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Rétrospective d'un tragique incident
Opinion - 60e anniversaire de l'accrochage frontalier ayant occasionné la blessure mortelle de Khemaies Hajri
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 05 - 2017


Par le Colonel(r) Boubaker BENKRAIEM*
L'indépendance de notre pays ayant été proclamée le 20 mars 1956, le noyau de l'armée nationale tunisienne défila, trois mois plus tard, le 24 juin, sur l'avenue Gambetta, devenue, depuis, l'avenue Mohamed-V. Ce régiment était composé, essentiellement, de militaires tunisiens (1.500 dont une vingtaine d'officiers) servant dans l'armée française et volontaires pour être transférés à l'armée tunisienne. A ce régiment, a été adjoint un détachement de près de deux cents personnels provenant de la garde beylicale. Il y a lieu de rappeler qu'à ce moment-là sévissait à nos frontières occidentales, depuis le 1er novembre 1954, une guerre dure et cruelle, la guerre d'indépendance de l'Algérie et qui bénéficiait du soutien total et absolu du peuple et du gouvernement tunisiens. De même, il est couramment admis que tout pays qui accède à l'indépendance reçoit de l'ancienne puissance colonisatrice l'assistance technique nécessaire à la mise sur pied des composantes du nouvel Etat souverain dont l'armée. D'autre part, il ne faut pas oublier que, lors de la déclaration de l'indépendance de notre pays, il y avait, en garnison dans la plupart des villes tunisiennes, des unités de l'armée française et dont l'évacuation nécessite l'ouverture de négociations avec la France pour en fixer le calendrier. Cependant, comme notre pays a pris, dès le premier jour, faits et causes pour l'Algérie combattante à laquelle notre soutien et notre appui étaient illimités, le gouvernement décida, compte tenu de toutes ces contingences, de ne faire appel à aucun conseiller militaire étranger et que, par conséquent, les officiers tunisiens transférés s'arrangeront, seuls, pour créer et organiser l'armée nationale. D'autre part, les réfugiés algériens, fuyant les atrocités de la guerre ont, aussitôt, commencé à déferler, en très grand nombre,en territoire tunisien. C'est ainsi que toutes les composantes de notre armée, malgré le peu de compétences en la matière, à ce moment-là, seront créées et organisées par nos propres hommes, les officiers tunisiens, et très rares sont les armées, au monde, qui ont suivi pareille démarche et réussi un tel challenge.
Quoique le gouvernement français ait reconnu l'indépendance de la Tunisie et la caducité des traités du Bardo et de La Marsa, le commandement militaire français d'Algérie n'arrive pas à admettre que la Tunisie soit devenue indépendante, que les forces françaises qui y stationnent soient, tôt ou tard, appelées à partir, et qu'en attendant elles ne doivent plus exercer de pouvoir dans le pays, ni manifester une autorité quelconque, à l'égard des Tunisiens et de leurs hôtes. La présence en Tunisie de réfugiés et de combattants algériens, installés tout le long des frontières et à l'intérieur du pays et la solidarité que leur manifestent tous les Tunisiens, peuple et gouvernement, étaient de bons prétextes pour prétendre exercer sur eux un pouvoir de police et revendiquer un droit de poursuite et, de ce fait, porter atteinte à la souveraineté du pays et pourquoi pas reconquérir le territoire tunisien.
Par réaction, le gouvernement tunisien charge l'armée nationale, en formation, de protéger les frontières et de résister, au besoin, aux troupes françaises. Il va même plus loin, il remet en question le statut des troupes françaises en Tunisie, pose le problème de leur évacuation et rappelle que «les autorités françaises doivent comprendre qu'elles sont tenues de respecter dans chaque Algérien qui se trouve dans ce pays l'autorité tunisienne, que la Tunisie ne permettra pas que la France se serve de notre pays comme base de départ dans la guerre qu'elle mène en Algérie. La France doit savoir que l'armée française stationnée en Tunisie ne doit être, en aucune manière, articulée sur l'armée française qui opère en Algérie» (Discours de Bourguiba du 20 octobre 1956).
