Premier rendez-vous, aujourd'hui à Beit El Hikma. Des historiens se rencontrent pour exposer leurs réflexions, confronter leurs points de vue et déconstruire les récits fondateurs dans le but de retrouver l'Histoire. L'histoire est un récit écrit, par lequel des hommes et des femmes (les historiens et historiennes) s'efforcent de faire connaître les temps révolus. Mais il existe des récits guidés par la spéculation ou l'idéologie, et des politiques qui déforment le présent pour ne pas laisser de place à l'Histoire. Aujourd'hui, plus que jamais, le monde a besoin d'éclairer le présent à la lumière du passé, et de comprendre la construction des mémoires historiques qui structurent les identités sociales et culturelles. Kalthoum Saafi (maître de conférences civilisation arabe à l'Université Paris 10) et Zine Elabidine Hamda (journaliste et écrivain), fondateurs d'Al Jamia Al Maftouha (Université ouverte), plateforme de discussions et de débats autour du savoir universel et de la culture des Lumières, ont senti ce besoin de repenser l'histoire et de trouver des outils pour la comprendre. Dans le cadre de leurs activités, ils ont créé un événement intitulé : Les rendez-vous de l'histoire de Carthage. Il s'agit de journées organisées en sessions annuelles. Chaque session se déroule sur un thème précis où l'Histoire est traitée de façon transversale et interdisciplinaire. Les journées sont étalées sur l'année à raison de trois par an, de janvier à octobre. L'année inaugurale porte sur le thème «Le monde arabe, de l'historiographie à l'Histoire». «Nous partons du principe que le Monde arabe contemporain, dans sa diversité (Etats, régimes politiques, sociétés, groupements humains), a été l'objet d'une "écriture de l'Histoire" forgée par des classes politiques et intellectuelles qui n'ont pas toujours respecté l'Histoire telle qu'elle a été faite par ses acteurs», écrit le duo dans son argumentaire... Et d'ajouter : «Dans presque tous les pays, l'histoire a été manipulée, travestie, instrumentalisée au profit de régimes politiques autoritaires, par des acteurs nationaux et internationaux. Les récits nationaux arabes ont été le réceptacle des intérêts politiques, souvent claniques, religieux et ethniques. Leur élaboration n'a pas toujours privilégié, au Maghreb et au Machreq, le recours à l'histoire moderne». Z. Hamda et K. Saafi pensent qu'après le «Printemps arabe» le moment est venu de reposer les questions fondamentales qui comptent sur l'histoire du Monde arabe, en commençant par «repenser les récits nationaux arabes». «Le souci ici n'est pas tant d'apporter des réponses que de poser les questions, d'amener les faiseurs d'histoire à réfléchir sur ces récits pervertis, à déblayer un terrain miné en vue de déconstruire le patrimoine historique légué par des régimes politiques décriés. Il s'agit en fait de déconstruire les récits fondateurs pour retrouver l'Histoire», précisent-ils. La première journée a lieu aujourd'hui, vendredi 17 février, à Beit El Hikma. «L'académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, et en l'occurrence son président Abdelmajid Charfi, que nous saluons, a adhéré à ce concept et a bien voulu accueillir ces journées et en assurer toute la logistique», affirme K. Saafi. Mais autant la présidente de la Jamia est heureuse de réussir son partenariat avec Beit El Hikma, autant elle est étonnée de découvrir que certains intellectuels souffrent de sectarisme politique. «Heureusement, dit-elle, qu'il existe encore des gens qui militent pour le savoir. Ces journées vont réunir de grands noms et des experts célèbres en la matière». La prochaine journée aura lieu en mai 2017 sur le thème : «Repenser les récits nationaux, le Machreq en questions». Quant à la troisième journée, elle se tiendra au mois d'octobre et elle traitera des récits de décolonisation. En attendant, voici le programme d'aujourd'hui où c'est le Maghreb qui est en question. Programme 9h00- Allocution d'ouverture par Abdelmajid Charfi, président de l'académie tunisienne Beit El Hikma - Présentation du projet des Rendez-vous de l'histoire de Carthage et du programme de la journée inaugurale par Kalthoum Saafi Hamda, présidente de la Jamia. Séance scientifique Présidente : Mounira Chapoutot-Remadi (responsable du département des sciences humaines et sociales à l'académie tunisienne Beit El Hikma). 9h15- Conférence de Hédi Timoumi (Tunisie) «De l'Historiographie à l'Histoire : repenser les récits nationaux arabes». Débat. 11h00- Table ronde : «Des clés pour comprendre : l'histoire entre le politique et le religieux» - Sophie Bessis (France/Tunisie) : l'Histoire et la politique, des récits orientés. - Habib Khazdaghli (Tunisie) : le récit national et les enjeux de la construction de l'Etat. - Lotfi Aissa : Récit national et conscience religieuse. -Débat. 14h00- Table ronde : La Tunisie Modérateur : Leila Blili Ben Temime (Tunisie) - Kmar Ben Dana (Tunisie) : la tunisianité, une question toujours recommencée. - Ali Mahjoubi (Tunisie) et Hichem Abdessamad (Tunisie/France) : Le récit bourguibien, mythes et vérités historiques. 15h15- Table ronde : L'Algérie Modérateur : Zine Elabidine Hamda Algérie-France, la mémoire décomposée. - Amar Mohamed Amar (Algérie) et Karima Dirèche (IRMC) : Face à face : récits croisés, un passif mal assumé. 16h45- Table ronde : Le Maroc Modérateur : Mustapha Tlili (Tunisie). - Khadija Mohsen Finan (Tunisie) : «Monarchie, religion, territoire ; enjeux de la conscience nationale» - Jamaa Baida (Maroc) : «Le récit national marocain et la question de la diversité culturelle et linguistique».