Pourquoi, la date du 9 avril 1938 reste-t-elle particulièrement mémorable dans l'histoire du mouvement national en Tunisie ? D'aucuns considèrent qu'elle marque le déclenchement d'une lutte acharnée contre les autorités coloniales, que le Néo Destour avait adoptée, en tant que nouvelle stratégie, contrairement au vieux Destour qui pratiqua une politique de compromis et de concessions. D'autres affirment cependant, que les événements du 9 avril, traduisent l'expression par l'ensemble du peuple tunisien, dans toutes ses couches et avec toutes ses tendances, d'une ferme volonté de rompre définitivement avec le colonialisme, afin de mettre fin aux exactions et aux injustices qu'il avait tant subies. Il faut dire que le contexte de l'époque était marqué par cette répression à outrance qu'avait exercée le Résident Général Peyrouton à l'encontre des autochtones. Il avait pourtant été remplacé en 1936 par Armand Guillon qui, dès son avènement avait promis de remplacer la répression par le dialogue, et commença à tenir ses promesses en libérant les leaders qui étaient exilés et incarcérés à Borj Le Bœuf. Destour et Néo Destour, ont repris leurs activités, mais les tensions recommencèrent de plus belle.Surtout que le leader Abdelaziz Thâalbi,en tournée au Moyen Orient, était de retour . Le Néo Destour , réaffirma dans son deuxième congrès du 30 octobre 1937, sa volonté de continuer le combat sans merci qu'il avait livré aux autorités coloniales. Il n'était pas question pour ses leaders dont notamment Habib Bourguiba, de démobiliser les masses et de composer avec les colonisateurs, dont le but était de briser le mouvement national, là où il se trouvait et par n'importe quel moyen. C'était là d'ailleurs, la cause pour laquelle le Néo Destour, déclara sa dissension avec le Destour au congrès de Ksar Hellal en 1934. Ce qui fit le bonheur des autorités coloniales qui essayaient de composer avec certains membres du Destour, croyant qu'en divisant ils pouvaient mieux régner. Or,à leur grand dam, par le mouvement du 9 avril 1938, le peuple avait fait abstraction des malentendus qui ne concernaient qu'une simple divergence sur la stratégie de combat, pour se mobiliser inconditionnellement et sans réserve pour le but final et commun : la libération du pays du joug du colonialisme. Une figure de proue parmi les jeunes militants du Destour : Ali Belhouane, avait fait preuve de courage, et abnégation menant son action sans crainte aucune de ce qu'il pouvait advenir de sa personne. Professeur au collège Sadiki, il fut révoqué de ses fonctions, et ses élèves entamèrent une grève de soutien. Les autorités coloniales ripostèrent par la fermeture de ce collège et l'arrestation de plusieurs enseignants, élèves et militants. Le bureau politique du Néo Destour répliqua en appelant à la grève générale pour le 8 avril et l'organisation d'une manifestation pour le 9 avril. L'après midi du 9 avril les manifestants se rassemblèrent devant le palais de justice. Ils furent refoulés par la police coloniale jusqu'à la place Bab Souika. Une émeute sanglante éclata entre les manifestants et les forces coloniales, se soldant par une centaine de morts. Le lendemain, l'état de siège fut proclamé à Tunis. Des militants, dont notamment des leaders du Néo Destour( Bourguiba fut interpellé à son domicile, bien qu'il n'eût pas participé la veille aux manifestations étant malade et alité) ont été arrêtés et condamnés à de forte peines de prison. Cependant cela n'avait pas fait renoncer les militants à cette lutte acharnée qu'ils décidèrent de livrer contre les autorités coloniales, sans répit, jusqu'à la libération du pays du joug du colonialisme.