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Apprendre aux jeunes à consommer les médias avec vigilance Interview avec... Marie-Christine Saragosse, Présidente-Directrice Générale de France Médias Monde
Marie-Christine Saragosse dirige le groupe France Médias Monde, qui réunit France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya. Plusieurs de ses équipes de journalistes se déplacent aujourd'hui en Tunisie, pour animer le long de la journée, au lycée français Gustave-Flaubert, des rencontres autour de l'éducation aux médias. Le groupe de Marie-Christine Saragosse est en fait le partenaire de la Semaine de la presse et des médias dans les écoles françaises, qui se déroule cette année du 20 au 25 mars, autour du thème «D'où vient l'info ?». Cette année encore, France Médias Monde mobilise plusieurs de ses journalistes dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias dans l'école. Pourquoi? A quoi sert, à votre avis, une éducation aux médias appliquée aux jeunes lycéens ? L'éducation aux médias est essentielle, aujourd'hui plus que jamais, à l'heure des réseaux sociaux et plus globalement des offres numériques en tous genres qui peuvent être le meilleur mais malheureusement aussi le pire en répandant à toute vitesse, et sans contrôle, de fausses informations, parfois même des contenus de propagande. Les médias sont un des garants de la démocratie, de la liberté d'expression. Ils jouent un rôle de contre-pouvoir. Pour distinguer le vrai du faux, il est important que les jeunes apprennent à consommer les médias avec vigilance, qu'ils développent leur sens critique à bon escient pour se prémunir des manipulations. Nous devons les aider à construire leurs repères. Les journalistes du groupe France Médias Monde mettent à profit chaque année, sur la base du volontariat, leur expertise pour aider les élèves en France, et dans les réseaux des lycées français basés en dehors de la France en partenariat avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (Aefe), à décrypter les médias audiovisuels et les réseaux sociaux. La distinction entre information et propagande, la vérification des faits, la liberté de la presse ou encore la valorisation de la diversité et de la parité mobilisent nos équipes. Quels sont les outils pédagogiques que vous adoptez pour initier les lycéens au décryptage de l'information ? Pour la troisième année consécutive, les équipes de France 24 ont réalisé un programme court intitulé «Info ou Intox», qui permet de déjouer les manipulations sur Internet et les réseaux sociaux. Il s'agit d'un programme très pédagogique, particulièrement adapté aux jeunes pour un visionnage en classe, mais il s'adresse à toutes et tous et nous le diffusons également sur nos sites et à l'antenne. Les deux présentateurs de l'émission, Wassim Nasr et Ségolène Malterre, font d'ailleurs le déplacement à Tunis avec moi. Ils animeront un atelier interactif avec les élèves au Lycée français Gustave-Flaubert à La Marsa autour de ce programme. Par ailleurs, nous avons ouvert sur le site RFI Savoirs (savoirs.rfi.fr), un espace consacré à l'éducation aux médias qui propose toute l'année des outils dédiés, incluant des exercices, des quiz, des articles, mais aussi les émissions réalisées par France 24. En outre, Les Observateurs de France 24, qui sont un programme phare de la chaîne, font ce travail de vérification et de décryptage quotidiennement sur leur site en français, en anglais et en arabe. Les jeunes aujourd'hui se désintéressent de plus en plus des médias classiques, au profit d'Internet. Alors peut-on encore espérer éduquer les nouvelles générations de citoyens aux médias à l'heure des réseaux sociaux ? L'éducation aux médias inclut bien entendu toutes les formes de supports numériques et en particulier les réseaux sociaux. Les médias traditionnels sont de plus en plus aujourd'hui des médias globaux. Par l'expérience de leurs équipes, par l'expertise de leurs journalistes, ils disposent d'un socle solide sur lequel s'appuyer pour être très présents dans ces univers numériques, dont ils ont une excellente maîtrise. A titre d'exemple, les chaînes du groupe France Médias Monde ont dépassé le seuil symbolique des 50 millions d'amis sur Facebook et Twitter en janvier dernier. Et nous développons des offres qui s'adressent directement à la jeune génération connectée comme Mashable avec France 24 (mashable.france24.com) qui séduit un large public de 15/34 ans, dont de nombreux jeunes Tunisiens francophones! Une semaine seulement