Look de rock star avec toutefois une touche traditionnelle au niveau du costume qui spécifie sa tunisianité, la jeune Raoudha Abdallah, diplômée de l'Institut de musique de Tunis, donne le ton d'une approche musicale qui se situe entre tradition et modernité. Le concert présenté, samedi dernier au Rio, est une rencontre entre la musique occidentale et maghrébine. Révélée l'an dernier aux Journées musicales de carthage, Raoudha Abdallah a fait de grands pas depuis. Elle avait participé avec «Asrar», un projet musical bien ancré dans un terroir tunisien ouvert sur un patrimoine musical maghrébin. «Il s'inscrit dans la grande lignée des travaux entrepris par les aînées afin de forger notre identité si particulière», explique-t-elle. Pour «Gottayti», elle a osé un spectacle d'une heure trente au cours duquel elle a présenté pour la première fois au public 11 chansons dont la plupart sont écrites et composées par elle-même avec la complicité de la musicienne et compositrice Mouna Chakroun et l'auteur et poète Béchir Laqani. En présence de Mohamed Zine El-Abidine et d'une assistance attentive, le spectacle a démarré, à l'heure cette fois-ci, à l'intitulé évocateur «Gottayti», qui veut dire, selon la chanteuse, la fameuse «Oksa» autrement dit les femmes ayant des cheveux longs les enroulent avec un tissu ou un bas pour qu'ils ne s'effilochent pas. Il existe dans le patrimoine musical tunisien une chanson populaire évoquant la «Gottaya». D'ailleurs, le concert démarre avec une vidéo montrant une ribambelle d'enfants chantant cette jolie ritournelle. Accompagnée de 8 musiciens et 2 voix formant la chorale, Raoudha Abdallah entame son tour de chant avec une rengaine «Dhfaïer wa grinette» (tresses). Sa voix juvénile et en même temps pleine d'assurance apporte une énergie à la chanson appuyée d'une instrumentalisation maîtrisée. Suivront «Dana dana», dont elle a écrit les paroles et composé la musique avec la collaboration de Mouna Chakroun. La chanson est accompagnée d'une vidéo montrant une danseuse en transe. «Illi fat ma met» (le passé n'est pas mort) est le premier refrain qu'elle a écrit et composé elle-même. «Saât» (Parfois) combine des airs jazzy avec des rythmes tunisiens. Reprise de «Bin el widyène» (Entre les fleuves, le sang coule) de Ismaïl Hattab, un morceau anthologique de la musique rurale tunisienne avec un nouvel arrangement séduisant qui a suscité l'adhésion du public. La tabla et le nay ont donné de la consistance et un zeste d'authenticité au morceau. Dans la même lignée, «Jbel» est une sorte de psalmodie entonnée avec vigueur. Raoudha a saisi l'occasion pour remercier ses enseignants de l'ISM, en l'occurrence Jamel Abid et Sinda Zine el Abidine présents dans la salle. «Ya chbaba, ya zine el ghaba» (la belle de la forêt), une mélodie bédouine agrémentée avec les sonorités de la tabla et la nay chantée lors des mariages. Les arrangements de Sami Ben Saïd lui ont donné une nouvelle vie, adaptée à l'époque d'aujourd'hui. La salle est en extase face à ces versions musicales, fruits d'un travail sérieux ayant nécessité des recherches sur la musique du terroir et surtout sur la manière de la rendre moderne sans la défigurer. A ce stade du spectacle, Raoudha Abdallah a tenu à faire partager les spectateurs une confidence : «L'actrice et chanteuse Lobna Noômane m'a offert une bille que je considère comme un porte-bonheur pour ce concert». «Ana jit» (je suis venue), paroles de Béchir Laqani, est une sorte de romance andalouse ainsi que «Alech zmani» proche de la musique algéroise. Mais la chanteuse, que rien ne dissuade, est capable d'adapter sa voix à toutes les musiques et de les rendre agréables à l'écoute. Enfin, elle terminera son concert avec «Nadi layem» (Appelles les jours), un mélange de musique citadine et rurale assez réussi. En arrière-plan défilent les images en noir et blanc de la télévision d'antan : Omi Traki, Abdelaziz Laroui, Fethia Khairi, Ali Riahi, etc. Tous les protagonistes du spectacle «Gottayti» ont réussi à exprimer la transmission musicale du terroir en lui injectant une dose de créativité tant au niveau de la chorégraphie signée Achraf Ben Haj M'Barek que de la réalisation de Brahim Zarrouk, ainsi que les costumes et l'éclairage. On ne peut que féliciter cette new wave generation et lui dire Bravo !