Mélika Golcem-Ben Redjeb retrace le périple d'une jeune fille de haute naissance, dont le destin semble promis au voisinage des puissants et des palais, quand un autre destin s'annonce alors qu'elle est vouée à l'esclavage, avant que ne se révèle son destin ultime qui ressemble à un retour aux sources. Si jeune mais éprouvant déjà le besoin de s'isoler, comme le font les personnes mûres qui se réservent quelques moments exclusivement à eux chaque jour, comme si un sombre pressentiment assombrissait le fond de son cœur et lui commandait de devenir vite adulte pour affronter ce qui va suivre. Pour elle, cet isolement ne dépassait pas la vingtaine de minutes au coucher du soleil, un chaton persan pour toute compagnie. Le pressentiment et le rapt Nasrimé, fille de l'un des Pachas les plus en vue de l'Empire ottoman, écoutait l'appel à la prière en arrière-fond de sa songerie quand elle remarqua l'absence de sa servante et son pressentiment ne fit que s'accroître. Quand son inquiétude monta, ce sont bizarrement des propos de sa mère, une fière Circassienne qui lui légua beaucoup de son caractère, qui lui vinrent à l'esprit : «Retiens bien cela ma chérie. Le juste milieu n'existe pas chez nous. Nous sommes destinées à être reines ou esclaves. Il faut apprendre que les hommes sont comme des enfants. Ils ont besoin de beaucoup d'amour et de dévouement. Si tu comprends cela, tu seras reine et non esclave». Ses secondes pensées allèrent au souverain ottoman, dont un complot menaçait l'empire, car c'est son père Nazim Pacha que le souverain choisit à la tête de la cour de justice qui allait trancher, si l'on ose dire, sur le sort des conspirateurs. Il faut dire qu'il ne prononça qu'à contrecœur le jument impitoyable contre ces partisans de l'ancien sultan déposé et exilé. Nasrimé se rappelait ce qu'on lui racontait des derniers cris de l'un des conspirateurs alors qu'on allait lui trancher la tête : «Sois maudit Nazim Pacha». Un cri qui fit trembler sa mère. Trois mois après ce jugement extrême, voici Nasrimé qui s'inquiète de ce que personne ne soit là comme d'habitude pour veiller sur sa retraite momentanée, quand le chaton, le poil hérissé, s'échappa de ses bras. Soudain, des bras la saisirent, la baillonnèrent et l'enlevèrent. Les hommes sont comme des enfants Elle se réveilla dans une cale de navire qui voguait en pleine mer. Elle comprit tout quand la porte s'ouvrit et qu'un homme lui cria : «Ton père est le plus grand traître de Turquie. Pour plaire au nouveau sultan, il a vendu son honneur. Tu vogueras lentement vers la déchéance et la corruption». Le navire finit par accoster, on la vendit à un inconnu alors que les derniers mots de ses ravisseurs lui apprirent qu'elle était à Tunis et qu'elle appartenait désormais à Saïd Pacha, le maître des lieux. Nasrimé devint esclave dans ce pays dominé par le protectorat français et ses premiers jours furent terribles, mais elle finit au service de la fille du Bey et c'est dans la demeure du souverain tunisien que son destin allait se jouer. De fil en aiguille, Mourad Bey tomba amoureux d'elle et un lien indélébile se créa grâce aux propos souvent répétés par sa mère et qui lui revinrent alors à l'esprit : «Il faut apprendre que les hommes sont comme des enfants. Ils ont besoin de beaucoup d'amour et de dévouement. Si tu comprends cela, tu seras reine et non esclave». Une existence tumultueuse commença pour Nasrimé, avec des rivalités puissantes, mais aussi un amour non moins puissant pour Refat qui l'adulait tellement qu'il se sacrifia pour lui laisser la voie libre. Car elle finit par retourner à Istanbul et retrouva sa mère mais, en découvrant qu'elle portait l'enfant de Mourad Bey, sa mère la pressa de retourner à Tunis pour faire face à son nouveau destin : être la Beya blonde, la première dame de Tunisie. Nasrimé, la fiancée du Bey, 267p., mouture française Par Mélika Golcem-Ben Redjeb Editions à compte d'auteur, 2017. Disponible à la librairie Al Kitab, Tunis.