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«L'indépendance obtenue au prix de longs sacrifices»
Entretien du Lundi avec Chedly Ben Ammar
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 05 - 2017

Auteur du livre Tahar Ben Ammar : Homme d'Etat. La force de la persévérance. Chedly Ben Ammar revient sur le parcours et le combat de son père Tahar Ben Ammar, né le 25 novembre 1889 à Tunis et mort le 10 mai 1985. Tahar Ben Ammar a joué un rôle primordial dans le mouvement national tunisien dès 1920, il était membre de la première délégation du Destour, jusqu'en 1956. En tant que chef du gouvernement tunisien, c'était lui qui a signé les accords d'autonomie interne en 1955 et le protocole d'indépendance en 1956... Cette biographie est aussi un nouvel éclairage sur l'histoire du mouvement national tunisien. A l'occasion du 32e anniversaire de la disparition de Tahar Ben Ammar, nous avons eu cet entretien...
Votre père, Tahar Ben Ammar, a été «occulté» de l'histoire officielle, et son parcours totalement escamoté. Il n'y a pourtant aucune volonté de revanche de votre part. D'où tenez-vous cette sérénité ?
Notre religion nous enseigne l'art de la patience et de la retenue. Je n'ai jamais été animé par un esprit de revanche, mais plutôt poussé à dire la vérité, telle qu'elle surgit des documents disponibles en nombre, des témoignages et également de mes souvenirs, une vérité si longtemps occultée, écrivant ce faisant un livre d'historien avec toute la rigueur requise envers les sources et l'objectivité du point de vue, mais également un livre-mémoire, parce qu'il s'agit d'événements que j'ai vécus pour la plupart et dont j'ai été le témoin privilégié. Et mon père a toujours insisté sur la responsabilité de transmission du témoin : «Celui qui écoute le témoin devient témoin à son tour».
Dans votre livre, vous consacrez une partie à la rédaction de la biographie de votre père, car elle a été «omise» par l'histoire officielle. L'hommage à Tahar Ben Ammar, de la plume de son fils, c'est pour réparer une lacune ou pour rendre justice ?
C'est pour les deux raisons à la fois : il a été effacé de l'histoire et de la mémoire collective parce que le Président Habib Bourguiba voulait être l'unique leader de l'unique parti au service de la pensée unique. On ne connaissait donc plus le nom de Tahar Ben Ammar, cette figure de proue de l'indépendance nationale, ni son œuvre, ni les sacrifices qu'il avait consentis pour faire triompher la cause nationale. Il fallait donc le sortir de l'oubli injuste dans lequel le Président Habib Bourguiba l'avait, deux ans après l'indépendance, sciemment enfoncé. Mon livre est un combat contre l'oubli.
Mais ce livre a également pour vocation de réparer une injustice et de restituer leur vraie réalité historique à des faits qui ont été défigurés, de telle sorte que toute une époque ressurgisse au fil des pages. Plus encore, il fallait lever le déshonneur qui avait été infligé à Tahar Ben Ammar par ce tribunal d'exception aux ordres du même Président Habib Bourguiba, et qui tentait ainsi de justifier la mise à l'écart injuste que mon père avait subie.
Ce livre peut-il être considéré comme une réécriture de l'histoire du mouvement national ?
Certainement : dans la mesure où toute cette période de l'histoire du mouvement national a été manipulée à des fins politiques pour glorifier le Président Habib Bourguiba, quitte à en rabaisser certains, voire à en faire disparaître d'autres dans les oubliettes de l'histoire. Il faut bien réécrire l'histoire du mouvement national par respect pour le peuple tunisien, qui doit connaître sa vraie histoire en faisant attribuer à chacun sa part de mérite.
L'action d'hommes politiques de toute une génération a été déloyalement dissimulée pour faire prévaloir le leadership du Président Habib Bourguiba dont les mérites, j'en conviens, sont indéniables, mais qui ne saurait à lui seul incarner les aspirations de tout un peuple, résolu à briser ses chaînes et à retrouver les chemins de la liberté.
Considérez-vous que votre livre remplit les conditions d'objectivité et de rigueur requises pour un tel travail ?
