Par M'hamed JAIBI Le projet de loi organique réprimant l'enrichissement illicite, exposé récemment par le porte-parole du gouvernement, vient mettre fin à une longue tradition d'impunité dont s'est prévalu la législation tunisienne au détriment des critiques acerbes que cela a souvent suscité de tout temps. Inducteur de bonne gouvernance Ce projet de loi organique sur «les déclarations des biens, la lutte contre l'enrichissement illicite et les conflits d'intérêts dans le secteur public», se présente comme un texte vital venant compléter les diverses législations appelées à induire la bonne gouvernance et à combattre le fléau de la corruption et des malversations, qui a connu, depuis la révolution, une curieuse exacerbation. On se souvient que du temps de Ben Ali, des ministres de la Justice présentaient fièrement cette lacune de notre législation comme un atout en faveur de la libre entreprise. Mais désormais, le fameux : «D'où cela vous provient-il ?» sera en vigueur chez nous, donnant une cure de moralisation à la répartition des richesses et une bonne dose d'équité à notre fiscalité. Transparence et équité Le projet de loi vise officiellement à «promouvoir la transparence et renforcer les principes d'équité, d'impartialité et de responsabilité dans le secteur public», et concerne toute personne physique, nommée ou élue de façon permanente ou temporaire à tout poste de responsabilité. Le projet fixe les procédures devant présider à la déclaration des biens pour le chef du gouvernement et tous ses membres, les membres et le président de l'Assemblée et pour le président de la République, ainsi que pour de nombreux postes à haute responsabilité de l'Etat qui y sont désignés. Le projet de loi passe en revue les moyens d'agir en cas de conflit d'intérêt et les mécanismes prévus pour sévir contre l'enrichissement illicite. Traquer tout enrichissement illicite Mais le texte officiel du projet n'est pas encore public, puisqu'il ne sera examiné en Conseil des ministres que prochainement. D'où l'émergence de plusieurs questionnements à propos de l'éventail des responsables publics concernés, de la nature des conflits d'intérêts incriminés ou encore des catégories de citoyens concernés par la traque des délits d'enrichissement illicite. Le porte-parole du gouvernement a indiqué que ce projet de loi intervient dans l'esprit de compléter l'arsenal juridique national de lutte contre la corruption. Il intervient suite à l'adoption du projet de loi relatif à la dénonciation de la corruption et à la protection de ses auteurs. Il serait bénéfique que le texte n'épargne aucun type d'actes de corruption ou d'enrichissement illicite, qu'il soit le fait d'un agent de l'Etat ou d'un simple citoyen. Car l'apport de ce nouvel outil juridique de lutte contre la corruption sera également essentiel dans la traque menée aussi bien contre les barons de la contrebande que vis-à-vis de la fraude fiscale, dont les auteurs seront ainsi désignés de par leurs biens non répertoriés.