Dans ses réponses aux députés lors du vote de confiance, il y a deux jours, des deux nouveaux membres du gouvernement, M. Youssef Chahed a reconnu l'ampleur des défis non réalisés depuis la révolution. Et ils sont bien évidemment d'ordre économique et social Tout le monde en convient. L'économie est en panne. Ses effets sociaux s'entassent dans une dynamique vicieuse et en spirale, toujours de mal en pis. Elle se traduit le plus souvent d'une manière crispée ou violente. Grèves, débrayages, soulèvements sporadiques dans les régions se succèdent et s'enchevêtrent. Trois grands agrégats économiques n'en finissent pas de grever la donne. Le chômage massif persiste, particulièrement auprès des jeunes diplômés, les investissements tarissent et les exportations reculent. Du coup, les principales balances macroéconomiques se retrouvent déficitaires et les finances publiques atteignent des seuils intolérables d'épuisement. Le chef du gouvernement a pourtant indiqué que le report ad aternam de la loi d'urgences économiques bloque l'initiative gouvernementale. Idem du report de la loi sur la réconciliation économique et sociale. La majorité y souscrit tandis que l'opposition y décèle des voies détournées en faveur de la corruption ou du blanchiment des corrompus. Le débat à ce propos n'est pas épuisé. Toujours est-il que le corpus administratif, les procédures et la bureaucratie plombent l'économie. Et l'on n'est pas près de voir le bout du tunnel de sitôt. Toutefois, l'observateur averti décèle d'autres lignes de faille génératrices d'autant de pesanteurs. Il s'agit, surtout, de la grave crise politique des partis, ceux de la majorité gouvernementale en prime. Ainsi en est-il des tiraillements et scissions de Nida Tounès. Ces derniers temps, cela confine au jeu de roulettes russe, un jeu de massacres amoncelant blessés et cadavres. A bien y voir, c'est bien une pente raide. Ses manifestations et effets pervers sont multiples. D'abord, cela dure depuis plus d'une année et demie. Ensuite, les scissions, alliances et contre-alliances sont parties dans tous les sens. Au point de générer une espèce de guerre de tous contre tous. Par ailleurs, cela influe considérablement sur la consistance et l'action gouvernementales. L'ancien chef du gouvernement, M. Habib Essid, en avait fait les frais. Destitué en bonne et due forme suite à un vote parlementaire particulièrement cruel. Son gouvernement n'avait recueilli que trois voix favorables parmi les 217 parlementaires, dont près de 170 lui avaient fourni le vote de confiance d'investiture. Le nouveau gouvernement n'est guère en reste. M. Youssef Chahed, chef du gouvernement dit d'union nationale, supporte les contrecoups des girouettes et volte-face de son propre parti. Des fuites d'échanges lors des réunions au plus haut niveau de Nida démontrent à quel point M. Youssef Chahed est pris à partie par M. Hafedh Caïd Essebsi, le patron du clan ayant pignon sur rue. A l'en croire, le chef du gouvernement se serait rebiffé et n'obéirait plus aux injonctions du parti après avoir été placé à la tête de l'exécutif. Ceci sans compter les déclarations à l'emporte-pièce, les invectives et règlements de comptes entre différents clans, en direct sur les plateaux radio et télé. Cela confine le plus souvent à la foire d'empoigne et aux procédures mafieuses. C'est dire si, par la misère de ces jours, la position du chef du gouvernement est confortable. Il se retrouve en quelque sorte dans la tourmente, au point de chute des différents tirs croisés et déchirures fratricides et sanglantes. A ses risques et périls.