Je peux affirmer en toute sincérité que je n'ai pas été complaisant, que je ne me suis pas censuré et que je pense en toute bonne foi avoir dit ce que je pense être la vérité, documents à l'appui. Ma relation de proximité avec mon père et ses amis, aussi bien tunisiens que français, fut pour moi une source extraordinaire d'informations. Ce livre-mémoire est une synthèse élaborée sur la base de compilation de documents, de souvenirs et de collecte de témoignages auprès des principaux acteurs tunisiens et français de la vie politique. Afin de trouver la vérité historique, celle que je considère comme la pure vérité, j'avais pour impératif de consulter diverses sources et de confronter les témoignages, d'autant plus qu'il s'agit d'un thème de réflexion sensible.
Vous parlez de votre père, de son engagement dans la lutte nationale, tôt dans sa jeunesse. Comment représenter la pensée de Tahar Ben Ammar ?
Comme celle d'un homme pragmatique qui, loin d'avoir été un va-t-en-guerre, a su instrumentaliser les institutions existantes en légalisant les revendications des Tunisiens. La politique des étapes, c'était autant lui que le Président Habib Bourguiba.
Tahar Ben Ammar me disait : La recherche systématique de l'affrontement n'est pas un signe de force mais d'irresponsabilité. J'ai toujours été désireux de convaincre par des moyens qui ne s'écartent pas des principes issus de la morale. Ce que je souhaitais, c'étaient des adhésions sincères. Idéalisme ? Naïveté ? Je ne le crois pas, c'est plutôt un souci de droiture. Je me suis gardé de la démagogie. J'ai fait des promesses, mais j'étais sûr de pouvoir les tenir. Je m'étais prémuni contre un trop grand écart entre les promesses et les réalités, dans le domaine social en particulier. Tout l'art de la politique est de faire naître l'espoir, sans s'exposer à le décevoir. Il s'agit de gagner tout de suite, mais aussi plus tard, devant la postérité.
En tout état de cause, il faut préserver l'autorité de l'Etat et, en même temps, assurer et garantir la liberté et la dignité du citoyen. Ce sont là des conditions nécessaires et indispensables pour l'avènement d'une société de liberté et de justice. Pour cela, il faut respecter les institutions et veiller à la séparation des trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire, et s'attacher à l'application rigoureuse de la loi.
Notre pays ne s'est pas encore affranchi de la tutelle ou plutôt du système de l'Etat providence, ni dans les faits, ni, ce qui est plus grave, dans les mentalités. Il faut cultiver le goût de l'effort chez le citoyen et lui apprendre à compter d'abord sur ses propres moyens sous l'égide de l'Etat de droit. L'avenir politique de la Tunisie est par ailleurs lié à la tolérance des Tunisiens les uns envers les autres, à la consécration du pluralisme des idées et des opinions et au respect des libertés individuelles. C'est le sens de notre combat d'aujourd'hui et de demain.
Pour que la politique soit respectable, il faut qu'elle soit exercée par des hommes respectables. Telle était la devise de Tahar Ben Ammar. Il n'en a jamais dévié.
Par ailleurs et, sur un autre plan, il convient de rappeler que ce fut lui qui eut l'idée de la création de l'usine de fabrication de papier à Kasserine. Il entendait, par cet exemple, lancer une politique d'industrialisation dans les régions intérieures pour y fixer la population et éviter les impasses économiques générées par un exode rural massif. Malheureusement, cette vision ne fut pas suivie, et l'on peut encore en déplorer les conséquences néfastes aujourd'hui.
L'une des idées-forces de votre livre est que la classe des possédants, contrairement à ce qui a pu être dit après l'indépendance, ne s'est pas laissé séduire par l'appel à collaboration de la puissance coloniale. Elle a fait corps avec le peuple, défendant sa cause et celle de la patrie, au détriment de ses intérêts. L'unité nationale était-elle due à la volonté spontanée du peuple, ou résultait-elle de l'encadrement du néo-Destour ?
Le sentiment national est né bien avant la création du néo-Destour, d'abord avec le mouvement des Jeunes Tunisiens, puis le Parti Libéral Constitutionnel (le Destour), fondé par Abdelaziz Thaâlbi, Ahmed Safi, Tahar Ben Ammar, Ali Kahia, Abderrahmane Lazzam, Mohamed Noomane... Le mouvement, comme je le précise dans mon livre, a pris naissance avec des bourgeois patriotes qui, de par leur insertion dans le tissu social, ont eu vite fait d'entraîner dans leur sillage un peuple qui ne fit aucune difficulté à se laisser convaincre. C'est ainsi que la prise de conscience patriote s'est généralisée, au mépris de toute classe sociale in fine. Certes, par la suite, le néo-Destour allait mener sur le terrain un combat très efficace, mais bien longtemps après ce premier élan patriotique fondateur.
