Par Khaled TEBOURBI Les critiques un peu à la mode ces derniers temps ont rapport avec nos télés et nos radios. On les dit en «baisse». Plutôt «à court d'idées». Les variétés, par exemple (y compris les téléréalités), sont jugées «répétitives», «intempérantes», parfois. Voire, «de mauvais goût». Les plateaux politiques restent, cependant, les plus visés. On leur reproche beaucoup de choses. Dont d'être de moins en moins «indépendants».Ce qui n'est pas peu. Dont surtout (l'un n'allant sans doute pas sans l'autre) de se partager et de ressasser le même petit cercle d'invités. Deux ou trois remarques à ce propos. La première est une interrogation de bon sens. Comment concilier entre ces critiques et le fait que ces chaînes et ces antennes, ces plateaux «ronronnants» et ces variétés «débridées», attirent autant de publicitaires et ne perdent pratiquement pas une once d'audimat ? La deuxième est qu'il n'y a pas forcément paradoxe en cela. Nos compatriotes peuvent tout à fait s'en prendre à leurs télés le jour, et se remettre, sans mal, devant leur petit écran le soir venu. Des sociologues ou des psychologues nous l'expliqueront sans doute mieux : la critique ne guérit pas forcément de l'ennui à ce niveau. Elle libère juste d'un poids sur le cœur. Pour le reste, c'est le train-train, au quotidien. Troisième remarque : audimat ou pas, oui, il y a du vrai, beaucoup de vrai dans ce qui est reproché à notre audio-visuel, et tout particulièrement à nos plateaux télé. On ne s'en fera pas trop pour «l'intempérance». La concurrence est féroce et le public (on l'a observé déjà) ne dit jamais non. Non plus, tellement, pour les «dépendances» et les «partis pris».Cela n'épargne plus personne au monde. « Rouler» pour tel ou tel dans le journalisme est désormais la règle du jeu. Ce sont les nouveaux diktats de la politique, de la géopolitique, des gros intérêts, des gros lobbies. Habituons-nous-y. Acceptons, assumons. Enormément de gêne, en revanche, devant ces invités qui reviennent, toujours les mêmes, partout et à propos de tout. Là, on se pose, volontiers, des questions. Pourquoi précisément ceux-là et pas d'autres ? Sont-ce les plus spécialisés, les plus compétents ? Sont-ce, comme on aime à le répéter, les plus «prodigues» en audience, les plus attrayants ? Rien n'est moins sûr. Pour certains, pour beaucoup même, c'est faux. Des «autoproclamés» experts, souvent, et c'est tout. Des profils qui conviennent, à dire vrai. Du point de vue de l'audience, peut-être. Mais par ailleurs ? Du point de vue de la pensée politique, des sciences sociales, de l'économie, de l'Histoire, de la diplomatie, de la philosophie, de tout ce qui peut rendre l'opinion meilleure, les publics plus avisés, plus intelligents, plus vigilants, sont-ils les plus indiqués, les plus utiles, les plus méritants ? De toute évidence, non. Il suffit de citer l'exemple de nos grands intellectuels et de nos grands artistes créateurs. Six ans depuis la révolution, et rejet quasi total. Ni à la radio ni sur les plateaux télé : on ne les entend pas, on ne les voit pas. Une «poignée» a pu «s'insérer», ici ou là, aux tout débuts, pour être «rayée de liste» aussitôt. Une bonne centaine de noms, le nec plus ultra de l'élite de ce pays, sont presque «interdits» de chaînes et d'antennes aujourd'hui. Dérobés à l'attention de leurs concitoyens. Umberto Eco avait des raisons de pester contre les médias : ces black-out ne sont jamais innocents !