Par Dr Tahar El Almi(*) Le dinar tunisien a battu son record de baisse historique face au dollar américain et à l'euro. Sur Tunis, le change : Pour le dollar, il s'achetait 2,27915 dt le 9 février 2017, contre 2,01006 dt un an auparavant. Pour l'euro, il s'achetait 2,43479 dt le 9 février 2017, contre 2,25696 dt un an auparavant. Globalement, la dépréciation du dinar en une année, par rapport à ces devises principales, serait de près de 10%, depuis le 1er/01/2011. C'est beaucoup La dérive du dinar a des effets pervers cumulatifs sur les fondamentaux et sur la stabilité économique : Les effets cumulatifs : En premier lieu, la dépréciation du dinar tunisien face à la monnaie étrangère accentue l'inflation et réduira les réserves en devises du pays. Les produits importés (énergie, matières premières, semi-produits, biens de consommation et équipements) devenus plus chers, les firmes répercutent ce surcoût sur le prix des biens produits. Ce qui va alimenter l'inflation et réduire le pouvoir d'achat des consommateurs, et la compétitivité à l'export du secteur industriel et impacter négativement les exportations. En deuxième lieu, l'accentuation du déficit de la balance commerciale, qui devient de plus en plus inquiétant. Le déficit de la balance courante (les services) dû à la chute des entrées du secteur touristique et des mines. Cependant, la dépréciation de la monnaie nationale pourrait aider, difficilement, à la relance des exportations et des transferts d'argent des Tunisiens résidant à l'étranger (TRE). Certes, la dépréciation du dinar aurait un effet positif sur les exportations, mais cela reste minime compte tenu de la crise que traverse notre premier partenaire européen, mais l'effet de la dépréciation du dinar sur l'importation serait plus lourd, surtout avec la hausse du prix du baril de pétrole et la chute de la production de céréales». En troisième lieu, l'alourdissement de la facture des importations des produits de base suite à la dépréciation du dinar amplifie le budget de compensation et alourdit la charge du service de la dette, surtout dans une période marquée par une vague de remboursements programmée pour les années 2016/2017. Les causes : La dépréciation de la monnaie nationale est non seulement due à des facteurs structurels mais aussi conjoncturels. Pour ce qui est du structurel L'essoufflement de la compétitivité de l'économie tunisienne (amplifié par la dépréciation du dinar) a entraîné la dégradation des fondamentaux de l'économie nationale, qui s'est traduite par la baisse des entrées en devises et la limitation des exportations. L'insécurité et son effet sur le tourisme. La persistance d'un déficit courant élevé repli des entrées nettes de capitaux à MLT se sont traduits par la détérioration du solde général de la balance des paiements induisant une contraction des réserves de change. Exprimées en dollar américain, les réserves de change se sont établies à leur niveau le plus bas sur la période 2006-2016. Evolution des réserves de change L'érosion des réserves risque, en cas de poursuite, d'exacerber les pressions sur le taux de change du dinar et de rendre sa gestion une tâche de plus en plus difficile. Des interventions mitigées de la Banque centrale sur le marché de change, depuis la Révolution, pour répondre aux besoins des opérateurs économiques en matière de liquidités en devises, n'ont pas eu l'effet escompté ; le taux de change du dinar a poursuivi sa dépréciation vis-à-vis des principales devises à cause, notamment, de la persistance du déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché des changes. La crise de la zone euro. Pour ce qui est du conjoncturel L'effet saisonnier suite au rapatriement des dividendes par les entreprises étrangères, qui se traduit par la baisse du dinar : La Banque centrale de Tunisie est de moins en moins réactive face à la baisse du dinar et a limité son intervention sur le marché financier, d'une part pour éviter le risque de se retrouver avec des réserves de change de moins de 90 jours d'importations, d'une part, et d'autre part pour répondre favorablement aux pressions du FMI qui plaide pour une dépréciation de la monnaie nationale. Le manque de professionnalisme de la part de certains hauts responsables de la sphère financière, comme en témoignent les derniers propos sur la faillite des banques tunisiennes ou encore. Les perspectives : Fondamentalement, la BCT pourrait stabiliser le dinar pour une courte période, mais à court terme le dinar demeure condamné à reprendre son trend baissier tant que la dynamique des réformes n'est pas déclenchée et tant que le gouvernement hésite à appliquer fermement la loi. Le dinar tunisien demeure aussi condamné à reprendre son trend baissier tant que le discours populiste ne déserte pas l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). T.E.A. *(Economiste-universitaire : ISG-IHET)