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« Le gouvernement refuse de verser la totalité des subventions »
Entretien avec: Jamel Msallem, président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 03 - 2017

L'initiative présidentielle relative à l'élaboration d'un code des libertés individuelles fait l'objet d'interprétations diverses, voire contradictoires. Les contradicteurs de ce projet y voient un coup politique du président de la République qui envisage d'imiter son illustre précepteur, Bourguiba, l'artisan du Code du statut personnel, et devenir ainsi l'émancipateur des jeunes. Les opposants au projet estiment également que Béji Caïd Essebsi cherche à récupérer cette catégorie sociale qui souffre beaucoup des effets néfastes de la crise qui dure depuis des années. Tous ces griefs sont vivement contestés par les défenseurs du projet présidentiel qui soutiennent qu'il est question d'harmoniser et de moderniser la législation tunisienne en en élaguant les textes liberticides, rétrogrades et anachroniques. Mais cette manœuvre législative suffira-t-elle à rendre effectives ces libertés ? La Presse a rencontré le nouveau président de la Ltdh qui nous a éclairés sur diverses questions, notamment celles relatives au Rapport alternatif, au projet de restructuration et de modernisation de la Ligue et à sa situation financière très inquiétante.
Quelle est votre approche par rapport à la loi 52 qui fait l'objet de controverses?
Tout d'abord, il faut savoir que la Ligue a toujours réclamé l'abrogation de cette loi, d'autant plus qu'elle n'a pas atteint ses objectifs annoncés. En ce sens qu'elle n'est pas aussi dissuasive qu'on le pensait, puisque le nombre des consommateurs de cannabis s'est multiplié, comme le montrent aussi bien le nombre des détenus, qui s'est considérablement accru variant actuellement entre 6.000 et 7.000, que l'âge des nouveaux consommateurs entre 12 et 13 ans, alors que la moyenne d'âge des anciens consommateurs était de de 20 ans. Donc, le changement de cette loi devient impératif pour prévenir la société des différentes dérives, surtout en raison du fait que celle-ci est trop sévère à l'endroit de ceux qui ont fait de la prison, notamment les filles qui sont carrément rejetées et qui souffrent beaucoup plus que les garçons. Il est grand temps de trouver des solutions alternatives et radicales, d'autant plus que la peine actuelle a un effet de contagion sur ces jeunes détenus qui s'initient à la criminalité et même au terrorisme en fréquentant, pendant leur incarcération, des malfrats et des extrémistes religieux qui peuvent facilement les influencer. Cela dit, au-delà de l'amendement de la loi, il faut commencer par démanteler les réseaux de distribution qui échappent à tout contrôle et qui sont constitués par de gros bonnets à propos desquels on ignore tout. Qui sont-ils ? Y a-t-il des hommes politiques parmi eux ? On n'en sait absolument rien.
Comment vous interprétez l'initiative présidentielle concernant l'application de cette loi?
Comme je viens de le démontrer, on soutient toute volonté et tout effort allant dans le sens de l'amendement de cette loi, étant donné que l'on privilégie la prévention plutôt que la sanction. Seulement, ce n'est pas l'objectif visé par cette initiative, puisque le président de la République envisage tout simplement de s'adresser au Conseil de sûreté nationale pour lui demander d'appliquer les dispositions de cette loi seulement sur les récidivistes, c'est-à-dire d'en épargner les consommateurs qui sont appréhendés pour la première fois. Ce qui veut dire que ces derniers tomberaient sous le coup de cette loi en cas de récidive. D'où la stérilité de cette initiative. Est-ce un clin d'œil à l'endroit des jeunes ?
C'est ce qu'on dit aussi à propos du projet présidentiel se rapportant à l'élaboration d'un code des libertés individuelles. Qu'en pense la Ltdh?
