Embauchés en masse quelques mois après la révolution, les ouvriers de chantier estiment aujourd'hui que leurs droits ont été bafoués et que le gouvernement compte en faire des éternels travailleurs précaires Demain, d'après le groupement des coordinations régionales des ouvriers de chantier, ils seront 60.000 à protester devant les sièges des gouvernorats. Certains menacent même d'entamer une grève de la faim le jour même. Mais selon nos informations, ces menaces ne seront mises à exécution que si les sit-inneurs n'obtiennent pas des garanties supplémentaires de la part du gouvernement quant à la régularisation de leur situation. Ils demandent purement et simplement « l'intégration des ouvriers de chantier ». Autrement dit, la titularisation dans le secteur public. Si le gouvernement Habib Essid avait promis de supprimer les mécanismes précaires du travail, les travailleurs de chantier assurent qu'il n'en est rien. « Le 28 février 2016, un accord dans ce sens avait été signé avec l'Ugtt, mais jusqu'à aujourd'hui, rien n'a été fait », estime Mohamed Akremi, membre du groupement. Dans un communiqué envoyé aux médias, les protestataires démentent les affirmations du gouvernement selon lesquelles une bonne partie des ouvriers de chantier avaient été intégrés. « Les mesures annoncées par le gouvernement au profit des ouvriers de chantier sont des mesures anciennes qui concernent uniquement l'intégration des ouvriers déjà en exercice avant 2011 », peut-on lire dans le communiqué. Les ouvriers d'après-2011 En juin 2016, les 60.000 ouvriers de chantier ont pu avoir des augmentations salariales. Aujourd'hui, ils perçoivent, pour une journée de 8 heures de travail, un salaire de 332,583 dinars en échange d'une quittance de paiement (ils ne disposent pas d'une fiche de paie). C'est ce que reçoit Mohamed Akremi qui travaille pour le gouvernorat de Médenine. A 39 ans, marié avec trois enfants à charge, Mohamed n'arrive pas à s'en sortir. « Il m'arrive, après mes huit heures de travail quotidien, de travailler la nuit sur d'autres chantiers ou en tant que veilleur de nuit. Si je n'avais pas trouvé un gentil monsieur qui me loge avec ma famille, je crois que je n'aurais jamais pu résister ». Ce qui horripile particulièrement Mohamed, c'est que le gouvernement a toujours cédé face aux demandes d'augmentations salariales des fonctionnaires, alors que, par souci d'équité, il aurait fallu améliorer les conditions de vie des plus démunis comme eux. Depuis 2011, les ouvriers de chantier ne travaillent plus uniquement dans les municipalités, mais également dans toutes les administrations publiques. « Là où on nous demande de travailler, nous le faisons », explique Mohamed. « C'est vrai que vu de l'extérieur, nous sommes nombreux, 60.000 ouvriers, et que notre impact est faible sur l'entretien et la propreté urbaine, tient-il à dire, mais cela ne dépend pas de nous, cela relève de la gestion des municipalités. Rien n'a changé et on nous demande toujours d'aller nettoyer dans les quartiers déjà propres. J'ai beau travailler comme ouvrier municipal, mon quartier est toujours dans un état déplorable ». Demain, ces ouvriers vont tenter d'attirer l'attention des médias pendant quelques heures, histoire de faire pression sur le gouvernement. Ils comptent annoncer une série d'actions si leurs revendications ne seront pas entendues par La Kasbah.