Par M'hamed JAIBI Ce qui s'est passé lors de la conférence de presse convoquée par Ridha Belhaj, comme chahut organisé, n'est pas digne de la Tunisie nouvelle, celle du pluralisme d'idées, de partis et d'options. Et il est dangereux de laisser ce genre de pratiques prendre le pli sur le débat démocratique sain et la liberté d'organisation. Un certain dimanche à Hammamet Le fait que la victime d'aujourd'hui ait été mêlée, par le passé, notamment un certain dimanche à Hammamet, à des pratiques similaires, inspire que la question soit l'objet d'un traitement consensuel urgent, d'autant que la campagne pour les municipales s'annonce âpre. Le fait est que depuis un bon bout de temps, divers groupes de leaders du Nida Tounès historique se chamaillent autour de la légitimité acquise par la victoire électorale de 2014. Mais, s'il est bien vrai que cette victoire a sauvé le pays en rééquilibrant l'échiquier politique et en rétablissant le modèle sociétal tunisien, elle ne préjuge, en aucune manière, des prétentions, options et ambitions des personnalités et groupes ayant rendu cette victoire possible. Le rôle grandissant de HCE Le rôle grandissant accordé à Hafedh Caïd Essebsi au sein des structures de direction du parti après le départ du président de la République, a suscité auprès des autres dirigeants historiques, tantôt une sympathie complice liée au positionnement «stratégique» de chacun, tantôt un rejet ou une révolte allant jusqu'à la lutte à merci. Ces luttes ont conduit, de jour en jour, au blocage des structures du parti, puis au départ de Mohsen Marzouk suivi de la fondation de son parti, puis audit «congrès de Sousse», avant la démission de Ridha Belhaj de la présidence de Nida et l'accès de HCE, en sa qualité de directeur exécutif, au leadership absolu. Quatre groupes se disputant la légitimité Avec le «groupe de sauvetage» du parti dirigé par Ridha Belhaj et le groupe «des 57» qui ne donne plus signe de vie, nous sommes désormais en présence d'au moins quatre entités se disputant la légitimité de Nida Tounès et de sa victoire électorale. Or cette situation affaiblit autant chacune des entités que la cause commune qui les a vu naître en tant que parti autour de Béji Caïd Essebsi. Cette bataille pour la légitimité, qui a une référence historique en Tunisie même, sous la forme des sabotages réciproques des réunions et meetings entre le Vieux et le Néo-Destour, avant la suprématie de ce dernier suite aux événements des 8 et 9 avril 1938, est une pratique risquée qui peut être suicidaire et qui pollue le débat national et menace la bonne évolution de la transition démocratique et du pluralisme dans notre pays. Le sens de l'Etat et de l'intérêt général Les différents groupes de nidaïstes qui se disputent l'étendard (ou le «fonds de commerce») semblent déterminés, chacun selon ses moyens ou ses ruses, à aboutir à ses fins. Mais à quel prix se fera cette guerre fratricide ? Et quels en seront les dégâts pour notre pays et l'ensemble des Tunisiens, toutes tendances confondues ? Au début de la fissuration, plusieurs sages avaient appelé à la réconciliation et à la réunification. Aujourd'hui, les processus semblent bien engagés et les stratégies inconciliables. Ne vaudrait-il pas mieux renoncer à se déchirer l'étendard commun et opter chacun, dans la clarté, pour un sigle spécifique, quitte à imaginer, par la suite, toutes les alliances que l'on voudra. Cette voie est aujourd'hui prônée par plusieurs «seniors» qui craignent pour la Tunisie. Leur expérience politique, le sens de l'Etat et de l'intérêt général, et les risques majeurs encourus par notre jeune démocratie inspirent ardemment ce choix patriotique.