«Le contact physique avec l'œuvre originale n'est-il pas le chemin vers la connaissance et les libertés ?» Sadika Keskes présente, à la Galerie Alain Nadaud à Gammarth et jusqu'au 12 mars, l'exposition collective «Connexions» (ou rawabet). Une occasion de «connecter» 8 artistes d'univers différents, il s'agit de Bashar Alhroob, Ymène Chetouane, Hanane El Farissi ,Houda Ghorbel, Brahim Jawabreh, Monther Jawabreh, Mouna Jemal Siala et Faten Rouissi. «La connexion pose en réalité la question de la relation humaine avec autrui, dont la créativité artistique est centrale et constitue un moteur d'accélération culturelle. Aussi, des liens très étroits existent entre les représentations artistiques et les pratiques sociales qui sont en effet en interactions constantes», écrit l'artiste Sadika Keskes. L'artiste, comme faisant partie d'une société, ne peut qu'interagir avec elle et poser son regard sur son monde. Il s'agit aussi de revenir sur la place qu'occupe l'œuvre d'art par rapport à l'évolution des moyens de communication. «Le contact physique avec l'œuvre originale n'est-il pas le chemin vers la connaissance et les libertés ?», note-t-elle dans ce sens. Ainsi et comme elle le soulève, la position que le spectateur occupe dans la réception de l'œuvre d'art, dans un espace réel ou virtuel, présente plusieurs dimensions : entre autres l'incitation de l'artiste, l'appropriation de l'œuvre et le développement d'une culture individuelle et/ou collective. Cette connexion implique aussi l'interaction d'artistes venus d'ailleurs avec un nouveau milieu, de nouveaux espaces d'appréhension, une société et une culture autre. C'est le cas des deux frères Brahim Jawabreh et Monther Jawabreh. Deux artistes palestiniens nés dans le camp de réfugiés d'Al Aroub invités pour une résidence à l'espace Sadika. Tous deux cumulent les participations à des expositions individuelles et collectives au niveau local et international. Monther revisite le tissage et le travail de fil pour nous présenter une excellente série de trois portraits intitulée «Signaux», une manière de questionner l'idée des frontières (qui ne sont pas que politiques) et de dépasser des limites (imposées par une conscience collective) dans l'appréhension de ce métier longtemps réservé à la femme. Une manière de dire que les bords sont faits pour être dépassés... L'artiste visuelle tunisienne Faten Rouissi, connue pour ses actions participatives dans l'espace public («De colline en colline» en 2012 et «Bye-bye bakchich systèmes»), nous présente une collection composée de 12 œuvres (une série de ses «Têtes fleuries», ses «Aboyeurs» et autres «Nourissons». Dans ses œuvres allégoriques, l'habit se fait corps et les bustes deviennent vêtements. L'artiste fige des bouts de vêtements dans la matière, y accole des camisoles (pour ses aboyeurs) et autres fleurs (pour ses têtes fleuries). Une manière de détourner, avec un regard critique, des phénomènes sociopolitiques de son environnement immédiat. Mouna Jemal Siala propose des mises en scène photographiques aux propos mélancoliques qui renvoient à sa perception du paysage humain. Un processus de superposition des clichés imprimés sur des plaques de verre donne à ses œuvres une troisième dimension, les fait ressurgir du cadre pour bouger et raconter en mouvements son regard sur l'obscurantisme (dans sa série de photos-performance «Inquiétante étrangeté»). Une exposition qui vaut vraiment qu'on s'y connecte !