Avec l'annonce de la fermeture de la câblerie «Coroplast» qui emploie quelque 500 personnes, la région du Kef s'est embrasée ces derniers jours au point que la tension y est devenue très vive et laisse présager le pire, notamment si le gouverneur n'intervient pas pour juguler la crise engendrée par cette fermeture jugée calamiteuse pour le marché de l'emploi dans la région. Le Kef a vécu ces cinq derniers jours dans la terreur et la morosité, marquée par une agitation sociale, un grand mouvement de contestation qui est passé d'une simple revendication contre la fermeture de cette entreprise à un véritable plaidoyer pour l'emploi et le développement, en ce que la région est demeurée encore marginalisée, fragile et incapable de répondre au flux des demandeurs d'emploi qui viennent s'ajouter chaque année à la longue liste des sans-emploi recensés dans la région depuis plusieurs années. Hier la population, fort soutenue par les employés de la câblerie, a marché sur la ville dans un mouvement d'ascension qui illustre la volonté des uns et des autres d'en finir avec cette situation de précarité et d'absence d'initiative afin de relancer l'emploi et le développement dans une région où de grandes ressources minières et forestières demeurent malheureusement non ou mal exploitées. Les protestataires ont sillonné l'artère principale qui traverse la ville et ont scandé des slogans hostiles au gouvernement que l'on accuse de ne pas être à l'écoute des doléances et autres préoccupations de la population. La câblerie a, d'ailleurs, été pendant plusieurs mois le théâtre de conflits entre le syndicat et la direction de l'entreprise, laquelle estime que le syndicat est allé loin dans ses revendications au moment même où elle vient de perdre l'une de ses chaînes suite au renoncements de son client (Volkswagen) à la fabrication d'un modèle de voiture (Tiguan), ce qui a poussé la direction, selon les propos fournis aux autorités régionales, à revoir ses plans d'action et la mobilité de son effectif, ce que le syndicat a refusé et qualifié de manœuvre visant à délocaliser la câblerie vers une autre région pour bénéficier à nouveau des avantages fiscaux. Prenant en main la situation, la commission administrative de l'Union régionale de l'emploi s'est réunie dimanche et a adopté un train de mesures qui consacre la volonté de l'Union de défendre les intérêts de la région en matière d'emploi et de développement. Les décisions portent sur la poursuite des mouvements de protestation au Kef, surtout que cela bénéficie d'un soutien de la société civile et des organisations nationales dont l'Utap, qui a publié hier un communiqué dans lequel elle met en cause le silence du gouvernement sur la poursuite de la fermeture de certaines entreprises et la non-assistance aux agriculteurs sinistrés par la grêle et la sécheresse, tout en apportant un franc soutien aux employés de la câblerie qui observent depuis cinq jours un sit-in ouvert et bloquent la circulation automobile sur la route périphérique de la ville du Kef par où transitent les gros engins et les véhicules roulant vers Tunis ou l'Algérie. La Ligue des droits de l'Homme n'est pas non plus restée les bras croisés. Elle est allée apporter un soutien moral aux employés, tout comme des artistes qui ont choisi de partager des moments de «lutte et de protestation» en compagnie des sit-inneurs parfois sur des airs de musique engagée. Demain, une grève d'une heure (11h00-12h00) est programmée au Kef. Elle sera suivie d'une marche pacifique à laquelle est conviée la population, la commission administrative de l'Union régionale du travail est aussi restée ouverte pour prendre les décisions qui s'imposent au cas où la population et «les ouvriers» de l'usine Coroplast, dont une bonne partie est endettée et arrive difficilement à joindre les deux bouts, éreintés par les prix de plus en plus exorbitants, n'obtiendraient pas gain de cause. Dans cette optique de contestation, aucune piste n'est exclue, y compris celle de la grève générale qui demeure la dernière alternative de ce vaste mouvement de protestation engagé par les habitants du Kef ces derniers temps.