C'est la raison pour laquelle, et quelques mois seulement après le défilé symbolique du 24 juin 1956, et devant les dangers qui ont, tout de suite, pointé, à l'horizon, du fait des répercussions de la guerre d'Algérie, le 1er régiment interarmes s'est, rapidement, développé pour former trois bataillons d'infanterie qui ont été, aussitôt, implantés le long de la frontière tuniso-algérienne : un bataillon couvrant le secteur frontalier des gouvernorats de Gafsa et de Gabès, un autre le secteur frontalier des gouvernorats de Souk Elarbaa (Jendouba) et du Kef et un troisième bataillon le secteur frontalier du gouvernorat de Kasserine. Chacune des douze compagnies de ces bataillons occupait un secteur frontalier tenu par des postes dont le nombre variait, selon le terrain, entre six et huit dont l'effectif comptait, pour chaque poste, compte tenu de l'importance de la population du coin, entre douze et trente hommes.
D'ailleurs, les incursions des troupes françaises en Tunisie, les provocations et les accrochages se multipliaient en de nombreux endroits du territoire national :
Le 22 octobre 1956, au sud, des troupes françaises ont tenté d'occuper le poste de surveillance de Ben Gardane pour s'emparer de documents et de dossiers qui s'y trouvaient ; le même jour, l'armée française d'Algérie s'empare, en plein vol, de l'avion qui transportait, du Maroc, une délégation algérienne, au sommet maghrébin de Tunis composée de MM. Mohamed Boudhiaf, Ahmed Ben Bella, Hussein Ait Ahmed, Mohamed Khider et Mustapha Lachraf ; le 24 octobre, des soldats français ont voulu forcer les barrages dressés entre Aïn Draham et Jendouba par la population pour les empêcher de se déplacer sans autorisation, des accrochages se produisirent occasionnant des blessés ; le 1er novembre, un incident eut lieu à Kébili qui fit un mort; trois semaines plus tard, un autre incident survint à Bir Drassen ( Cap Bon) relatif à l'installation d'équipements radar occasionnant deux morts et plusieurs blessés.
Cependant, à Paris et à Tunis, les gouvernements français et tunisien essaient de limiter les dégâts, d'éviter le pire, de ne pas interrompre le contact et de laisser la porte ouverte à une reprise éventuelle des discussions.
Des incidents eurent lieu, en avril 1957, à Tamerza. Mais le plus tragique incident eut lieu dans la région d'Ain Draham, le 31 mai 1957. Il s'agit du plus grave accrochage survenu entre les troupes françaises et des éléments tunisiens composés de militaires et d'agents de la Garde nationale : c'est ainsi que fuyant les arrestations, les ratissages, les tortures, les massacres et les assassinats, des Algériens, hommes, femmes et enfants se sont réfugiés en Tunisie. Des unités de l'armée française les ont poursuivis dans les cheikhats tunisiens de Ouled Msallem et de Khmairia non loin d'Aïn Draham. L'armée tunisienne et la Garde nationale, tentant de les protéger et leur porter secours, se sont trouvées face-à-face avec elles, le 31 mai 1957, vers midi, et ce fut l'affrontement. Khemaies Hajri, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, et Béji Caïd Essebsi, directeur général des affaires régionales au ministère de l'Intérieur étaient de passage, à ce moment-là, par hasard, pour examiner et se rendre compte de la situation des réfugiés qui arrivaient quasi-quotidiennement d'Algérie, fuyant cette guerre qui dure, déjà, depuis presque trois ans, se trouvèrent, pris par ce déluge de feu. Cette visite était effectuée en prévision d'une mission à Genève pour alerter le Haut-commissariat aux réfugiés. Hajri, grièvement blessé, succombe quelques jours après, ainsi que neuf autres tunisiens des forces de l'ordre (militaires et gardes nationaux). Il y a eu aussi une douzaine de blessés. Ce fut, avec l'Armée française, l'accrochage le plus meurtrier depuis l'indépendance. Pour quelqu'un qui n'a pas fait son service militaire et qui ne connaît, ni de loin, ni de près, les effets de pareille situation, cela ressemblait à l'apocalypse. Cette ambiance de guerre est,autrement, plus implacable et plus dure que l'accoutumance aux feux réels qui bénéficie de toutes les mesures de sécurité requises. Mais dommage que notre élite politique, dont la grande majorité se croit, depuis l'indépendance,peu concernée par le service militaire, n'ait pas effectué ce devoir, celui du service national. Elle a, ainsi, raté l'occasion, unique, de vivre les sensations du baptême du feu, même en temps de paix, organisé, avec des balles réelles, à l'intention des jeunes recrues, à la fin de leur formation commune de base dans les centres d'instruction. En le vivant, on apprécie davantage le rôle et l'importance des unités en armes et on se rend compte, par soi-même, combien les sacrifices des combattants sont gratifiants.