L'indépendance, comme on le verra, n'est pas l'œuvre exclusive du néo-Destour. Voilà une imposture qu'il importe de dénoncer. L'indépendance n'a été arrachée qu'au prix de longs sacrifices consentis par la nation entière. Les Tunisiens, toutes catégories sociales confondues, se sont révoltés et ont lutté de toutes leurs forces avec, pour objectif suprême, la conquête de leur indépendance, de leur dignité et de leur liberté.
Le portrait de votre père comme patriote, visionnaire, chef politique et homme d'Etat, est difficilement contestable pour celui qui connaît l'histoire nationale. Mais qu'en est-il de son leadership national ?
Tahar Ben Ammar fut injustement éliminé par l'autorité coloniale du bureau de la Chambre d'Agriculture en 1920, malgré un succès électoral. La vindicte n'a jamais fait de lui une victime. Il savait l'importance stratégique des agriculteurs et pressentait ce qui pourrait devenir une organisation politique, voire le fer de lance de la vie politique dans son pays. Il a eu de l'intuition et le sens de l'anticipation. Il voulait, déjà, diriger et n'avait pas l'intention de laisser certains contester son autorité, dont il connaît la force et la puissance d'envoûtement. Il voulait participer à l'émancipation de la Tunisie. Son époque était magnifique, il ne voulait pas juste la contempler de sa fenêtre. Tahar Ben Ammar fit de la Chambre d'Agriculture un rempart inexpugnable pour la défense et la protection des droits et intérêts de l'agriculteur tunisien. S'il avait adhéré à la Chambre, une institution reconnue par la loi, c'était pour porter haut la voix de l'agriculteur tunisien et pour pouvoir négocier à ce titre avec les autorités coloniales en Tunisie et en métropole. Tahar Ben Ammar se souciait donc d'ancrer le sentiment national parmi les larges couches de la population et de mobiliser les agriculteurs et l'ensemble des travailleurs de la terre au service de la cause nationale. Pour Tahar Ben Ammar, la Chambre d'agriculture a toujours constitué une plateforme privilégiée en vue de préparer les hommes aux combats de demain.
L'action de Tahar Ben Ammar a été perçue dans les milieux du néo-Destour comme une illustration de la volonté de combattre un système colonial discriminatoire à l'égard de l'agriculteur tunisien et favorable aux colons. Les jeunes du parti néo-Destour, parmi lesquels Habib Bourguiba, ont vivement salué l'action de Tahar Ben Ammar. Dans un article paru dans l'organe du parti El Amel Ettounsi, Habib Bourguiba exprime d'ailleurs son soutien à Tahar Ben Ammar.
Vous précisez que votre père, en 1944, a constitué le front national avec pour partenaires le néo-Destour et l'UGTT, notamment. A-t-il, à cette date, doublé Habib Bourguiba ? Et, d'une certaine façon, en fédérant les forces vives de la nation, n'a-t-il pas pris dès cette date une option pour, le moment venu, occuper la Kasbah et aller négocier à Matignon?
Déçu de son expérience tant avec le parti libéral destourien qu'avec le parti réformiste, Tahar Ben Ammar décide de se tenir au-dessus des partis, loin des idéologies et des systèmes. Il veut rester libre, ne devant rien à personne. Ce qui comptait par-dessus tout pour lui, c'était l'intérêt de la Tunisie. La politique, pour Tahar Ben Ammar, ce n'est pas forcément l'appartenance à un parti, mais la possibilité d'exercer son ambition au service de la nation. Tahar Ben Ammar était un pragmatique. Il sut mesurer les rapports de force et s'adapter aux évolutions, mais avec en plus le sens de la grandeur.
