Quarante-huit artisans venus de Gabès, Gafsa, Nabeul et Sfax, dont quarante-cinq femmes, ont participé au 9e Salon annuel de la création, organisé récemment par l'Association des amis des arts plastiques à Sfax Première spécificité de l'édition, le privilège sinon l'exclusivité accordée aux produits tunisiens faits main. Comme l'a souligné Samia Ben Abdallah, commissaire du salon : «La devise de l'actuelle session est ‘' la priorité absolue aux créations et aux produits tunisiens inspirés du patrimoine''. Notre objectif majeur est la promotion du produit artisanal national, étant conscients de notre devoir d'inciter les gens à consommer tunisien et de promouvoir l'économie tunisienne.» Deuxième particularité de la 9e édition du salon : l'artisanat s'est conjugué principalement au féminin, tant la présence d'artisanes était dominante, ce qui est dans la nature des choses, dans la mesure où la finesse, l'obsession de la perfection, le sens du beau, le souci du détail, le goût du chic, l'affection de l'accessoire et les touches artistiques innovantes sont le propre de la gent féminine. En bref, la femme est sans conteste la reine de la coquetterie, du style et de l'élégance. Autant de qualités rehaussées, ici, par le niveau intellectuel et le profil d'artistes plasticiennes des exposantes : designers, artistes peintres, céramistes, ingénieures... Les participantes sont, en effet, pour le moins, des diplômées des écoles des beaux-arts. Chapitre talent et niveau intellectuel, on pourrait en dire autant des trois exposants, des créateurs doués. Le premier est spécialisé dans la fabrication de la confiserie rahat loukoum, le deuxième expose de magnifiques meubles en bois de palmier et le troisième propose des produits parapharmaceutiques et autres crèmes à base de plantes. La troisième particularité de ce salon de la création est l'exigence, pour les participants d'exposer des produits combinant art, artisanat et patrimoine, une condition quelque peu insolite de la part d'une association dédiée aux arts plastiques, mais que Aïda Zahaf, présidente de l'association justifie en ces termes : «Cette contrainte s'explique par la vocation de l'Association des amis des arts plastiques, organisatrice de l'activité, d'une part et par la vocation de l'espace de Borj Kallel, une demeure ancienne typique du patrimoine architectural arabo-musulman et lieu idéal pour créer cette entente parfaite et harmonieuse entre l'art, le travail manuel et le patrimoine.» Le résultat de cette «synergie» tripartite est un surcroît d'éclat et de splendeur pour l'exposition marquée de l'estampille de l'innovation et du désir de séduire. Qu'il s'agisse de la lingerie pour bébé ou de literie, de la couverture en laine traditionnelle, revisitée et réhabilitée, des produits bio du terroir revalorisés, des plateaux de cuisine élevés au rang d'œuvres d'art, des luminaires inspirés du patrimoine, des bijoux remis au goût du jour et portant une touche novatrice manifeste, les articles exposés reflètent la passion des créateurs et leur souci de la perfection. Wafa Kessentini Regayeg, qui expose également dans une galerie en Italie, présentait des bijoux en argent, fabriqués selon une technique dont elle affirme détenir l'exclusivité à l'échelle mondiale : «J'utilise une technique innovante unique qui consiste à donner à l'argent des couleurs qui confèrent au métal un aspect antique. Le vieillissement chimique, contrôlé, produit un effet patiné, marbré et polychrome, avec des nuances bigarrées où dominent le rose, le vert, le bleu et surtout des tonalités cuivrées assez foncées et confère à mes articles cet air sciemment à la fois anachronique et moderne qui en fait le charme. Détail important, la coloration de ce métal noble, qu'est l'argent, est inaltérable», commente-t-elle. Les pièces uniques et les œuvres exclusives de Dalenda Mestiri Ben Ammar, artiste qui excelle dans l'art de la peinture sur soie, émergeaient également du lot. Ce qui n'ôte en rien au mérite des autres exposants tout aussi brillants les uns que les autres, dont certaines se distinguent par des spécialités peu répandues, à l'instar de Fedia Trabelsi, designer d'aménagement, originaire de Gabès, qui présentait de jolies perles en verre de Murano, fabriquées selon les techniques du filage au chalumeau, du fusing et du thermoformage, dans son atelier à Gabès, portant l'enseigne «Maison de l'artisan verrier». Côté animation, l'ambiance a été égayée par un spectacle de «Hadhra», outre l'organisation d'un atelier de pâtisserie animé par Nadia Belkacem, lauréate en 2014 du prix «Créa couscous», lors de l'événement «Escapade au pays couscous». D'origine algérienne, l'artisane est spécialiste de l'habillage de poupées en costumes traditionnels faits main. L'atelier a porté sur le chocolat, les truffes, et une tarte choco-orange, recette d'un grand chef pâtissier français. Un second atelier a été consacré à l'initiation à la peinture sur porcelaine, art délicat et assez difficile à maîtriser, encore inconnu à Sfax. Cependant, ayant atteint sa vitesse de croisière, le Salon de la création aspire à une envergure internationale et envisage l'éventualité de la «délocalisation». A ce propos, Hamed Kammoun, vice-président de l'Association des amis des arts plastiques annonce : «Borj Kallel, en tant qu'enseigne, va se déplacer ailleurs pour exposer dans différentes régions du pays, tout en s'ouvrant à d'autres pays dans le but de faire le marketing non seulement de l'artisanat tunisien, mais également du patrimoine matériel et immatériel de notre pays. D'ailleurs, Borj Kallel vient d'enfanter une nouvelle association baptisée Association des propriétaires des bâtiments anciens, dont la mission consistera à aider les propriétaires de demeures anciennes à les restaurer. L'idée de sa création a émané d'un colloque de trois jours organisé en Italie et plus précisément à Pérouse, au cours duquel, les membres de l'Association locale de réhabilitation des demeures historiques se sont déclarés prêts à venir à Sfax pour organiser des stages à l'intention des propriétaires qui veulent réhabiliter leurs maisons. Nous allons, dans ce cadre, collaborer avec l'Association Arij, qui est en train de faire l'acquisition de maisons traditionnelles à la Médina qu'elle envisage de réparer» Avant de finir, signalons un point faible du Salon de la création, celui de la mévente, par ailleurs, talon d'Achille de l'artisanat en Tunisie, même s'il est vrai, que dans le cas présent, le choix de la période qui coïncide avec celle des examens, les parents se consacrant plus à l'encadrement des révisions de leurs enfants. Il n'en demeure pas moins vrai que le contexte économique est certainement pour quelque chose dans la persistance de ce problème chronique.