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«Les solutions de transport doivent satisfaire les besoins dans 20 à 30 ans»
Entretien avec: M. Gilles Chausse, Directeur de l'Agence Française de Développement
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 03 - 2017

Les travaux du 1er forum de la mobilité urbaine ont débuté hier et devront s'achever aujourd'hui. L'Agence française de développement (AFD) figure parmi les partenaires de cet événement dont l'un des principaux thèmes s'articule autour de la politique nationale de transport urbain de la Tunisie. En février 2016, un accord de coopération a été signé entre le ministère du Transport, la Codatu et l'AFD visant à apporter un soutien technique et financier à la mise en œuvre des différents projets de mobilité urbaine dans les grands centres urbains. Directeur de l'AFD, M. Gilles Chausse nous en dit plus sur les enjeux futurs de la mobilité urbaine dans le bassin méditerranéen et en Tunisie, les actions à entreprendre pour l'établissement d'un schéma de mobilité urbaine qui préserve l'environnement et les objectifs du forum.
En 2010, le financement apporté par l'Agence française de développement a permis d'initier un programme pour le renforcement des compétences des autorités locales, et ce, afin de contribuer à une meilleure mobilité urbaine dans la région du bassin méditerranéen. Six ans après, ce programme a-t-il donné des résultats concrets?
Sans aucun doute. Des résultats très concrets puisque le renforcement des capacités des acteurs de la mobilité urbaine, tant locaux que nationaux, a permis l'émergence et le développement de nombreux projets de transport urbain en Tunisie auxquels s'est associée l'AFD. Certains sont achevés, d'autres en cours et des perspectives importantes voient le jour. Il en va ainsi par exemple de l'extension du métro léger de Tunis, de la réhabilitation de la ligne TGM et de la construction des lignes D et E du Réseau ferré rapide. L'AFD accompagnera demain la création d'un pôle d'échange et d'interconnexion autour de la place Barcelone. Elle a marqué un intérêt pour le futur métro de Sfax. Les bénéficiaires de ces actions de renforcement de capacités sont par exemple la Transtu, Sncft, RFR...
Ces actions multiples et variées en faveur du renforcement de capacités se sont appuyées, dans le cadre d'un programme initié par le Centre méditerranéen pour l'intégration (CMI), sur l'expertise de Codatu, une association de droit français, à vocation internationale qui regroupe des collectivités locales, des organismes de recherche, des entreprises du transport et dont l'objectif est de promouvoir les politiques de mobilité urbaine soutenable. Un intéressant dialogue et un partenariat entre acteurs spécialistes des questions de transport urbain sur les deux rives de la Méditerranée se sont par ailleurs structurés et développés à la faveur notamment d'échanges d'expérience entre pairs. Ils ont permis l'organisation d'un cycle de 6 rencontres en 3 ans de professionnels du secteur dans tout le bassin méditerranéen dont la finalité était double : d'un côté forger progressivement une culture méditerranéenne de bonnes pratiques en matière de déplacements urbains durables et de l'autre côté aller au plus près des décideurs et des problématiques locales en essayant d'apporter des solutions adaptées selon les différents contextes et leurs spécificités.
L'ouvrage « Transports urbains durables en Méditerranée » fruit de ce travail collectif synthétise les enjeux que partagent les villes méditerranéennes en la matière et propose une boîte à outils pour agir dans le sens d'un développement de transports collectifs modernes adaptés aux attentes des usagers. Dans le cadre de ce programme, avait été organisé en 2012 à Tunis des Journées nationales du transport urbain (Jntu) qui avait initié une réflexion sur les thématiques de la gouvernance et du financement des transports urbains. Cette réflexion prend désormais une nouvelle ampleur. Le Forum sur la mobilité urbaine organisé les 1er et 2 mars se propose en effet de poursuivre cette réflexion et d'aller encore plus loin en posant les bases d'une politique nationale de mobilité urbaine durable.
Selon vous, quelle politique pourrait être envisagée en Tunisie pour une meilleure mobilité urbaine?
Une politique visant une meilleure mobilité urbaine passe par des actions centrées sur l'augmentation de la part de marché des transports collectifs dans les déplacements totaux. Or, en Tunisie en général et à Tunis en particulier, on a pu observer depuis 30 ans un décrochage de la part du marché des transports collectifs urbains. Leur part modale est passée de 77% en 1977 à environ 30% aujourd'hui. Cette baisse est la combinaison de plusieurs facteurs, tels que la baisse de performance des transports publics, l'augmentation du niveau de vie des ménages qui s'est traduite par un recours accrue aux voitures individuelles, mais aussi de la coordination insuffisante des acteurs agissant sur la ville et d'une trop faible interconnexion des modes de déplacement.
Afin d'améliorer la mobilité urbaine, il semble donc nécessaire d'adapter le volume de l'offre de transport collectif par rapport à la forte demande et à l'augmentation de la taille des agglomérations, articuler les différents modes de transport public dans les grandes agglomérations afin de réduire les temps de trajets des usagers, inciter financièrement les usagers à l'utilisation exclusive du transport collectif sur tout leur parcours en simplifiant les différents tarifs et en rendant possible de passer d'un mode à un autre (bus, métro, RFR, lignes de banlieue de la Sncft) grâce à un seul titre de transport et améliorer la qualité du service des transports en améliorant à la fois leur confort et la sécurité, ce qui doit les rendre plus attractif pour les usagers. Ce dernier point est important car la voiture individuelle véhicule un imaginaire très fort de liberté, d'autonomie et de confort. Le travail de pédagogie et de communication qu'il faut entreprendre en la matière c'est de montrer par exemple qu'il est plus moderne et pratique d'emprunter le métro que de prendre sa voiture parce que cela est plus écologique, plus rapide, moins aléatoire, plus sûr, ou plus reposant. Mais cette communication n'est possible que si des investissements sont réalisés en parallèle et répondent à des critères indéniables de qualité de service et de densité des réseaux.
