Par M'hamed JAIBI Notre balance commerciale a historiquement souvent été déficitaire, corrigée la plupart du temps par une balance des paiements portée par le tourisme et les transferts des Tunisiens de l'étranger. Mais à l'heure où les rentrées en devises manquent cruellement, menaçant les équilibres financiers, il est utile d'examiner un à un nos échanges et songer à négocier nos déficits les plus flagrants, sans jamais se départir de la cordialité que notre diplomatie bourguibienne a su semer au travers d'une tradition désormais mondialement reconnue. Les médias et certaines déclarations politiques non officielles ont ainsi épinglé nos échanges avec la Chine et la Turquie comme responsables d'un déficit flagrant que l'on aurait gagné à corriger ou à atténuer par des mesures conservatoires ordinaires que nos engagements internationaux, notamment auprès de l'OMC, ont prévues et permettent aisément. Les échanges commerciaux avec l'étranger lors du premier trimestre 2017 ont été de 7.532,6 MD pour les exportations et 11.411,5 MD pour les importations, soit un déficit commercial de 3.878,9 MD. De plus, la dépréciation du dinar pèse de tout son poids sur les prix en devises, au point que les hydrocarbures ont augmenté de 20%, et cette hausse est grosse modo valable pour l'ensemble des importations. D'où le sérieux de la situation et l'impératif de prendre des mesures urgentes. Une amitié séculaire à préserver mutuellement S'agissant de limiter les importations, le gouvernement songerait à une politique de contingentement devant imiter la sortie de devises et atténuer ainsi le déficit de la balance commerciale. A signaler qu'au cours du premier trimestre 2017, les exportations tunisiennes vers la Turquie ont été de 42.696.774 DT contre 520.761.770 dinars pour les importations, soit un solde déficitaire de 478.064.996 dinars. Cela dit, la balance commerciale avec la Russie est pratiquement similaire, enregistrant un écart négatif de 406.142.753 DT au cours de la même période de référence contre un déficit commercial allant du simple au double avec la Chine. L'accord cadre de libre-échange entre la Tunisie et la Turquie signé en 2004 est certes restrictif, mais il autorise, dans son article 19 relatif aux mesures de sauvegarde, que lorsqu'un produit est importé par l'une des parties en quantités tellement accrues, chaque partie conserve les droits et obligations qui lui incombent, au titre de l'article XIX du Gatt, de 1994 Page 7 et de l'accord de l'OMC sur les sauvegardes. Mais la polémique sous-jacente alimentée par divers médias non socialisés s'est parfois transformée en une bataille idéologique impliquant les affinités religieuses avec la Turquie, l'historicité de nos relations et une affinité séculaire partagée par la plupart des Tunisiens. Le fait que ces liens qui sont indéfectibles ne sauraient empêcher notre pays à prendre les mesures techniques que la situation impose, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les produits ou groupes de produits exigeant des mesures conservatoires urgentes. S'abstenir de faire ce qui s'impose reviendrait à manquer à un devoir patriotique éminent dont la Turquie amie, qui tient tant à notre amitié séculaire, ne saurait endosser la responsabilité.