Un collectif d'organisations a lancé un appel afin de sauver le service public de la santé en perte de vitesse Un appel pour sauver le secteur public de la santé a été lancé cette semaine au sein du Forum tunisien pour la défense des droits économiques et sociaux (Ftdes). Le point de départ ? Une initiative «voulue depuis une longue période» et présidée par une pléiade d'organisations, plus d'une trentaine sont signataires dont le Ftdes, qui se sont engagées dans un travail de plaidoyer visant à réduire les inégalités sociales et régionales de santé dues à la mauvaise dynamique des services de santé à deux vitesses et inégalitaire et à l'insuffisance des ressources matérielles et humaines affectées au service public. Un communiqué remis sur place décrit la détérioration des services de soins offerts par les hôpitaux publics et les centres de santé de base comme une entrave au droit constitutionnel à la santé. A ce sujet, La Presse a interrogé M. Moncef Belhaj Yahia, secrétaire général de l'Association tunisienne de défense du droit à la santé qui cerne de près l'action à entreprendre. «L'objectif de cet appel est de mobiliser la société civile et l'opinion publique pour entamer un processus de défense et de réformes du secteur public de la santé. Un groupe d'associations a constaté la détérioration importante du service public de la santé et a décidé de réagir à travers une action commune. Un séminaire se tiendra en septembre 2017 pour élaborer des propositions réalistes et concrètes sur la réforme du secteur public de la santé. C'est un problème complexe, ce sera long et difficile mais il faut mettre le train de la réforme sur les rails». Le projet de réforme de la santé publique est très important et nécessite une action participative et collective grâce à l'appel et l'apport des spécialistes et plus largement des organisations défendant les droits de l'homme. Dégradation des prestations publiques Ainsi, le droit universel et constitutionnel à la santé est fortement défendu à travers cette initiative qui vise à préserver cet acquis précieux. «L'Etat doit assumer ses responsabilités. L'administration publique doit garantir les droits des citoyens en matière de santé et éviter que certains renoncent aux soins pour des raisons financières», a relevé un membre du Ftdes. Surtout lorsqu'on sait que « plus de 40% des revenus d'un ménage sont affectés à la santé», selon le rapport de l'Institut national de la statistique. Inégalité d'accès La carte sanitaire 2015 révèle que les gouvernorats de Sidi Bouzid, Kasserine et Kairouan ont des unités d'équipement en lits hospitaliers publics très inférieurs à la moyenne nationale et qui sont respectivement de 101, 122 et 124 lits contre une moyenne nationale de 184 lits pour 100.000 habitants. Pratiquement dans les mêmes proportions et le même classement, le nombre de médecins publics et privés est de 41,7, 65,5 et 62,1 contre une moyenne de 130,1 pour 100.000 pour toute la Tunisie. On apprend que 80% des établissements de santé dans le secteur privé sont dotés des équipements lourds de santé (scanners, IRM....) contre seulement 20% dans la filière publique. En Tunisie, 16,7% de la population ne bénéficient d'aucune couverture sociale de santé. Les paiements directs des ménages en Tunisie en 2013 représentaient 37,5% des dépenses totales de santé soit largement supérieurs aux 20% requis par l'Organisation mondiale de la santé. L'incidence sur la pauvreté sanitaire est pénalisante pour les femmes. Les femmes davantage exposées Pour expliquer le cri d'alerte sur le taux de mortalité chez les femmes qui est «devenu inacceptable», Mme Selma Bouslema, Secrétaire générale du Ftdes, expliquera à La Presse les raisons du déclin sanitaire de la femme : «La santé maternelle et reproductive est en régression en Tunisie. On a, en effet, régressé par rapport aux années 1960. Tout doit changer, ce n'est pas normal qu'en 2017 des femmes meurent des suites d'un accouchement normal. Cette campagne est un moyen pour que le citoyen bénéficie d'une bonne prise en charge dans la santé publique». Mme Zarrouk, présidente de l'association contre le cancer parle même d'un droit à la vie pour tous et en appelle à s'unir afin d'aller droit au but et de faire avancer les choses concrètement. «Les organisations revendiquent la mise en œuvre d'un programme d'urgence, pour revaloriser le secteur public afin d'impulser une dynamique positive», souligne le communiqué.