Aussi, s'agissant du plus important accrochage de la jeune et inexpérimentée armée nationale, avec un grand nombre de martyrs et de blessés, et dans un souci de devoir de mémoire, pourquoi ne pas ériger une stèle commémorative,sur la route principale, à hauteur des lieux de l'accrochage, en veillant à préciser certaines données historiques s'y rapportant et en y consignant le nom des martyrs. Cette stèle peut faire l'objet de visite, d'hommage et de souvenir, toute l'année et surtout le 31 mai, par des groupes d'élèves des écoles, des collèges et des lycées de la région.
D'autre part, et en vue de mettre en valeur certains évènements de notre riche histoire contemporaine, pourquoi ne pas immortaliser les faits d'armes qui ont eu lieu que ce soit lors de la résistance armée (1952-55) que lors de la guerre d'indépendance de l'Algérie (1956-62) et ceux se rapportant à la lutte pour l'évacuation. De nombreux accrochages, embuscades et incidents sanglants ont eu lieu soit dans nos djebels, avant l'indépendance, soit le long de la frontière au cours desquels nos hommes ont fait preuve de courage et d'esprit de sacrifice suprême. Ces incidents sérieux ne peuvent être mis aux oubliettes de l'histoire et méritent d'être immortalisés. Par ailleurs, les grands évènements tels que le bombardement de Sakiet (8 fév. 1958), la bataille de Remada( 25 mai 1958), la bataille de Bizerte (19-22 juil.1961) et celle de Fort Saint (19-22 juil. 1961) ne peuvent être négligés et méritent des stèles commémoratives toutes particulières.
Je profite de cette occasion pour attirer l'attention de Monsieur le président de la République, Chef suprême des forces armées, sur le fait que de nombreux ministres de la Défense nationale ont donné leur accord pour ériger des stèles commémoratives (à raison de deux ou trois dans chacun des gouvernorats de Jendouba, du Kef et de Kasserine) pour remémorer le séjour des combattants algériens en Tunisie et immortaliser les bases où étaient implantées les katibas de l'ALN durant la guerre d'indépendance de l'Algérie. Ces ouvrages sont destinés à perpétuer et renforcer la solidarité entre les deux peuples tunisien et algérien dont le passé, le présent et l'avenir étaient, sont et seront communs d'une part et d'autre part, en vue d'en faire des lieux de pèlerinage pour la jeunesse tant algérienne que tunisienne.Des indications et un fléchage seront installés sur les routes du gouvernorat concerné pour faciliter l'accès et l'arrivée aux stèles, de forme pyramidale, portant, sur chacun des trois côtés, une plaque écrite en arabe,une autre en français et la troisième en anglais, l'épitaphe suivante : «C'est ici, dans cette zone, qu'a séjourné, de 1957 au 5 juillet 1962, une katiba de l'Armée de libération nationale algérienne où elle a bénéficié de toute l'aide et l'assistance du peuple et du gouvernement tunisiens». Il est vivement recommandé de réaliser ces stèles le plus tôt possible et tant que les témoins qui ont connu et vécu cette période sont encore parmi nous.
C'est, en fait, grâce à pareils stèles et monuments qu'est perpétuée l'histoire d'un pays ou d'un peuple et si on vante, si on reconnaît, encore et toujours la grandeur de la civilisation arabo-musulmane, au moyen âge, c'est, entre autres, grâce à l'existence de l'Alhambra de Grenade et de la Grande mosquée de Cordoue en Espagne, ces merveilles évidentes et sensationnelles. Il n'y a pas d'histoire sans preuves matérielles, monuments, ruines, mémorial et vestige permettent aux historiens de chercher dans les profondeurs des temps immémoriaux ceux qui étaient à l'origine de ces édifices et retracer leur parcours, leurs œuvres et leur Histoire avec toutes leurs composantes et leurs détails.
*Ancien sous-chef d'état-major de l'armée de terre, ancien commandant du secteur frontalier de Sakiet en tant que lieutenant (1958-61), ancien gouverneur


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