La Banque centrale a décidé de relever le taux d'intérêt directeurs, est-ce que cela a un impact sur la valeur du dinar ? Pas du tout, car nous ne sommes pas la Banque centrale européenne, par exemple, qui peut agir sur la valeur de sa monnaie en jouant sur les taux directeurs. En Tunisie, nous n'avons ni une convertibilité totale du dinar ni une liberté de mouvement des capitaux. Ce qui signifie que la décision de modifier le taux d'intérêt n'entraînera ni fuite ni afflux de capitaux. Il faut comprendre que cela fait 18 mois (depuis novembre 2015), que la BCT garde le taux d'intérêt directeur à 4,25%, malgré la persistance des tensions inflationnistes. Le maintien de ce taux était censé assurer au Trésor public un financement moins onéreux sur le marché intérieur, car la Tunisie avait du mal à encaisser les tranches d'appui budgétaire promises par le FMI et qui étaient conditionnées par l'avancement des réformes. Pour pallier cette situation, la BCT prêtait de l'argent aux banques pour que celles-ci prêtent à leur tour à l'Etat moyennant les 4,25% augmentés de leur marge bénéficiaire. Mais maintenant que nos bailleurs de fonds ont promis de verser la deuxième tranche du prêt, la banque centrale a décidé de relever le taux à 4,75% afin de freiner l'augmentation de la demande intérieure (crédit, importation), réduire le déficit commercial et ralentir l'inflation. La croissance tirée par la demande intérieure a montré ses limites. Il faut désormais actionner l'investissement, les exportations et les gains de productivité. Qu'en est-il de l'impact de cette décision sur l'épargne et la décision d'investir ? On peut penser que l'impact sur l'investissement ne sera pas conséquent, et ce, en raison des multiples largesses en termes d'avantages financiers, fiscaux et autres dans la nouvelle loi sur l'investissement. Donc, le coût généré par la hausse des taux d'intérêts directeurs n'est pas de nature à constituer un frein à l'investissement. D'autre part, même si la littérature économique l'atteste, aucun lien n'a jamais été historiquement établi entre la modification des taux d'intérêts et la décision d'investir. L'existence de la demande et le climat des affaires sont plus décisifs que l'intérêt. La hausse du taux d'intérêt s'est également accompagnée d'une injection, en une seule journée, de 100 millions de dollars sur le marché de change, pour renflouer le dinar, est-ce une situation tenable ? En fait, ce qui n'était pas tenable, c'est de laisser couler davantage le dinar en trop peu de temps. En fait, ce qui s'est passé est un mouvement spéculatif qui a fait chuter le dinar. La Banque centrale a ainsi été contrainte à dépenser une partie de ses réserves en devises pour donner un signal au marché, signifiant que la BCT ne va pas lâcher sa monnaie. Le déficit commercial que connaît la Tunisie produit normalement à la dépréciation de la monnaie, mais la banque centrale ne pouvait pas se permettre de voir dégringoler le dinar de la sorte. Selon moi, il n'y avait pas d'autres issues possibles, la BCT se devait d'intervenir, car notre monnaie n'est pas assez solide pour résister aux mouvements spéculatifs. Il est vrai que le FMI a demandé à la Tunisie de moins intervenir sur le marché de change, mais certaines situations appellent à une injection d'actions ponctuelles de correction des anticipations des opérateurs.