Si ce code vise l'affermissement des libertés, alors la Ligue, qui milite pour la suppression des dispositions liberticides telles que les articles 26, 27 et 30 du Code pénal, est pour cette initiative. Cependant, il semblerait que, par le biais de ce code, le président de la République cherche une issue à la situation de blocage dans laquelle il se trouve et qu'il essaye de se rattraper auprès de ses électeurs, en honorant ses promesses électorales, d'autant qu'il arrive à la moitié de son mandat. D'autre part, cette initiative serait une reconnaissance tacite de la détérioration de la situation des droits et libertés dans le pays, comme le démontrent les différentes associations et organisations nationales et internationales qui relèvent des atteintes graves aux libertés et à la dignité humaine encore actuellement aussi bien dans les postes de police que dans les centres pénitentiaires.
Est-ce que vous entendez par là que les atteintes aux libertés sont toujours systématisées?
Il est vrai que ces atteintes ne sont plus aussi systématisées qu'avant 2011, mais cela n'empêche qu'elles existent encore. C'est de toute évidence à cause de l'impunité qui sévit toujours et qui encourage ce comportement indigne d'une société civilisée. La Ligue, qui défend inconditionnellement l'Etat de droit, valorise la législation en vigueur qui consacre les libertés et les droits, la ratification des conventions internationales, ainsi que l'existence d'instances nationales qui luttent contre la torture, la traite des humains et la corruption. Seulement, nous remarquons ces derniers temps une certaine orientation politique vers la violation de droits constitutionnels, tels que le droit de manifester pacifiquement, et ce à travers la répression de manifestations pacifiques et l'arrestation de manifestants et d'activistes au sein de la société civile. Nous exprimons notre déception vis-à-vis de la poursuite judiciaire des activistes des mouvements sociaux qui devient une politique systématique, parvenant à des arrestations massives touchant toute personne revendiquant du travail, de la dignité et du développement, pour prendre une forme de sanction collective. Les poursuites judiciaires et les condamnations par contumace contre les diplômés chômeurs à Sidi Bouzid, Le Kef, Gafsa et Djerba se poursuivent et se multiplient ces jours-ci. Et le plus grave en la matière, c'est la condamnation à 14 ans de prison de onze jeunes à Kélibia pour avoir participé aux manifestations ayant suivi l'assassinat de Chokri Belaïd.
Quelles sont les résolutions que vous avez prises par rapport à cette situation dans le cadre du Conseil national de la Ltdh?
Tout en insistant sur le caractère pacifique des manifestations, nous nous opposons catégoriquement à l'incrimination des revendications sociales légitimes et pacifiques, dont notamment le droit au travail et au développement, que nous soutenons inconditionnellement. Nous refusons toutes les formes de harcèlement sécuritaire et judiciaire qui ne parviendront pas à empêcher les activistes et les diplômés chômeurs de poursuivre leurs revendications pacifiques et de les intensifier. La Ligue attire l'attention du gouvernement sur la gravité de l'incrimination de ces mouvements sociaux et l'appelle au dialogue avec les protestataires et à la concertation positive avec les demandeurs d'emploi et de développement dans toutes les régions du pays. La Ligue rappelle, enfin, que le traitement sécuritaire et la politique d'intimidation ne sont qu'une campagne désespérée de la part de ceux qui sont à court de solutions et qui ne possèdent pas d'alternatives économiques et sociales.
Quel est le constat que vous avez établi dans le Rapport alternatif de la société civile sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pidcp)?
Tout d'abord, je tiens à préciser que ce rapport, qui est chapeauté par la Coordination maghrébine des associations des droits de l'homme (Cmodh) et qui est soumis au Comité des droits de l'Homme en vue de l'examen du sixième rapport périodique de la Tunisie attendu en 2012, est signé par huit associations tunisiennes qui sont la Ltdh, l'Atfd, l'Afturd, l'Octt (organisation contre la torture en Tunisie), Free Sight Association, l'Udc, la Ctcpm (Coalition tunisienne contre la peine de mort) et le Snjt. L'état des lieux est très préoccupant en raison du nombre et de la gravité des violations des droits de l'Homme. Parmi ces violations, il y a l'intimidation des défenseurs des droits de l'Homme et l'entrave au droit de réunion pacifique, les arrestations et détentions arbitraires, la dégradation des conditions de détention, la persistance du recours à la torture et aux traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'impunité et le dysfonctionnement du processus de la justice transitionnelle, la dépendance de l'appareil judiciaire, les harcèlements dont sont victimes les journalistes, et les atteintes aux droits économiques et sociaux dont les formes sont diverses, à savoir la fréquence des grèves, des mouvements des paysans et des ouvriers et des sit-in, qui sont les indicateurs de la persistance des inégalités entre les personnes et les régions et de l'aggravation de la paupérisation occasionnée par la hausse vertigineuse des prix, la montée du chômage et le retour aux anciennes pratiques relatives à la corruption et au népotisme.
