommes d'entre eux, relève la même étude. Ces mêmes propriétaires sont la plupart du temps membres d'associations d'usage d'eau et, par conséquent, décident de la gestion et de la distribution d'eau. Alors qu'elle soit salariée permanente ou occasionnelle, propriétaire ou gérante d'une exploitation agricole, la femme a beaucoup à faire avant d'occuper réellement le rôle qui lui revient dans le développement agricole.