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Ces capitaines courageux
Sauvetage des migrants en Méditerranée
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 03 - 2017

L'obligation de porter secours en existe depuis les l'Antiquité. Au XXe siècle, les conventions internationales ont gravé ce principe dans le marbre ces règles ancestrales. Cependant, la lutte intensifiée contre les passeurs, le renforcement des moyens de surveillance, le durcissement des lois contre l'immigration et la mise en place de politiques migratoires répressives par l'Union européenne a érigé les lois de la terre contre les lois de la mer. Des armateurs protestent contre ces « lois de la terre » imposées aux marins, d'autres capitaines pour ont pris leur courage pour assumer cette noble mission maritime.
Opération de sauvetage en mer par SOS Méditerranée
En effet, les lois terrestres sont entrées en contradiction avec les lois séculaires du sauvetage en mer. Au point que des marins ayant aidé des naufragés ont été poursuivis pour aide à l'immigration illégale. Et même si les procès se comptent encore sur les doigts d'une main, ces lois ont une portée symbolique considérable et sont à l'origine de graves situations de non assistance à des personnes en détresse. De ce fait, les naufrages de boat people ce sont multipliés et on compte désormais de plus en plus de noyades et de disparition en mer.
Tout a commencé en 2004 par l'affaire Cap Anamur qui restera dans les mémoires des marins, et pas seulement palermitains. Cette année-là, les membres d'équipage de ce navire associatif sauvent 37 migrants prêts à sombrer dans les eaux internationales du canal de Sicile. Il attendra ensuite vingt et un jours, au bord des eaux territoriales italiennes, sans que l'Italie ne lui donne l'autorisation d'y entrer. Il finira par forcer le passage. Trois membres d'équipage seront poursuivis pour aide à l'entrée d'étrangers en situation irrégulière. Ils seront relaxés après cinq ans de procédure.
Dans le même sillage, en 2009, la cour du tribunal d'Agrigente (Sicile) condamnait deux capitaines tunisiens, qui avaient porté secours à 44 migrants à bord d'une embarcation gonflable au large de Lampedusa, à trois ans et demi de prison, la confiscation des deux bateaux de pêche et une amende de 440 000 euros pour résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique et à un navire de guerre. Les deux chalutiers avaient en effet forcé l'entrée du port de Lampedusa pour sauver les migrants. En septembre 2011, les pêcheurs seront relaxés, mais le mal est fait.
En juillet 2011, une centaine de migrants secourus par un navire espagnol de l'Otan ont passé cinq jours en mer tandis que l'Espagne, l'Italie et Malte refusaient tour à tour de les prendre en charge. C'est finalement la Tunisie qui acceptera de les accueillir. « Cette dispute a suscité la crainte qu'à l'avenir même les navires de l'Otan soient plus réticents à porter secours à des immigrants », s'inquiète le HCR dans son dernier rapport.
Selon le Haut Comité des réfugiés, le nombre de migrants morts depuis janvier 2017 en Méditerranée en tentant la traversée vers l'Italie dépasse le millier après un nouveau drame survenu durant le week-end pascal. "Cette ultime tragédie porte à 1.073 le nombre de morts ou disparus en Méditerranée centrale depuis le début de l'année", a affirmé le porte-parole du HCR, Federico Fossi.
Selon l'Unicef, quelque 150 enfants font partie des morts ou de ces disparus en Méditerranée, un chiffre probablement en dessous de la vérité, beaucoup de mineurs voyageant seuls sans que leur mort ne soit rapportée.
L'an dernier à la même période, 853 personnes avaient trouvé la mort ou ont été portées disparues en tentant la traversée de la Méditerranée à bord d'embarcations de fortune le plus souvent surchargées. Au total, plus de 5.000 personnes sont mortes ou disparues en 2016, selon le dernier décompte de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Depuis le début de l'année, quelque 36.700 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes après avoir été secourues en mer, selon le dernier décompte de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), soit une hausse de près de 45% par rapport à l'an dernier.
C'est ce qui a poussé des associations humanitaires à affréter des navires pour sauver les migrants et réfugiés tentant de traverser la Méditerranée. Parmi ces navires, l'Aquarius, de l'organisation franco-allemande SOS Méditerranée, qui a accompli là sa 36ème opération de sauvetage depuis le début de son engagement, en février.
L'Aquarius a, ensuite, rejoint le Phoenix et le Bourbon Argos, deux autres navires affrétés par des ONG, le premier par MOAS et le second par Médecins Sans Frontières. Ces derniers étaient mobilisés dans le sauvetage de 700 personnes entassées sur un bateau en bois. L'équipe de SOS Méditerranée a participé à leur sécurisation, distribuant notamment des gilets de sauvetage, les naufragés étant transférés sur les navires de MOAS et MSF.
Signalé par le Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) de Rome d'un bateau pneumatique transportant 151 personnes, les équipes de SOS Méditerranée ont pu leur prêter assistance et les transborder à bord du navire Iuventa de l'ONG Jugend Rettet.
Des capitaines courageux viennent au secours de ces réfugiés et migrants qui sont entassés dans des embarcations de fortune, sans vivre, sans eau, à la merci de la moindre vague plus forte que les autres, du soleil, de la déshydratation, des rixes qui éclatent à bord lorsque le désespoir et la peur, après des journées à dériver, tue l'humanité avant les hommes. On meurt noyé quand le bateau coule, on meurt de soif et d'épuisement sur les pneumatiques ou à fond de cale quand les secours n'arrivent pas suffisamment vite. C'est un désastre humanitaire comme l'Europe n'en a pas connu depuis la seconde guerre mondiale.
