Le dinar a tendance à connaître un trend baissier. Cette situation semble s'inscrire dans la durée. Au regard des chiffres de change des deux dernières décennies, la dépréciation de la monnaie nationale a tendance à prendre, de plus en plus, une dimension «structurelle», et partant, à conférer au dinar le statut de monnaie faible, c'est-à-dire une monnaie qui se déprécie régulièrement face aux monnaies fortes. Selon des statistiques de la Banque centrale de Tunisie (BCT), en 2005, le dinar s'est déprécié à un rythme plus rapide, vis-à-vis des deux principales monnaies d'endettement et d'investissement du pays : l'euro et le dollar. En effet, par rapport à l'euro, le dinar s'est déprécié de 1,3%, passant de 1,590 à 1,611 dinar pour un euro. Cette tendance à la dépréciation s'est accélérée en 2006. Actuellement, un euro s'échange contre 1,677 dinar. Depuis 2001, le dinar se déprécie par rapport à la monnaie européenne à un rythme moyen de 5% par an, avec une pointe de 8,6% en 2003 et une baisse de 4,1% en 2005. A titre d'exemple, cette dépréciation est perceptible à travers la hausse croissante des prix des voitures populaires importées en euro. Au regard d'ensemble sur les prix affichés chez les concessionnaires, de nos jours, ces véhicules n'ont rien de populaire. Idem face au dollar, le dinar s'est déprécié, à un rythme beaucoup plus rapide, soit -9,6%. Son cours est passé de 1,229 dinar à 1,359 dinar pour un dollar. En 2006, le dollar s'échange en moyenne contre 1,305 dinar. Les observateurs de l'économie tunisienne, tels que la mission économique française en Tunisie, expliquent «cette accélération de la baisse de la valeur internationale du dinar par une volonté de la BCT de préserver les parts de marché du pays dans le commerce international». A titre indicatif, ils mettent à l'actif de cette politique de change de la BCT «la bonne résistance des exportations de textile/habillement de la Tunisie». Décryptage : la dépréciation du dinar favorise les exportations. Elle est utilisée par les autorités tunisiennes pour doper les produits tunisiens et améliorer leur compétitivité à l'exportation. Globalement, cette tendance baissière est donc le résultat d'une politique délibérée de la BCT, une tendance que les bailleurs de fonds (Banque mondiale et Fmi) s'en félicitent en raison de la souplesse de change qu'elle favorise. En 2006, le Fonds monétaire international (FMI) a plébiscité l'économie tunisienne. La mission qu'il avait dépêchée en mai dernier en Tunisie a notamment écrit, à ce propos : «les réformes fondamentales, alliées à une politique de change souple, ont contribué à la consolidation de la compétitivité de l'économie tunisienne et au développement des exportations». Ce plébiscite est un gage de reconnaissance internationale de la justesse de la politique de change menée par la Tunisie. Moralité : il n'y a pas de dérapage majeur. Officiellement, à travers cette politique de change, la BCT vise, effectivement, à préserver la valeur de la monnaie en maîtrisant l'inflation, à corréler la croissance de la masse monétaire avec celle de l'activité économique et à booster les exportations, l'ultime objectif étant la réalisation d'un meilleur équilibre de la balance des paiements. Néanmoins, cette 'dépréciation-dopage'' a tendance à durer dans le temps. Elle n'est plus dictée par des exigences conjoncturelles telles que le temps matériel exigé pour passer d'une économie régulée à une économie de marché. Pour mémoire, le dinar n'a cessé de baisser depuis le début des années 80. Deux périodes méritent d'être signalées. De 1983 à 1991, le taux de change effectif nominal (TCEN) du dinar a connu une période de dépréciation d'un peu moins de 5% par an. A l'inverse, tout au long des années 90, le taux de change effectif réel (TCER) du dinar est resté beaucoup plus stable, avec une dépréciation moyenne d'environ 1% par an. Au-delà de toutes ces indications rébarbatives, un débat sur l'avenir du dinar mérite d'être enclenché autour de trois alternatives majeures. Faut-il opter pour un dinar faible aux fins de favoriser les exportations pour conquérir des parts de marché ? Ce dossier se défend bien. Est-il nécessaire de rappeler ici, à titre de référence, que les miracles allemands et japonais n'ont été rendus possibles que par la dévaluation du mark et du yen sur la période 49-65 pour le premier et jusqu'au milieu des années 80 pour le second ! Faut-il, au contraire, opter pour un dinar fort qui favorise les importations et la crédibilité du pays auprès des investisseurs étrangers et des marchés financiers ? Ceux-ci sont attirés par une monnaie "forte" car elle a comme corollaire une montée des taux d'intérêt, lesquels taux d'intérêt se traduisent par la rentabilité accrue du capital, qui peut ainsi se (re-)valoriser. Faut-il enfin opter pour le modèle américain qui laisse le taux de change aux aléas du marché ? Le débat est ouvert.