Au-delà, il est également important que la politique de transport élaborée soit bâtie sur la base d'une vision sur le long terme. Ainsi les solutions de transport ne doivent pas se limiter à répondre au besoin de mobilité d'aujourd'hui mais elles doivent être réfléchies pour satisfaire les besoins des usagers des transports dans 20 à 30 ans. Enfin, on oublie trop souvent que la manière dont les villes se construisent et les activités se répartissent à une très grande influence sur les choix de mobilité. Au-delà de la politique de transport, il est donc nécessaire d'y articuler des politiques d'urbanisme et d'aménagement urbain permettant de prévenir l'étalement des villes, de favoriser la mixité des activités et de construire des espaces publics (voies, places) favorables aux transports collectifs, aux vélos, aux piétons. Sur ces sujets complexes, l'AFD peut apporter ses appuis techniques comme financiers à la Tunisie.
En 2015, la Tunisie s'est engagée lors de la COP 21 à réduire de 41% ses émissions de CO2. Quelles sont les actions qu'elle devra entreprendre pour concilier sa politique nationale de transport urbain avec la préservation de son environnement?
C'est une décision politique très positive qu'il faut d'abord saluer.
Il convient au-delà de rappeler l'importance d'agir sur le développement du transport urbain pour que la Tunisie remplisse ses engagements puisque ce secteur est le second émetteur de gaz à effet de serre (GES) dans le pays avec un quart du total (soit la moyenne mondiale). La bonne nouvelle, c'est qu'une politique du transport urbain bien pensée peut remplir plusieurs objectifs à la fois.
Les actions qui favorisent une mobilité efficace, profitable à tous (y compris les personnes les plus modestes ou celles qui vivent dans des quartiers populaires excentrés), réduisant durablement la congestion et l'insécurité routières sont en effet les mêmes que celles qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre liés aux déplacements urbains.
Cela passe d'abord, par une maîtrise de l'urbanisation, une lutte contre l'étalement urbain et une concentration de la densité urbaine autour de plusieurs centralités locales (le concept de villes multipolaires) bien desservies par des transports de masse. Cela permet d'aller vers une logique « ville des courtes distances» où tout ce qui est nécessaire au quotidien (logements, bureaux, commerces, loisirs) se situe dans un petit périmètre. Se déplacer moins loin et moins longtemps, c'est à la fois émettre moins de CO2 et améliorer sa qualité de vie quotidienne.
Par ailleurs, il faut bien évidemment encourager l'usage des modes de transport « propres», au détriment de la voiture particulière polluante : cela passe par le développement de réseaux de transports collectifs efficaces, mais aussi par la promotion de la marche et du vélo. La création de « zones vertes» où l'usage de la voiture est restreint ou encore la maîtrise du stationnement sont également des leviers intéressants par lesquels les municipalités peuvent participer à cet effort collectif.
Nos sociétés vivent aujourd'hui de grandes transitions notamment vers le numérique ou encore vers une économie plus centrée sur le partage et les usages que sur la propriété. Les pouvoirs publics peuvent donc en ce sens mettre en place des actions permettant le développement d'alternatives au déplacement (télétravail, procédures dématérialisées dans les administrations...) qui limiteront les déplacements inutiles. Le fait que la Tunisie se soit doté d'un plan national stratégique pour accompagner le développement du numérique est à ce titre un atout et l'AFD souhaite appuyer la Tunisie dans cette direction. Enfin, il est aussi nécessaire de mener une politique volontariste pour améliorer l'efficacité énergétique des véhicules individuels et collectifs: standards d'émission, taxation des véhicules polluants, développement de véhicules hybrides et électriques...)
Sur tous ces points (urbanisme préventif, développement des transports collectifs dans les grandes villes, transformation digitale...), il nous semble que des politiques publiques prometteuses se construisent et nous marquons nos encouragements et notre disponibilité au gouvernement tunisien pour l'accompagner dans cette direction.
Qu'attendez-vous du Forum de la mobilité urbaine?
A travers des débats dégageant un bilan et des perspectives nouvelles sur les stratégies et politiques de mobilité urbaine en Tunisie, voir aboutir des réflexions partagées entre experts des transports, opérateurs de service public, collectivités locales et administrations en faveur d'un élan commun sur deux sujets majeurs de cette mobilité : sa gouvernance locale et son financement durable.
Le FMU a d'abord pour objectif de discuter des orientations stratégiques d'une politique nationale de mobilité urbaine durable. Il permettra aussi une concertation large parmi les acteurs institutionnels sur les enjeux et les améliorations à apporter au cadre législatif des transports urbains, d'étudier les nouveaux mécanismes de financement à apporter au secteur, tout en prenant en compte le contexte de décentralisation avec un questionnement sur l'implantation d'autorités régionales organisatrices du transport terrestre en Tunisie.
Ce forum est donc l'occasion de poser les bases d'une politique nationale de mobilité urbaine qui aille dans les directions que j'ai évoquées à l'instant et d'anticiper dans l'avenir leur déclinaison locale à travers l'élaboration de plans de déplacements urbains adaptés à la situation de chaque ville.


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