En quoi consistent vos principales recommandations pour remédier à la situation ?
Les principales recommandations résident dans la création d'une institution nationale compétente en matière de droits de l'Homme conforme aux Principes de Paris, la garantie que toute plainte pour torture ou mauvais traitement fasse l'objet d'une d'enquête dans les plus brefs délais, la révision de la loi antiterroriste en vue d'abroger les articles prévoyant la peine capitale pour sanctionner les crimes terroristes, la révision de la législation sur les tribunaux militaires pour assurer que le système de justice militaire est seulement compétent pour juger des militaires qui ont commis des infractions militaires, la réactivation de la protection offerte aux journalistes lors de l'exercice de leurs fonctions, la garantie de leur droit d'accéder à l'information et la protection de leurs sources, l'harmonisation de l'arsenal juridique avec la nouvelle Constitution et la tenue immédiate d'enquêtes impartiales et sérieuses sur les agressions contre les défenseurs des droits de l'Homme. Néanmoins, l'une des questions les plus importantes reste l'accélération de la mise en place des instances judiciaires, à savoir le Conseil supérieur de la magistrature et le Conseil constitutionnel, pour garantir l'indépendance de la justice, qui est le garant des droits et libertés, car il ne faut pas oublier que la dictature s'est appuyée sur la police et aussi sur le pouvoir judiciaire pour confisquer ces derniers. C'est pourquoi nous appelons toutes les parties en litige à essayer de rapprocher leurs points de vue afin de débloquer la situation.
Outre la dénonciation de la répression et de l'incrimination des mouvements sociaux, quelles sont les autres décisions prises par le Conseil national de la Ligue ?
En premier lieu, nous avons procédé à l'adoption d'un nouveau règlement intérieur, en vue de restructurer la Ligue par l'élaboration de conceptions modernistes, la mise en place d'un directeur exécutif, et la création de nouveaux départements qui soient gérés par des compétences. Seulement, il manque le budget de fonctionnement qui est en chute effrénée compte tenu de l'ampleur de nos engagements financiers.
Nous exprimons notre désappointement devant le silence du gouvernement face à la revendication de notre droit aux subventions publiques et lui imputons la responsabilité de toutes les conséquences qui découleraient de l'impuissance financière de la Ligue. Je tiens à rappeler que la ligue a reçu le 1/5 des subventions, à savoir 20 mille dinars, avant le congrès, après nous avoir promis d'assurer, ultérieurement, le versement du montant restant, c'est-à-dire 80 mille dinars, mais cette promesse n'a pas été honorée jusqu'à ce jour. Dans les jours qui viennent, une rencontre avec M. le président de la République est prévue pour lui demander de résoudre cette difficulté. Ce financement est indispensable pour que la première ligue des droits de l'Homme aussi bien à l'échelle arabe que sur le plan africain puisse se moderniser et continuer à rayonner par la propagation des droits et libertés dans tous les domaines et la défense des victimes, et à être une force de propositions. On rappelle aux amnésiques que la Ligue a été primée par le Nobel et qu'il y va donc de l'image de la Tunisie. Le gouvernement est appelé à assumer pleinement ses responsabilités à ce niveau et à agir au plus vite, d'autant plus que dans quelques mois, la Ligue ne pourra plus honorer ses engagements financiers de base.


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