permet-elle d'ancrer les bases d'un apprentissage aux règles du journalisme et aux dérives de la propagande et du «fake» (faux) chez les lycéens? Comment poursuivre cette éducation ? Cette semaine permet de concentrer un grand nombre d'actions en mobilisant les établissements scolaires et les journalistes qui s'organisent pour pouvoir y participer. Mais il est vrai que ce n'est pas suffisant. D'ailleurs, l'Aefe a eu l'excellente initiative de proposer une thématique annuelle et propose «L'Année de l'éducation aux médias et à l'information» dans ses établissements sur les cinq continents. France Médias Monde a pour sa part signé un accord avec le ministère français de l'Education nationale qui ouvre la voie à des actions qui vont bien au-delà de cette semaine: de nombreuses classes viennent nous rencontrer, assister à des émissions, utilisent nos ressources toute l'année... Je crois que d'une manière générale, c'est une question dont les enseignants, de l'école primaire au lycée, se sont pleinement saisi et ils l'intègrent, le plus souvent, dans leurs programmes pédagogiques tout au long de l'année désormais. Nous recevons d'ailleurs chaque année, à France Médias Monde, une quinzaine d'enseignants en stage d'entreprise, qui viennent se familiariser aux métiers des médias. Dans l'équipe de journalistes qui se déplace aujourd'hui à Tunis, le duo de confrères qui anime l'émission sur France 24 «Pas 2 quartiers» travaille sur les réseaux jihadistes mais également sur l'intox, qui envahit ces derniers temps la toile. Quel lien entre les deux phénomènes ? D'abord je voudrais saluer toutes les équipes éditoriales de France Médias Monde qui ont fait le déplacement, à la fois pour mettre à l'honneur la Tunisie sur toutes nos antennes et pour intervenir devant les élèves. Taoufik Mjaied de France 24, que les Tunisiens connaissent bien je crois, est bien sûr du voyage! Emmanuelle Bastide, présentatrice de «7 milliards de voisins» sur RFI enregistre deux émissions spéciales à Tunis qui seront diffusées jeudi et vendredi, en plus d'animer des ateliers. Les correspondants de France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya sont également mobilisés et nous rejoignent à La Marsa. Enfin, Wassim Nasr et Ségolène Malterre, les deux journalistes que vous évoquez dans votre question, vont animer un atelier avec les jeunes autour du programme «Info ou Intox». Ils sont effectivement aussi les présentateurs de «Pas 2 Quartier», la nouvelle émission de France 24 qui donne la parole, et surtout la caméra, aux jeunes des banlieues françaises, qui souvent ne se reconnaissent pas dans le traitement médiatique de leurs quartiers. L'une travaille depuis de nombreuses années pour les Observateurs de France 24, qui a mis en place un dispositif de vérification des faits très référent. L'autre est spécialiste des questions djihadistes, et pour avoir été beaucoup exposé aux images de propagande par exemple, il en maîtrise tous les codes. Le fruit et la qualité de leur travail est d'abord le résultat de leurs expertises complémentaires et de leur forte implication en faveur des jeunes. Pensez-vous étendre un jour votre expertise acquise dans les institutions scolaires françaises aux écoles et lycées tunisiens dans le cadre d'un partenariat avec le ministère de l'Education national tunisien ? Votre question me touche beaucoup! Il n'est pas prévu à ce jour de partenariat avec le ministère de l'Education nationale tunisien, mais je serais ravie d'en discuter avec les autorités si elles le souhaitent. Bien sûr, nous ne disposons pas à Tunis des mêmes moyens humains qu'à Paris, même si nos journalistes viennent régulièrement couvrir l'actualité politique, sociétale et culturelle du pays, tout comme nos correspondants ici le font chaque jour. D'autres viennent régulièrement pour assurer des formations aux professionnels tunisiens des médias. En ajoutant à cela les outils que nous produisons, tous disponibles gratuitement en ligne, on peut donc très bien imaginer une coopération renforcée autour de l'éducation aux médias dans les écoles tunisiennes. En se mettant ainsi plus encore au service de nos publics tunisiens, en français et en arabe, ce serait une belle manière de les remercier pour leur fidélité. Je viens de recevoir les résultats d'audience de France 24 en Tunisie pour l'année 2016 : la chaîne a conforté son statut de première chaîne internationale, loin devant, avec une audience en hausse et près d'un Tunisien sur deux qui la regarde chaque semaine.