Action civile
Dans un premier temps, l'Italie fait face seule. L'opération Mare Nostrum est déclenchée en octobre 2013 et, en un an, permet de sauver 150.000 personnes. Après de longues tergiversations, l'Europe prend le relais fin 2014 mais les moyens alloués sont clairement sous-dimensionnés. Alors, face à une situation qu'elles jugent inacceptable, les bonnes volontés civiles s'agrègent afin de régir. C'est en 2014 que ces organisations non gouvernementales ont commencé à se mobiliser après une série de drames ayant secoué l'opinion publique. Guerres, persécutions religieuses et politiques, famines...
Le navire de la MOAS à la rescousse des migrants
L'organisation Migrant Offshore Aid Station, créée par un couple de mécènes maltais, Régina et Christopher Catambrone, est l'une des premières initiatives à se mettre en place. MOAS achète le Phoenix, dont l'ancien patron de la marine maltaise prend le commandement. Il est opérationnel à l'été 2014. Des volontaires et des équipes médicales embarquent avec du matériel de sauvetage, du ravitaillement, des embarcations rapides et même un drone aérien prêté par la société autrichienne Schiebel pour repérer les bateaux en détresse. Le navire de 40 mètres, qui se met à la disposition de Mare Nostrum, sauve de nombreuses personnes dès le début de sa première mission.
L'expérience de MOAS sera ensuite suivie par d'autres ONG, d'autant que les moyens européens prenant le relais de l'opération italienne sont insuffisants. En mai 2015, l'association française Médecins Sans Frontières affrète le Bourbon Argos. Et la flotte humanitaire grossit peu à peu, avec comme on l'a vu le Iuventa de l'ONG allemande Jugend Rettet, la Britannique Save The Children avec le Vos Hestia, mais aussi d'autres navires, comme le Topaz Responder, déployé au profit de MOAS et de la Croix Rouge italienne. SOS Méditerranée nait pour sa part fin 2015, sous l'impulsion d'un ancien commandant de marine marchande allemand, Klaus Vogel et de la Française Sophie Beau. Celle-ci avait auparavant œuvré pour différentes ONG, comme Médecins du Monde, qui s'associe à l'opération en mettant à disposition des équipes médicales. C'est l'Aquarius, un ancien patrouilleur des pêches allemand de 70 mètres, qui est choisi et équipé pour le sauvetage en Méditerranée. Il appareille de Marseille le 20 février 2016 et réalise sa première opération le 7 mars, portant secours à 70 naufragés, dont 10 femmes et des mineurs.
Des actions financées par les dons
Mais le problème devient majeur dès que l'été arrive et rend les traversées entre la Tunisie, Libye et l'Europe de plus en plus périlleuse et que les passeurs profitent au maximum des dernières journées où la météo est favorable afin de jeter sur la mer le plus d'embarcations possible. Une situation qui inquiète vivement les ONG, soulignant la dangerosité accrue de ces traversées où les migrants embarquent de nuit et sont soumis à des températures de plus en plus fraîches et des eaux de plus en plus troubles.
Œuvrant dans des conditions parfois très difficiles, les ONG, qui apportent un appoint significatif aux moyens étatiques déployés par les pays de l'UE, sont parvenues ces deux dernières années à sauver des dizaines de milliers de vies.
Une action aussi essentielle que remarquable pour une mobilisation maritime civile sans précédent dans l'histoire humanitaire. Non seulement par les moyens déployés, mais aussi parce qu'elle s'inscrit dans la durée et nécessite de mobiliser de nombreux volontaires et beaucoup de matériel. Tout cela a évidemment un coût. Il faut par exemple 11.000 euros par jour pour payer le fonctionnement de l'Aquarius. Or, sans le soutien des donateurs, les associations ne peuvent financer leurs opérations. Il y a de grands mécènes, acquis à cette cause, mais aussi, et surtout, le financement participatif auprès du grand public. Ainsi, des milliers de citoyens, révoltés par les drames qui se jouent en Méditerranée, soutiennent l'action des ONG en fonction de leurs moyens. Ce sont ces petites sommes, cumulées aux contributions plus importantes, qui permettent aux sauveteurs de poursuivre leur action.
Certes, SOS Méditerranée et les autres ONG engagées dans cette vaste opération humanitaire ont accompli un travail énorme, complétant les moyens étatiques européens mobilisés dans la zone. Un apport crucial en capacités de sauvetage qui va se tarir durant la période hivernale, pendant laquelle les navires humanitaires, dont le fonctionnement est essentiellement financé par des dons, vont quitter la zone. Et des drames de grande ampleur sont à redouter alors que les autres navires de ligne, de fret ou de pêche en haute mer vont se détourner de des embarcations pleines à craqure par des milliers de migrants fuyant guerres et misères continuent à mettre le cap en direction des côtes italiennes, notamment vers Lampedusa où « La Porte de l'Europe », ce monument, dédié à la mémoire des immigrants disparus en mer, haut de cinq mètres d'hauteur et large de trois mères, revêtues de céramique, réalisé par Mimmo Paladino, se dresse majestueusement sur une colline au fond d'une baie dont la coupure s'enfonce dans le massif escarpé et boisé des vallées de Lampedusa. Un symbole pour lutter contre l'oubli de cette hécatombe où des milliers de vies ont péries en mer dans des drames de l'immigration clandestine.


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