Par Soufiane Ben Farhat Conciliabules de haut niveau sur le Soudan vendredi dernier au siège des Nations unies à New York. Disons-le d'emblée: l'inquiétude était de mise lors du sommet tenu à l'ONU en présence notamment du Président américain Barack Obama. La qualité des participants en dit long sur la portée de l'enjeu. Outre M. Obama, y ont pris également part les présidents rwandais, éthiopien, kényan, ougandais, gabonais, les vice-présidents soudanais, le Premier ministre néerlandais, le vice-Premier ministre britannique, les ministres des Affaires étrangères de France, d'Allemagne, de Norvège, d'Inde, d'Egypte, du Brésil, du Japon et du Canada. Et pour cause. En toile de fond, la très probable séparation du Soudan en deux Etats et les risques encourus pour la paix en Afrique. Les Sud-Soudanais devraient choisir, le 9 janvier, entre leur indépendance et le maintien dans le Soudan. Selon maints observateurs, l'indépendance l'emportera dans cette région chrétienne et animiste, ravagée par une guerre sécessionniste qui traîne depuis plus de 25 ans. La guerre civile y a duré en fait 22 ans. Elle a pris fin en 2005 avec la conclusion d'un accord de paix. Un deuxième référendum doit également se tenir dans la petite région d'Abyei qui devra choisir entre le Nord et le Sud. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a annoncé la couleur. Elle n'y est pas allée du dos de la cuillère. Elle a comparé le Soudan à "une bombe à retardement". De son côté, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a avoué que le Soudan constitue sa "priorité numéro un". A l'en croire, le résultat du vote "sera d'une importance critique pour la paix et la sécurité dans la région". Tout le monde est sur le qui-vive. On craint particulièrement quelque déroulement anarchique du référendum escompté. Auquel cas il pourrait engendrer de nouveaux affrontements armés, qui viendront s'imbriquer dans la latente et désastreuse crise du Darfour. Pour l'heure, les craintes sont d'autant plus de mise que les préparatifs ont déjà pris du retard. On redoute en fait que le retard dans l'organisation du scrutin débouche sur quelque déclaration unilatérale d'indépendance du Sud, qui serait elle-même à la source d'un nouvel inextricable conflit. Il y a deux semaines, les quinze pays membres du Conseil de sécurité ont appelé à "prendre des mesures d'urgence" pour que le référendum se déroule d'une manière pacifique et à la date prévue. Pour les Etats-Unis d'Amérique, la prudence semble pour le moment avoir les faveurs de l'establishment. Le sommet —de vendredi dernier— "doit encourager le Nord et le Sud à travailler ensemble de manière constructive", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley. Le Soudan est au cœur d'un dispositif stratégique à dimension internationale. C'est avant tout un pays producteur de pétrole, essentiellement en direction de la Chine. Le conflit du Darfour y perdure depuis plus de sept ans. Son positionnement à proximité de la Somalie et de la République Démocratique du Congo en rajoute aux craintes relatives à un débordement probable de ses conflits internes. Sans parler d'Israël qui ne s'embarrasserait guère d'un conflit mettant en cause les eaux du Nil ou de l'affaiblissement des pays arabes par une sécession problématique. Il faut savoir que le nouvel Etat qui pourrait voir le jour au Sud-Soudan disposerait de la majeure partie des ressources pétrolières de l'actuel Soudan unifié. Cela attise les convoitises autour de cette manne. Les effets de contagion régionale sont, eux aussi, à craindre. La partition du Soudan pourrait réveiller les démons des ambitions sécessionnistes. Cela pourrait affecter aussi bien d'autres régions du Soudan que des Etats voisins comme le Tchad. La formule "bombe à retardement" dont a parlé Hillary Clinton n'est guère exagérée. A preuve, la délimitation incertaine des 2.100 km de frontière entre Nord et Sud du Soudan, la problématique de la nationalité des Sudistes restés au Nord et des Nordistes vivant au Sud, le spectre d'afflux massif de réfugiés, apparaissent déjà comme des mèches vicieuses qui pourraient bien mettre le feu aux poudres. Certains scrutins s'apparentent à un périlleux exercice de jeu avec le feu au beau milieu d'une poudrière. Celui du référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan pourrait bien en être un.