Pendant 6 jours, le public de Djerba à eu droit à un programme qui favorisa les productions documentaires, notamment celles des jeunes du Sud, des conférences animées par des enseignants français dont certains d'entre eux sont des réalisateurs de documentaires. Après avoir élu domicile durant 4 ans à Douz, le Doc Days immigre à Djerba et reste ancré dans le Sud. Sa ligne éditoriale est la promotion des films documentaires du Sud, «en privilégiant les films de création, tout en encourageant la diversité des approches, la subjectivité et la recherche mues par le devoir de mémoire», révèle son directeur Hichem Ben Ammar, dans l'éditorial qui accompagne le programme. Djerba Doc Days est un événement axé sur le people ou le tapis rouge et où les sponsors sont rois. C'est un événement qui se concentre sur les projections, les débats et les expositions documentaires. Pendant 6 jours, le public de Djerba à eu droit à un programme qui favorisa les productions documentaires, notamment celles des jeunes du Sud, des conférences animées par des enseignants français dont certains d'entre eux sont des réalisateurs de documentaires. Des expositions de photos et des hommages à deux cinéastes tunisiens disparus récemment, Kalthoum Bornaz, avec la projection de son documentaire «Regard de mouette» et Taoufik Raïs, natif de Djerba, réalisateur de «Borgaâ» et de «Les quatre saisons». Une histoire d'échec et d'amertume Le film d'ouverture «Travelling» de Ons Kamoun, impliquée dans l'organisation du festival, est un work in progress qui constitue un des éléments de sa recherche de thèse de doctorat en études cinématographiques à l'université de Toulouse Jean-Jaurès, et portant sur la représentation du désert dans le cinéma tunisien. Durant 83 minutes, Ons, qui se met elle-même en scène, raconte son expérience d'enseignante de cinéma dans le Sud tunisien et son combat pour produire des films avec ses étudiants. Dans un premier temps, ces derniers la suivent, mais face aux complications, à la dureté de l'aventure cinématographique où tout se fait avec des bouts de ficelles, ils lâchent prise et abandonnent la partie. C'est le désarroi pour Ons qui ressent cela comme un échec et éclate en sanglots devant la caméra. Cet exemple que nous montre la réalisatrice est le cas de tous les débutants qui tentent de réaliser un documentaire. L'aventure, si elle est exaltante, est souvent dure car elle peut s'étaler sur plusieurs années. Présenté à la fois comme un carnet de tournage et une quête de soi, le film est tout d'abord chargé de valeurs nobles, comme le don de soi, le partage et la détermination d'aller jusqu'au bout. A ce titre, il dégage beaucoup d'émotions, dans la mesure où il saisit sur le vif le rapport privilégié de l'enseignante qui va au-delà du cours de classe, en sacrifiant son temps et son énergie avec ses étudiants pour les accompagner dans leur formation au documentaire. L'effort de Ons Kamoun est à saluer, mais ne pas savoir quel chemin le film prend, c'est un peu comme la scène de la toupie qui tourne qu'elle montre au début et à la fin du documentaire. Autrement dit, tourner en rond sans trouver une issue réelle à l'histoire racontée. Le tableau n'était guère plus joyeux du côté de l'autre documentaire «Weldek rajel» de Haykel Ben Youssef, originaire de Djerba. Réalisateur pour la télévision nationale de la série ramadanesque «Hajr land», il entreprend une expérience dans le documentaire qui le mène à Paris au milieu des jeunes Tunisiens sans papiers vivant clandestinement au jour le jour. Une errance explorant des jeunes aux rêves écrasés. Le film reste descriptif, proche plutôt du reportage que du documentaire de création. Le social encore et toujours Le désir manque souvent dans ces films assez tristes et réalisés de manière approximative. Face à ces jeunes réalisateurs, on se retient de leur poser la question pourquoi filmez-vous ? On sent bien que la raison d'être de leur film est l'attachement aux gens ou aux régions en difficulté, mais l'affection semble empêcher la prise de risque, nous laissant avec le confort de chroniques aux détails vécus et aux fins ouvertes. Le programme 1 de la compétition a proposé 4 courts documentaires dont le fil conducteur est le problème social. Les rituels ancestraux sont présents dans «Chaddekh» d'Intissar Aoun, un «Borgaâ 2», mis sans l'aspect esthétique et sans questionnement du phénomène de la préparation de la mariée. C'est juste une description linéaire de cette tradition millénaire. «Cloch'art» de Manel Ktari nous donne à voir des jeunes rappeurs de banlieue qui aspirent à rejoindre dans la gloire et la reconnaissance leur icône Kafon et Klay BBJ sans plus. «Efriqyamère» de Awatef Ridane, un titre qui joue sur les mots révélant l'amertume des immigrés clandestins subsahariens ayant échoué à franchir la frontière et sont gardés dans un centre de détention. Il s'agit d'une intrusion dans cet univers dans lequel ces clandestins vivent la privation et l'incertitude. Awatef Ridane a réussi, grâce à un des détenus passionné de cinéma, à reproduire leur vie. Seule, elle n'aurait pas réussi à réaliser ce documentaire. «Les glaneuses» de Charfeddine Ferjani et Sana Ben Zaghdane est un reportage télévisé sur les contestations des glaneuses de clovisses de Mareth à qui on interdit la cueillette de clovisses avariées. La vie de Djerbiens ar les photos Outre les films, on a pu admirer à Djerba Doc Days, les expositions de photos, notamment l'exposition de photos documentaires en noir et blanc réalisée avec le fonds Beït El Banani sur la vie quotidienne des juifs de Djerba sous l'objectif du photographe américain du magazine Life, Frank J. Scherschel (1907-1981). Les photos ont été prises entre 1956 et 1957 pour illustrer l'indépendance de la Tunisie et, à cette occasion, il a visité Djerba et photographié ses habitants, notamment la communauté juive. Les photos sont tout simplement saisissantes de beauté. Dans le même ordre d'idée, l'universitaire Marie Gautheron s'est interrogée dans sa conférence «Les peintres voyageurs ont-ils inventé le documentaire ?» sur la perspective d'une approche historienne de la production de sens dans le contexte colonial. Très instructive, son intervention était accompagnée de tableaux de peinture révélant la vision de ces peintres voyageurs sur le désert et la signification souvent œcuménique des régions du Sud. Paul Lacoste, cinéaste et enseignant toulousain, a donné une conférence sur sa démarche de documentariste qui privilégie la retenue en arpentant les sentiers d'une mémoire nationale, à travers la petite histoire et les menus détails du quotidien. Ses trois films projetés représentent cette démarche singulière «Entre les bras», «Vendanges» et «Poussin», tous tournés à Toulouse où il vit et travaille. Au niveau de l'accueil et de l'organisation, le festival a fait appel à des volontaires qui ont travaillé discrètement et efficacement, ce qui a contribué à la réussite de cette session de Djerba Doc Days et de son directeur Hichem Ben Ammar qui était au four et au moulin. Face au sérieux de la manifestation et de ses organisateurs, le ministère des Affaires culturelles a augmenté, à raison, la subvention de 10 à 30 mille dinars. DDD est un festival qui en vaut la peine.