Les familles, en détresse, prévoient d'observer demain un sit-in devant l'ambassade d'Italie en Tunisie « En deux mots, où sont passés nos enfants ? ». C'est la question posée par les familles des migrants disparus en mer depuis 2011 et qui menacent d'aller plus loin dans une nouvelle spirale de protestations. Lors d'une conférence de presse, tenue hier matin à Tunis, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), les mères en détresse ont dit ce qu'elles avaient sur le cœur. Aucune nouvelle sur le sort de leurs enfants qui ont, six ans plus tôt, fui la misère et le chômage, dans une tentative de rejoindre les côtes italiennes. Mais, cette aventure n'a pas abouti, elle a échoué aux portes de l'eldorado, Lampedusa, dont ils ont tant rêvé. Depuis, silence radio. Ni la partie tunisienne ni celle italienne n'ont donné des éclairages suite aux revendications de leurs proches et parents. Seulement des initiatives associatives ont été prises auprès des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir après la révolution. « Ce dossier est, à leurs yeux, une question subsidiaire qui reste, malheureusement, en suspens. Mais, on n'en peut plus maintenant, la coupe est désormais pleine », ainsi s'exprime M. Imed Soltani, président de l'Association « la Terre pour tous ». Dénonçant vivement une telle réaction passive, il s'est déclaré prêt à user de tous les moyens pour dévoiler la vérité sur le sort de nos concitoyens portés disparus en mer. « D'ailleurs, on prévoit demain jeudi un sit-in devant l'ambassade d'Italie à Tunis. C'est un regain de mobilisation massive vers un point de non-retour», a-t-il encore menacé. L'homme en a fait porter la responsabilité tant à l'Etat tunisien qu'italien. De la mascarade ! Les nerfs à vif, M. Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), porte-voix des familles sinistrées, en compagnie d'avocats de la défense et avec certains acteurs de la société civile, fait un rappel : « C'est en 2011 qu'on avait décidé d'être aux côtés de ces familles jusqu'à ce que leur demande soit satisfaite : dévoiler la vérité tant attendue». Et d'ajouter qu'il a, maintes fois, plaidé pour une prise en charge sociale et psychologique au profit des familles. Mais en vain, personne n'a bougé le petit doigt. « Nos gouvernants sont aux abonnés absents», lance une mère, les yeux larmoyants. M. Hedhili a relevé qu'il compte se retirer de la commission nationale d'enquête et d'investigation sur le sort d'environ 500 jeunes tunisiens portés disparus en mer. Cette commission interministérielle ad hoc, et dont le Ftdes est membre, n'a pas accompli la mission pour laquelle elle a été constituée, à l'arraché, en juin 2015. « De réunion en réunion, elle a perdu tout son credo. On n'a plus confiance », s'indigne-t-il. Selon lui, il n'y a aucune volonté politique de prendre les choses au sérieux. A preuve, aucune décision alors que toutes les pièces justificatives sont là : « Une base de données préliminaires portant 300 analyses ADN et plus de 250 empreintes digitales propres aux victimes a été mise à la disposition du ministère de l'Intérieur. Sans réponse, jusqu'ici », affirme-t-il. Maintenant que les dés sont jetés, il ne reste plus qu'à agir. « Car on ne peut, en aucun cas, continuer dans cette mascarade», conclut le président du Ftdes, en réaffirmant son soutien constant à cette cause. Les mères présentes ont juré de ne plus se laisser berner par un gouvernement qui n'honore pas ses engagements. Une mère, venue de la cité Ennour (El Kabaria), a confié qu'elle n'attend rien de la visite d'Etat qu'effectue, dès aujourd'hui, en Italie, le président de la République.