Dans le temps et au moment de sa promulgation, la loi a fait sourire. Certains esprits y décelaient même de la prétention à vouloir ramer à contre-courant des traditions et des coutumes. Le certificat prénuptial institué par la loi 1964 et dont l'arrêté d'application aura à subir des modifications en décembre 1995, fera pourtant long feu, en ce sens que bon gré mal gré, il sera tout de même respecté même s'il l'était d'une façon théorique au départ. Jusqu'à une période récente, en effet, les futurs partenaires, considérant le certificat prénuptial comme une simple formalité, ne prenaient même pas la peine de subir l'examen approprié. Le certificat est vidé de la sorte de son sens et les mariages se faisaient et se défaisaient avec leur cortège de joie et de petits drames. Avec l'accès de plus en plus poussé à l'instruction, grâce à la sensibilisation et en raison du progrès social et scientifique, il est devenu évident que le certificat prénuptial doit être une nécessité plus qu'une formalité. C'est ce qui sera apporté par l'amendement de décembre 1995 qui stipule la pratique des examens habituels de prévention mais aussi l'information du futur couple de risques de maladies héréditaires liés au mariage consanguin. Car et si l'examen est institué dans le but de déceler une incompatibilité physiologique, cela s'entend, entre le couple, il l'est aussi pour avertir sur les dangers d'un mariage consanguin. Aujourd'hui, encore, ce genre de liens a les faveurs d'un grand nombre de Tunisiens, puisque les statistiques nous disent que 32% des mariages contractés se font entre cousins. Le gros du contingent se situe dans le monde rural où le pourcentage peut frôler la barrière vertigineuse des 80%. Malgré les tares que peut engendrer un mariage consanguin, ce dernier est toujours en vigueur. L'exemple type est représenté par ce village au Cap Bon où sur une population de 400 personnes, 35 sont sourdes-muettes. D'autres sont atteintes de divers handicaps moteurs et mentaux et font certainement partie des quelque 2.000 handicapés environ que possède notre pays. Des études ont prouvé qu'un enfant issu d'un mariage consanguin a plus de risque d'encourir un handicap qu'un enfant issu d'un mariage non consanguin. Le risque est multiplié par deux entre cousin et cousine au premier degré et les familles frappées de dégénérescence à cause de mariages contractés sans discontinuer entre ses différents membres sont nombreuses. Des petites anomalies génétiques, pas forcément méchantes, appelées aussi des mutations, sont les mêmes dans une même famille. Dans le cas de mariages entre les membres de la famille, ces anomalies peuvent, si elles sont transmises aux enfants, se traduire par des maladies la plupart du temps incurables : généralement, il s'agit de malformations congénitales majeures, des maladies héréditaires du métabolisme, de déficits neurosensoriels et de maladies à composantes génétiques. Beaucoup de ces maladies peuvent être évitées si l'examen prénuptial est effectué dans les normes. Les normes, cela veut dire procéder à la visite deux à trois mois avant le mariage afin que s'il y a anomalie, incompatibilité ou risques réels ou possibles dans un mariage consanguin, le médecin peut disposer du temps nécessaire pour conseiller et orienter les prochains partenaires. Après identification des risques pour le couple, il est recommandé de consulter un généticien qui est le seul habilité pour discuter de la gravité ou non de l'affection et de préconiser le traitement approprié. En dehors de l'interdiction pure et simple de mariage entre membres d'une seule famille, ce n'est que grâce à l'examen prénuptial qu'il est possible de prévenir les handicaps.