Le dernier rapport de la Banque centrale de Tunisie n'est guère rassurant. Au-delà des tournures statistiques scabreuses, au niveau des constats induits. Il en ressort que «le déficit de la balance commerciale s'est accentué, au cours des deux premiers mois de 2017, dépassant les 2,5 milliards de dinars contre environ 1,35 milliard au cours de la même période de 2016. Ce creusement est le résultat de l'accroissement des importations à un rythme largement supérieur à celui des exportations (23,7% et 4,7%, respectivement)». Et ce n'est pas tout. La balance énergétique est elle aussi déficitaire, au même titre que la balance alimentaire. Quant à la balance de services, elle dégage un solde déficitaire pour la deuxième année consécutive. Pour leur part, les recettes touristiques ont enregistré une baisse de 2,1% contre -46,3% une année auparavant pour se situer à 210 MDT. Ainsi, les recettes touristiques se sont améliorées, mais demeurent déficitaires. «Suite à ces évolutions, conclut le rapport de la BCT, le déficit courant a atteint 2,1 milliards de dinars, soit environ 2,1% du PIB, au cours des deux premiers mois de 2017, contre 890 MDT et 1% du PIB une année auparavant.» En somme, l'année 2017 semble mal partie. En y ajoutant le glissement du dinar, on peut dire qu'il y a péril en la demeure. Notre balance commerciale menace de connaître davantage de déboires. Et d'entraîner vers le bas l'économie avec des effets pervers irréversibles. Il est à signaler à ce propos que notre balance commerciale est devenue problématique en raison de choix catastrophiques, tel l'accord de libre-échange conclu avec la Turquie en 2012, du temps du gouvernement de la Troïka. Un accord fondé sur des choix idéologiques et partisans, Ennahdha chapeautant alors la Troïka et affichant ouvertement ses préférences pour la Turquie et le Qatar. Toute la politique extérieure tunisienne, tant commerciale que diplomatique, avait alors était canalisée en fonction de ces choix. Or, il apparaît bien aujourd'hui que notre balance commerciale est nettement déficitaire avec la Turquie et la Chine, entre autres, contrairement à ce qu'il en est avec l'Union européenne. Nous importons de Turquie des vétilles, et même des produits mettant à mal nos produits locaux. Ainsi en est-il du fer, importé de Turquie tandis qu'El Fouledh souffre le martyre. Et que l'on ne s'étonne guère si les Turcs se mettent à lorgner du côté d'El Fouledh. Il y a bien évidemment la logique et les impératifs de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais ceux-ci peuvent être révisés ou même, dans certains cas, suspendus. En effet, il y a toujours des clauses de sauvegarde dans les accords de libre-échange, ainsi que des possibilités de suspension argumentées et étayées. Les accords de l'OMC le stipulent clairement. Intervenant il y a deux jours dans les médias, M. Chedli Ayari, gouverneur de la Banque centrale, a évoqué les problématiques de la balance commerciale et de sa chute libre. Il a promis des mesures urgentes et spectaculaires à ce propos, sans en dire plus. Or, M. Chedli Ayari est bien placé pour souscrire que cela dépend de choix politiques décisifs. En effet, le baron Louis est resté fameux par sa réplique «Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances» prononcée en Conseil des ministres sous Louis-Philippe. Aujourd'hui, sous nos cieux, la politique économique vacille. Elle est claudicante, tristement empirique et extravertie. Elle se traduit par l'échange inégal et l'endettement extérieur excessif et contraignant. Elle porte le sceau de ceux qui, ignorant le b-a ba de l'économie politique, s'en remettent à la pensée unique de l'économique monétariste, si chère à Milton Friedman et consorts. Ils jubilent, applaudissent même lorsque les experts du FMI et de la Banque mondiale débarquent dans nos murs pour infléchir les choix et évolutions économiques à leur bon vouloir. Bien évidemment, cela a des répercussions sociales alarmantes, tant au niveau des salaires que de la relance de la demande et des investissements. Témoin, le rapport de la BCT qui dit clairement : «Cependant, le niveau des avoirs nets en devises a connu une hausse, atteignant 13.385 MDT ou 112 jours d'importation, à fin février 2017, contre 12.935 MDT et 111 jours au terme de l'année 2016, et ce, suite à la mobilisation d'un emprunt obligataire sur le marché financier international pour 850 millions d'euros.». Une manière d'entériner la fuite en avant et l'économie extravertie et dépendante en somme. Parce que les crédits servent à colmater momentanément des brèches et générer d'autres crédits. Désespérément !