Convaincu de la pertinence de cette approche, Tahar Ben Ammar commença à œuvrer pour constituer un front national solide, regroupant les forces vives de la nation. Une importante réunion eut lieu en 1944, avec la participation des «néo» et «vieux» Destour, de l'UGTT, des représentants des organisations nationales, des moncéfistes et des zeitouniens en vue de fonder ce Front National. Grâce aux efforts soutenus de Tahar Ben Ammar, le Front naquit. Tahar Ben Ammar avait en effet déployé une énergie considérable pour rapprocher les vues et rassembler les diverses tendances autour des mêmes objectifs. Le Front National tunisien fut pour Habib Bourguiba, comme le fait remarquer Mahmoud Bou Ali, un atout précieux lorsque, quatorze mois plus tard, il se présenta devant la Ligue arabe au Caire pour plaider la cause nationale.
Les accords sur l'autonomie interne ont été signés le 3 juin 1955. Mais Habib Bourguiba a organisé un retour triomphal au pays le 1er juin. A-t-il dès cette date ravi la vedette à votre père ?
Il n'y a jamais eu de rivalité politique entre Tahar Ben Ammar et Habib Bourguiba : 20 ans d'âge les séparaient, à cette époque mon père avait 70 ans, et agissait en politique depuis 45 ans. Pour cette étape entre l'autonomie interne et l'indépendance, il avait enchaîné près de 100 séances de négociations marathoniennes, très serrées, il avait à gérer une situation socioéconomique désastreuse ( famine, chômage...), le conflit fratricide et sanglant Habib Bourguiba-Salah Ben Youssef, les actes criminels de la main rouge des prépondérants colonialistes, etc., il ne songeait qu'à l'achèvement de sa mission et estimait qu'il était temps de passer la main, qu'il aurait été indécent de vouloir s'incruster dans les arcanes du pouvoir plus longtemps. Par ailleurs, il partageait avec Habib Bourguiba une même vision de l'avenir pour la Tunisie et avait ouvertement déclaré, dans un discours élogieux, que son successeur désigné à la tête du gouvernement était bien Habib Bourguiba.
L'idée a circulé que ce fut le Président Habib Bourguiba qui avait mené secrètement les négociations sur l'autonomie interne et l'indépendance. Quelle est la part de vérité d'une telle assertion ?
En s'attribuant, au lendemain de son accession à la magistrature suprême, les mérites des autres, le Président Habib Bourguiba obéissait à une ambition suprême : être le leader sans partage d'un pays qu'il voulait entièrement à sa dévotion. Car enfin, qui pourrait croire que des dirigeants politiques français de la trempe de Pierre Mendès-France, Christian Fouchet, Edgar Faure, Pierre July, Guy Mollet et Christian Pineau auraient négocié durant près de deux ans et de manière très ardue avec une délégation tunisienne fantoche ? Comment des hommes politiques aussi respectés auraient-ils engagé la parole de la France avec un partenaire tunisien dépourvu du pouvoir de décider ?
Qui pourrait croire que des négociations officielles de la plus haute importance, qui avaient duré près de deux ans, entreprises par une délégation tunisienne présidée par le Premier Ministre et une représentation française composée d'illustres personnalités gouvernementales, n'auraient été qu'une façade et que les véritables négociations se seraient déroulées secrètement dans les coulisses entre Le Président Habib Bourguiba et les négociateurs français ? Faut-il rappeler d'autre part que ces négociations se déroulaient entre deux gouvernements qui, eux, n'auraient jamais accepté de se livrer à une telle mascarade ? Par ailleurs, Habib Bourguiba avait envoyé un télégramme à Tahar Ben Ammar où il reconnaissait explicitement que c'était bien mon père qui présidait ces négociations; en voici le texte : «Au moment où la délégation de négociations s'apprête, sous votre direction, à livrer la bataille de l'indépendance complète de la Tunisie, je vous félicite ainsi que tous vos collègues pour la nette déclaration qui fixe les bases des négociations. Je vous souhaite un prompt et éclatant succès dans l'accomplissement de votre lourde tâche et vous assure de mon entier dévouement».
Depuis le soixantième anniversaire de l'indépendance, on associe votre père à l'événement. Que doit faire l'Etat, selon vous, pour que votre père reprenne la place qui lui revient, dans l'histoire de notre pays ?
L'histoire ne vaut que si on l'enseigne : les manuels scolaires doivent être revus pour transmettre la véritable histoire, sans parti pris ni récupération idéologique. C'est à mon sens la chose la plus importante et la plus urgente à mettre en place. Pour le reste, il faut souhaiter que nos historiens s'emparent de cette histoire en toute liberté scientifique et reconstruisent l'interprétation et la vision des événements de cette époque et de celle qui a suivi.


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