Par Samira DAMI Après «Fleur d'Alep» de Ridha Béhi, «No man's Love» de Nidhal Chatta, «Zizou» de Férid Boughedir, et «Zeineb n'aime pas la neige» de Kaouther Ben Hnia, deux nouveaux films tunisiens sont à l'affiche : «Ghodwa Hay» de Lotfi Achour et «Thala mon amour» de Mehdi Hmili. Il faut dire que le cinéma tunisien meuble de plus en plus nos écrans au cours de ces dernières saisons, en damant ainsi le pion, côté distribution et fréquentation, aux films hollywoodiens et égyptiens. La tendance est-elle à la tunisification de nos écrans?Assurément oui. Puisque, pour l'année 2016, une bonne dizaine de films tunisiens sont sortis en salle réalisant, chacun, un nombre d'entrées assez important : les chiffres variant entre 50.000 et 150.000 spectateurs plus que pour n'importe quel autre film étranger. Mieux, ces chiffres pourraient être plus importants s'il y avait un plus grand nombre de salles de cinéma dans la capitale et dans les régions du pays dont certaines sont carrément privées d'écrans. Afin de pallier ce manque, certains producteurs et distributeurs se démènent afin de trouver d'autres lieux et espaces de projection pour leurs films en dehors du circuit traditionnel du parc des salles de cinéma, soit les maisons de la culture et des jeunes, les théâtres, les cités et les foyers universitaires, les espaces d'associations et autres espaces privés. Et c'est, actuellement, le cas pour les producteurs et distributeurs des films «Ghodwa Hay» et «Thala mon amour» dont les avant-premières ont été organisées dans les régions. Mais tous ces espaces cités constituent un circuit parallèle, voire informel au circuit traditionnel des salles. Or, cette situation ne peut pas durer éternellement, les projections de films ayant leur propre spécificité, c'est pourquoi l'Etat devrait initier une politique d'encouragement non seulement pour la création de salles de cinéma, mais aussi pour la réouverture des espaces fermés dont certains depuis des années. Quelques-uns de ces espaces désaffectés, voire en ruine, ont besoin de travaux importants, vu leur état critique. Mais d'autres, tel «Le Rex» à Jendouba, nécessitent, seulement, quelques améliorations peu coûteuses et n'attendent qu'une réelle volonté politique afin qu'ils soient de nouveau fonctionnels et renaissent, ainsi, de leurs cendres. Pour cela, une stratégie d'incitation et d'encouragement (accord de subventions, facilitation d'obtention de crédits bancaires) à la réouverture des salles de cinéma fermées, à travers le pays, devrait être initiée par le ministère des Affaires culturelles. Voilà qui augmentera le parc des salles dans le pays et contribuera à l'instauration d'une réelle décentralisation culturelle. Car, surtout après la révolution, nos régions ne peuvent plus continuer à souffrir de la marginalisation et du désert artistique et culturel, d'autant que la demande d'art et de culture est importante dans les différents coins du pays. Et l'Etat doit y répondre afin de contenir la pauvreté intellectuelle rampante et l'obscurantisme ambiant dans ces endroits. Ainsi, une stratégie claire et efficace d'encouragement à la réouverture des salles de cinéma dont les portes sont closes s'impose pour plusieurs raisons car elle favorisera, à n'en point douter, l'augmentation du parc des salles, actuellement dérisoire avec 16 salles en tout, le développement de la distribution des films, qui normalement sont produits pour être vus par le plus grand nombre de spectateurs, et enfin la décentralisation des arts et de la culture qui va de pair avec la décentralisation politique et économique.