Le gouvernement conseille de recourir au ministère du Commerce pour bénéficier du financement. L'Organisation de défense du consommateur (ODC) tire la sonnette d'alarme, non pas pour les innombrables dépassements qu'elle ne cesse de relever, mais pour les difficultés financières qui menacent sa pérennité. Lors d'une conférence de presse tenue, hier à son siège, et axée sur le besoin insistant de bénéficier de la subvention de l'Etat, M. Slim Saadallah, président de l'ODC, expose le paradoxe qui confère à la situation une ambiguïté insoutenable : «L'ODC constitue, indéniablement, l'unique organisation qui continue à scander le droit du consommateur et à le défendre comme étant une priorité absolue. Elle milite sans relâche pour l'amélioration du pouvoir d'achat qui connaît des dégringolades sans précédent. Actif dans vingt-quatre gouvernorats et dans 161 délégations, son personnel s'applique à la tâche dans l'optique de freiner les dépassements, renforcer le droit du consommateur à la transparence et à des produits de qualité. Or, l'ODC semble faire l'objet d'une négligence préméditée. Une négligence qui se traduit par la diminution progressive puis par l'interruption de la subvention de l'Etat qui lui revient de droit», explique-t-il. «Une marginalisation préméditée» Depuis sa création en 1989, l'ODC dispose, en effet, d'une subvention étatique annuelle qui était, jadis, de l'ordre de 500 mille dinars. M. Néjib Khalfaoui, vice-président de l'ODC, rappelle qu'après la révolution, un gestionnaire a été chargé de la gestion financière de l'organisation. En 2013, l'ODC avait réussi sa réinsertion dans la société civile. «Paradoxalement, l'ODC ne cesse depuis la révolution d'être marginalisée voire écartée d'une manière préméditée de tous les événements ayant trait à l'avenir du pays. Sa marginalisation et son affaiblissement budgétaire seraient les moyens susceptibles de mettre en sourdine cette voix qui prend la défense du consommateur et qui gêne autant de lobbies qui dominent bien des secteurs», indique-t-il. Et pour preuve : «La subvention de l'Etat allouée à l'ODC dégringole d'une manière vertigineuse pour finir par être interrompue». Selon Mme Najla Aouinti, chargée de la communication. La subvention de l'Etat relative à 2010 était de l'ordre de 450 mille dinars. En 2013, elle était de l'ordre de 200 mille dinars pour chuter à seulement 150 mille dinars en 2016. «Cette année, nous n'avons reçu aucune subvention à même de nous permettre de poursuivre notre travail en bonne et due forme. Pis encore : le gouvernement vient de nous communiquer sa réponse ; une réponse stérilisante, voire insensée. L'on nous demande, en effet, de quémander le financement auprès du ministère du Commerce et, par conséquent, de nous plier à l‘institution que nous critiquons et qui constitue le défendeur contre qui nous déclenchons souvent des procès», souligne-t-elle, irritée. Pourtant, lors de son congrès national en date de 2014, les membres du bureau exécutif de l'ODC ont choisi le financement étatique comme seul moyen de financement à même de préserver l'indépendance et la neutralité de l'organisation. «Le financement privé délestera l'organisation de sa neutralité, et du coup, de sa crédibilité», fait remarquer M. Saâdallah. Le parcours de l'ODC ne s'arrêtera pas là ! Les membres du bureau exécutif soulignent l'impact d'une telle situation financière sur la pérennité de l'ODC. Le personnel n'a pas touché un sou depuis quatre mois. Pire encore : quelque dix employés en été limogés, faute de moyens. D'après M. Khalfaoui, l'Organisation peine à payer ses factures. Faute d'argent, les fournisseurs la boudent de même d'ailleurs que l'expert comptable qui se chargeait de ses comptes. Quant aux bénévoles, ils ont du mal à accomplir leurs missions et de mener à bien les projets de fond que planifie l'ODC. Mme Aouinti rappelle, dans un exposé, les divers axes de travail de l'Organisation. En effet, l'ODC a décroché sa qualification d'organisation nationale en 1993. Depuis, elle représente un contre-pouvoir luttant contre la prolifération de la contrebande, du commerce parallèle, des dépassements perpétuels qui touchent à la santé et au droit du consommateur à la transparence commerciale et à des produits de consommation sains et de qualité. Parallèlement, elle s'applique à la médiatisation, à la sensibilisation et à l'information sur lesdits abus, appelant ainsi le consommateur à assurer pleinement sa responsabilité de maillon fort de la consommation. «Ce qu'ignore le consommateur, c'est que l'Organisation effectue un travail de fond dans l'optique de préserver son droit à la santé et à des produits de qualité. Nous avons, à titre d'exemple, milité pour interdire l'importation de l'huile de palme qui constitue une réelle menace pour le consommateur. Nous avons relevé maints défis, gagné des procès contre le ministère du Commerce. Et avec le peu de moyens dont nous disposons nous continuons à travailler et à réaliser beaucoup d'objectifs», souligne-t-elle. Le point de presse sera le point de départ d'une campagne de sensibilisation sur la situation précaire de l'ODC; «L'ODC est ta voix...soutiens-là » et «Le financement est un droit et non une faveur » en sont les slogans. «Le parcours de l'ODC ne s'arrêtera pas là ! L'Organisation poursuivra son chemin malgré tout », conclut Mme Aouinti.