Les failles d'ordre structurel pénalisant la conduite des affaires liées au terrorisme et les dispositions éthiques et professionnelles des enquêteurs ont été largement traitées par les députés. Le ministre de l'Intérieur a reconnu l'insuffisance des moyens impartis en ressources humaines et matérielles pour lutter efficacement contre le terrorisme. La coopération et l'organisation des services de sécurité et judiciaire est en train d'évoluer, a-t-il tenu à faire valoir Tout juste 91 députés ont fait le déplacement hier au Palais du Bardo pour l'audition des ministres de l'Intérieur, Hédi Majdoub, et de la Justice, Omar Mansour, conduite par le vice-président de l'Assemblée, Abdelfattah Mourou, épaulé par la deuxième vice-présidente, Fawzia Ben Fadha. La séance d'écoute des membres de l'exécutif, d'une durée de près 4 heures environ, a eu pour unique point à l'ordre du jour : la relaxe par le juge d'instruction de présumés terroristes, membres du groupe jihadiste dénommé Abou Maryem, rattrapés en situation de récidive dans l'attaque de Mnihla perpétrée le 11 mai dernier. Les lignes de force des interventions se concentrent essentiellement sur le degré de coordination entre les services de police et de la justice, notamment à travers le ministère public et la police judiciaire, ainsi que sur le rendement des magistrats et leur indépendance par rapport au pouvoir politique. Les failles d'ordre structurel pénalisant la conduite de ce type d'affaires liées au terrorisme et les dispositions éthiques et professionnelles des enquêteurs ont été largement traitées par les députés. Certains n'ont pas dissimulé leurs doutes sur le niveau d'expertise et de professionnalisme des enquêteurs. Risque d'infiltration Les élus ont fait remarquer aux deux ministres que ce n'est pas la première fois que des présumés terroristes bénéficient de relaxe, et dans un stade plus avancé, d'acquittement pour insuffisance de preuves, vice de procédures, etc. Les risques d'infiltration ou de politisation de ces deux départements régaliens sont mis en avant par les parlementaires à mots couverts ou de manière frontale et accusatrice. Chacun prêchant pour sa paroisse, certains représentants du peuple ont trouvé normal d'interpeller les ministres sur un cas social, spécifique, accessoirement celui d'un électeur, puisque relevant de la circonscription du député-intervenant. Par ailleurs, les dossiers de Belaïd, Brahmi et Naguedh ont été encore une fois convoqués, par notamment les députés du Front populaire, qui ont exprimé leurs réserves quant à l'impartialité des magistrats chargés des dossiers en se basant sur des faits précis. Le ministre de la justice a tenu à faire valoir son respect du secret de l'instruction, et s'interdit, de facto, de communiquer des renseignements sur une procédure en cours. De toutes les manières, ajoute le ministre, «je ne suis pas en mesure d'interférer dans un jugement». Il n'a pas manqué de faire remarquer que les présumés terroristes n'ont pas été relâchés dans la nature mais ont fait l'objet de surveillance continue, «c'est grâce aux filatures qu'ils ont été pris en flagrant délit à Mnihla». Il n'a pas manqué, au passage, de critiquer la violence de certains propos des élus qu'il a invités à modérer. Il a également épinglé, dans une intervention de 25 minutes, les révélations quotidiennes dans les médias d'informations relatives à des affaires de justice en cours, des plus anodines au plus graves, par des gens qui ne connaissent ni le droit ni les lois, critique-t-il. Sans preuves et sans aveux Sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, M.Mansour a invité ses introducteurs à évaluer à leur juste titre les ressources de l'Etat, en informant qu'il a lui-même organisé une visite guidée avec les journalistes dans la pire prison du pays, partant du principe : «Nous n'avons rien à cacher». Le ministre de l'Intérieur a entamé son intervention par la présentation de la Faction de Hammamet dite d'Abou Maryem, constituée de six cellules et de 16 éléments dont la plupart ont été arrêtés. Seulement deux d'entre eux sont passés aux aveux et ont reconnu avoir fait allégeance à Abou Bakr Baghdadi, le chef de l'organisation terroriste, Daech. Ils ont reconnu, en outre, énumère Hédi Majdoub, avoir fait des repérages de sections de police, comme cibles pour des attaques armées. Sur la base de ces aveux, l'enquête a été conduite, reconnaît le ministre, le reste du groupe a nié la moindre implication et hormis quelques enregistrements de chants religieux, aucune preuve tangible ne permettait leur inculpation. Sans preuves et sans aveux, le juge d'instruction a relâché sept éléments et décerné un mandat de dépôt à l'égard de neuf autres, dont huit ont été relâchés ensuite. Leur libération ne signifie pas pour autant leur innocence, assure-t-il encore. Ils sont restés sous surveillance, quatre ont été arrêtés dans l'attaque de Mnihla. Le ministre a reconnu, en outre, l'insuffisance des moyens impartis en ressources humaines et matérielles pour lutter efficacement contre le terrorisme. La coopération et l'organisation des services de sécurité et judiciaire est en train d'évoluer, a-t-il tenu à faire valoir. Les actes de torture sont des faits isolés, en répondant à certaines interpellations, et non pas institués en politique. Les deux membres de l'exécutif ont tenté de répondre et de rassurer. Certaines questions, cependant, sont restées en suspens, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Amendement du règlement intérieur Le président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Mohamed Ennaceur, et les présidents des groupes parlementaires ont convenu, lors d'une réunion hier, d'introduire des amendements à certains points du règlement intérieur du Parlement. Selon la présidente du bloc parlementaire d'Afek Tounès, Rim Mahjoub, l'accord prévoit que tous les blocs parlementaires soient représentés au bureau de l'ARP. Les députés hors groupes seront également représentés. Leur candidat devra toutefois être choisi par consensus ou par le recours à des élections, a-t-elle ajouté. D'après la députée, il a été aussi convenu d'adresser des questions orales au gouvernement de façon périodique à l'ouverture de chaque séance plénière le mardi. L'audition des ministres ne devra pas dépasser deux heures. Une séance de dialogue avec le gouvernement sera organisée tous les trois mois au lieu d'une fois par mois conformément aux dispositions du règlement intérieur. Parmi les autres points convenus : la commission des compromis devra se réunir avant la séance plénière et à la fin des travaux des commissions parlementaires pour l'examen des amendements à introduire et éviter la suspension des travaux en plénière. Concernant la retenue sur les primes des députés, Rim Mahjoub a indiqué que cette proposition n'a pas été approuvée. Cette question exige une meilleure organisation avec une détermination à réduire les absences, a-t-elle dit. Le président de l'ARP avait décidé en février dernier une retenue sur les primes des députés d'un montant de 100 dinars pour chaque jour d'absence aussi bien en séance plénière qu'à l'occasion des travaux des commissions.