Le travail sur la culture et les mentalités en valorisant la valeur du travail est décisif. C'est pourquoi la voie adoptée est celle des réformes et des évolutions réfléchies et pondérées, et non la diabolisation de l'administration « Notre stratégie de lutte contre la corruption est nationale et devra rallier tous les pouvoirs, la société civile et les médias pour garantir son efficience ». C'est ainsi que s'est exprimé Kamel Ayadi, ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de Lutte contre la corruption, hier, dans une salle de conférences flambant neuve du palais du Bardo. Cette rencontre avec les journalistes parlementaires intervient suite à son audition, la matinée même, par la commission spéciale de la réforme administrative, de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption et de contrôle de gestion des deniers publics présidée par le député nidaiste Hassan Amari. Il s'agit d'une stratégie nationale proposée par son ministère qui préconise la réforme de la fonction publique et des moyens de lutte contre la corruption. Déclinée en plusieurs initiatives législatives, la réforme est présentée comme le meilleur moyen de sensibilisation des fonctionnaires et du citoyen en matière de lutte contre toutes les pratiques illicites. Et le ministre de présenter la configuration de la stratégie divisée en trois segments : 70% sont consacrés aux politiques préventives, 10% aux réformes et restructurations et 20% aux mesures punitives et sanctions. Des réformes réfléchies En rappelant la création récente de son département, tout juste cinq mois, Kamel Ayadi fait valoir l'urgence de jeter les bases des mécanismes garantissant la transparence et la lutte contre la corruption. « Nous œuvrons pour que la corruption soit l'exception et la bonne gouvernance et bonne gestion des fonds publics soient la règle». Dans ce cas précis, le recours aux représailles est envisageable, souligne-t-il encore. En comparant les temps présents, le représentant de l'exécutif apporte néanmoins une nuance : « Il est impossible de sévir si les pratiques de corruption sont répandues dans l'administration et toute la société ». L'implication des Tunisiens et leur responsabilisation pour identifier la corruption dans les marchés publics, entre autres, ont été vivement encouragées par Kamel Ayadi qui se dit croire en la valeur ajoutée des citoyens et des agents de l'administration. Leurs rôles seront confortés par l'excellente loi portant sur l'accès à l'information déjà adoptée, ainsi que par le projet de loi stipulant la protection des dénonciateurs d'abus ou de cas de corruption, déposée la semaine dernière à l'Assemblée, apprend-on encore. Le texte de loi qui sera débattu à l'avenir au Parlement comporte des garanties précieuses pour la protection des « lanceurs d'alerte » et de leurs familles. Des évolutions législatives notoires criminalisant dans leurs dispositions non pas uniquement la corruption mais la non-prévention contre la corruption. Un attirail législatif en phase de finalisation pour lutter également contre l'enrichissement illicite, le conflit d'intérêts, le trafic d'influence, le favoritisme dans les marchés publics. Victoires rapides Le plus grand défi, selon l'intervenant, est de les décliner en mécanismes d'application. «Si nos lois valent celles de la Suède, l'environnement n'est pas le même, il faudra en tenir compte », met-il en garde. Le travail sur la culture et sur les mentalités en valorisant la valeur du travail sont décisives. C'est pourquoi la voie adoptée est celle des réformes et des évolutions réfléchies et pondérées, et non le recours systématique aux sanctions ou encore la diabolisation de l'administration. « Nous travaillons à moyen terme, mais il y a des victoires rapides à réaliser, toutefois, comme de regagner la confiance du citoyen dans l'administration publique ». Le volet d'une meilleure gestion des ressources humaines a également été évoqué. La gestion des carrières, la mobilité interministérielle et la mise en place d'une fonction publique attractive pour les hautes compétences garantissent de meilleurs rendements des administrations de l'Etat, souligne encore Kamel Ayadi. Des questions associées qui relancent le débat sur la modernisation des modes de fonctionnement de l'Etat ont été traitées à travers les questions des journalistes, comme l'adaptation de l'administration au contexte économique et social, la « placardisation » des responsables de l'ancien régime et les rapports avec les syndicats. La question de La Presse portait sur l'exemplarité des responsables, à commencer par les représentants du peuple qui légifèrent à tour de bras sur la transparence et la lutte contre la corruption mais se soustraient eux-mêmes à des mesures obligatoires en leur qualité de députés, comme la déclaration du patrimoine. Le ministre a commencé par dire qu'un responsable qui ne donne pas l'exemple n'est pas crédible.