« Je remercie Dieu d'être une fille du village SOS Mahrès. J'y ai grandi depuis l'âge de trois mois et aujourd'hui, à 25 ans, je poursuis mes études en deuxième année d'ingénierie électromécanique. » Ces mots de Sabrine Chaâbane, ancienne pensionnaire, résument à eux seuls la philosophie qui sous-tend la création de ces structures : offrir un foyer et un avenir à des milliers d'enfants privés de soutien familial. Sabrine ne s'est pas contentée de réussir son parcours universitaire. Son talent sportif l'a menée au sommet de la pétanque nationale, remportant le titre de championne nationale en double mixte en décembre 2024, et participant à plusieurs compétitions régionales. « Mon parcours au village SOS m'a appris la discipline et la persévérance. Ces valeurs me servent autant dans mes études que sur le terrain », confie-t-elle. Avec fierté et reconnaissance, Sabrine explique que le village SOS n'est pas seulement un lieu d'accueil, mais aussi une véritable famille. « Ma mère SOS est ma vraie mère, et mes frères et sœurs de la maison sont mes véritables frères et sœurs. Ils ont forgé ma personnalité et m'ont appris le sens de la responsabilité », se souvient-elle avec émotion. L'histoire de Sabrine n'est pas unique. À Mahrès, le village fondé en mars 2000 héberge actuellement 41 enfants âgés de 0 à 14 ans, 23 adolescents en internat, et 23 jeunes adultes de 18 à 24 ans, accompagnés vers l'autonomie jusqu'à l'obtention d'un diplôme et d'un emploi. « Une fois financièrement indépendants, nous cessons le soutien matériel, mais les liens humains demeurent », explique Mohamed Yaâkoubi, directeur du village. Au-delà de Mahrès, les villages SOS de Tunisie – Gammarth, Mahrès, Siliana et Akouda – accueillent environ 6 000 enfants. Le pays compte pourtant près de 31 000 mineurs privés, pour diverses raisons, de la présence de leurs parents biologiques, en attente d'un cadre familial chaleureux, selon un rapport du ministère de la Femme et de la Famille publié en 2021. « L'objectif de l'Association des villages SOS est d'étendre sa couverture à toutes les régions du pays. Mais cette mission se heurte à des défis financiers. Alors que la fédération mondiale finançait autrefois jusqu'à 80 % du budget, elle n'en assure plus que 15 % depuis trois ans », regrette le directeur du village de Mahrès. Pour faire face, l'Association a intensifié ses efforts locaux, s'appuyant sur 6 020 adhérents contribuant par prélèvement automatique, pour un total de 340 000 dinars par mois. Elle explore également la création de projets générateurs de revenus afin de garantir la pérennité de ses quatre villages. En parallèle de l'accueil résidentiel, l'Association développe le programme des familles intégrées avec 11 foyers à Sfax, ainsi qu'un dispositif de soutien aux familles vulnérables. Plus de 1 600 bénéficiaires sont concernés dans le gouvernorat de Sfax et la délégation de Hassi El Ferid (gouvernorat de Kasserine). Derrière ces chiffres se cachent des vies transformées et des destins réécrits. Fadhila Oueslati, mère SOS à Mahrès depuis 25 ans, a élevé six enfants qui ont grandi loin de leurs parents biologiques jusqu'à leur insertion sociale. « Je les considère comme mes propres enfants, même si je ne suis pas mariée. Je suis fière de leur réussite », confie-t-elle, le ton empreint de tendresse. « Chaque sourire d'enfant est ma plus grande récompense, et chaque parcours me touche profondément. Ici, chaque enfant compte, et voir leurs progrès est ma fierté quotidienne », poursuit-elle, les larmes aux yeux. Au-delà des contraintes budgétaires, les villages SOS en Tunisie demeurent un symbole de solidarité, de résilience et d'espoir. Le parcours de Sabrine incarne pleinement la réussite d'un projet fondé sur la famille, l'éducation et le dépassement de soi.