Hier, très peu d'élus ont jugé bon de se déplacer, 84 d'entre eux étaient carrément absents. Les questions, il n'y a pas longtemps, avaient pour préoccupations majeures les attaques terroristes, le manque de performance de l'Intérieur, les erreurs d'anticipation, la faiblesse des ripostes La séance publique tenue hier au palais du Bardo a été consacrée aux questions au gouvernement. L'ordre du jour prévoit l'audition de trois ministres. Pas moins de 17 questions ont été notifiées au président de la séance Abdelfatteh Mourou. Illustrant une belle pratique de la démocratie ouverte, les questions sont posées par un député, habituellement d'intérêt local ou sur des affaires ponctuelles, les membres du gouvernement doivent y répondre. A l'opinion de se faire sa propre idée, le débat étant retransmis en direct sur les chaînes publiques. Les échanges comprennent la question du député, la réponse du ministre, et un seul droit de réplique parlementaire. Un exercice qui passe pour être un test oral pour les membres du gouvernement, bien que leurs réponses soient déjà prêtes. C'est aussi l'occasion pour les députés de se déployer en de véritables joutes oratoires, très vindicatives parfois. D'entrée de jeu, le premier vice-président de l'Assemblée invite cordialement tout le monde à se conformer aux règles de concision et de précision dans l'énoncé de la question. Compte tenu du nombre des intervenants des deux côtés, la séance promettait d'être longue. Vaines recommandations. Le premier échange entre l'indépendant Fayçal Tebini et le ministre de l'Intérieur, Hédi Majdoub, aura duré plus de 30 minutes. 50 mille demandes à l'étude Tout au long des 18 minutes nécessaires pour poser sa première question, l'élu sur la circonscription de Jendouba a revendiqué plus de facilités dans l'octroi du permis de chasse. Accusant la commission au sein de ministère chargée d'attribuer des permis de port, d'acquisition et de détention d'armes de chasse de partialité. Le député fait remarquer que, durant tous les soulèvements et la révolution, les fusils de chasse n'ont jamais été tournés contre l'Etat. Critiquant le caractère arbitraire des permis attribués, il avertit qu'un jeune étudiant, un vendeur clandestin d'alcool et un diseur de bonne aventure ont bénéficié de ce privilège, « parce qu'ils sont fortunés ou pistonnés ». Le parlementaire a réclamé de concéder plus facilement ce droit aux éléments des forces armées, étant familiarisés avec le port d'armes, et aux producteurs agricoles pour défendre leur bien. Côté réglementaire, l'élu a fait remarquer que la loi 33/69 qui régit l'activité devra être amendée. Après plusieurs rappels à l'ordre du président, la parole est enfin donnée au ministre, qui reconnaît le caractère désuet de ladite loi, « cela ne veut pas dire pour autant que les permis doivent être octroyés systématiquement aux requérants », a-t-il nuancé. Ainsi avec les 45 mille permis qui circulent déjà, 50 mille demandes sont à l'étude, précise encore le ministre. Il a attiré l'attention sur le fait que durant les affrontements claniques de Kébili, les fusils de chasse ont été utilisés, blessant les agents de l'ordre. Le ministre a tenu à préciser qu'il y a sans doute une erreur d'appréciation puisqu'un fusil de chasse n'est destiné ni à l'autodéfense ni à protéger les biens. Les critères d'attribution seront toujours les mêmes pour tous, a-t-il ajouté, « ne pas avoir d'antécédents judiciaires et une aptitude comportementale et psychologique établie ». Par ailleurs, le membre de l'exécutif a fait remarquer qu'aucune faveur supplémentaire n'est accordée aux agents de police, «ils sont considérés comme des citoyens normaux et ne bénéficient d'aucun privilège à ce niveau». Que de chemin parcouru ! Imed Daïmi du bloc démocrate interpelle le ministre sur «un droit-de-l‘hommiste algérien, Anwar Malek, refoulé aux frontières». Le député considère que ce même militant a été empêché d'entrer au pays en 2007, regrettant que les listes des interdits d'entrée sur le sol tunisien n'aient pas été mises à jour depuis l'ancien régime et qu'il est grand temps de le faire. Le ministre a confirmé les faits, précisant que le concerné est sous le coup d'un mandat d'arrêt pour des activités liées au terrorisme dans son pays, et qu'il a demandé l'asile politique en France depuis 2009. Tout en promettant de se pencher sur ce dossier particulièrement, Hédi Majdoub a précisé que les noms des étrangers ne peuvent être retirés que suite à la demande de leurs pays d'origine. Il fut un temps où ce genre de séance de contrôle gouvernemental et précisément avec ce ministère régalien, l'hémicycle était plein et la séance qui s'y tenait était agitée. Hier très peu d'élus ont jugé bon de se déplacer, 84 d'entre eux étaient carrément absents. Les questions, il n'y a pas longtemps, avaient pour préoccupations majeures les attaques terroristes, le manque de performance de l'Intérieur, les erreurs d'anticipation, la faiblesse des ripostes. Hier il a été question de parties de chasse et de militants refoulés, de dérapage de quelques agents, de contrôles musclés de la police, et d'irrespect, voire de quelques actes violents de certains citoyens à l'égard des forces de l'ordre. Il s'agit dans la plupart des cas d'affaires qui touchent à l'éthique et à l'intériorisation lente et patiente des normes et des valeurs pour s'ériger en société civilisée. Une société où chacun connaît ses droits et respecte la loi. Sans vouloir chanter les louanges de qui que ce soit, un long chemin a été parcouru en quelques mois par un ministère qui fait son travail dans la rigueur et la discrétion. Par ailleurs et dans tous les cas de figure, la sûreté nationale est une priorité absolue.