Par Jalel Mestiri La régulation financière dans notre football est toujours possible. Les exemples et les efforts effectués en ce sens dans certains championnats sont éclairants. Au-delà des valeurs qu'il ne cesse de transmettre, l'impact sociétal et l'exemplarité réclamée aux joueurs, souvent modèles de tant de jeunes, le football aurait toujours besoin des notions, comme l'éthique ou la transparence. L'environnement actuel dans lequel il se revendique aujourd'hui pousse beaucoup d'acteurs à adopter les idées qui font du football un sport business, différent de tous les autres. Un marché dans lequel la loi de l'offre et de la demande s'applique à différents niveaux. Le football serait ainsi une marchandise sans vertus et loin de toute décence. Il est fait, certes, de spectacle et de résultat. Mais surtout de stars auxquelles tout un chacun s'identifie. Cette histoire de la singularisation des footballeurs est cependant superficielle. Elle passe à côté de ce qui, au fond, a le plus contribué à dissocier les joueurs de leurs équipes tout en étendant leur notoriété bien au-delà de la sphère du football. Et si les clubs sont devenus des entreprises, leurs employés les plus «bankable» les ont imités. Les joueurs les plus célèbres, transformés en modèles, ont fini par faire concurrence aux clubs. Ils sont devenus des marques commercialisables. L'absurdité des récompenses individuelles est aussi excessive, s'y ajoutent également les classements statistiques, qui tendent à individualiser la performance. Le narcissisme a encore de beaux jours devant lui. On pensait que dans le contexte aussi contraignant que difficile que traverse le pays, les clubs allaient imposer une limitation des salaires, rationaliser leurs dépenses, notamment au niveau de la gestion des transferts des joueurs. Le constat était le suivant : compte tenu de leurs moyens et de leurs ressources, beaucoup de clubs ne peuvent plus offrir des salaires supérieurs à un montant bien déterminé, net ou brut. Résultat : ils devraient être soumis à une réelle limitation des salaires. L'objectif était, notamment selon les experts en la matière, d'économiser au moins 25% de masses salariales à moyen terme. C'était toutefois sans savoir si on peut vraiment instaurer dans un environnement, marqué par le laisser-aller et l'impunité, une réforme qui sera réellement appliquée par les clubs. Nous avons une culture de compétition assez particulière. Elle est inspirée d'une forte confusion entre le professionnalisme et l'amateurisme. Le championnat tunisien n'a jamais pu boucler ses réformes de rigueur économique. A chaque fois, l'on n'hésitait pas à évoquer la nécessité, parfois même l'urgence, d'imposer le système de «salary cap». D'abord, il serait bon de préciser qu'il serait illusoire de vouloir imposer ce modèle si la gestion des clubs n'est pas soigneusement contrôlée. Ensuite, et au-delà de la polémique que pourrait susciter la limite des salaires, l'on ne doit pas oublier que l'accompagnement des joueurs est un autre point noir dans le football tunisien. La plupart d'entre eux sont souvent livrés à eux-mêmes. Un joueur est censé d'un seul coup gagner des sommes faramineuses, être exposé médiatiquement. Des années plus tard, il retombe dans l'anonymat. La réalité montre que cette phase pourrait être mieux anticipée et gérée... Pour autant, cela ne nous empêche pas de croire qu'une régulation financière dans le football tunisien est toujours possible. Les exemples et les efforts effectués en ce sens dans certains championnats sont inspirants. Beaucoup de pays ont déjà adopté le principe d'une masse salariale limitée. L'idée est bien répandue dans les grands championnats européens qui s'offrent aujourd'hui les meilleurs joueurs, mais aussi les meilleurs entraîneurs. Le «salary cap» n'est plus un terme à la mode en ce moment. Le transfert de beaucoup de joueurs pour des montants imaginaires constitue une révolution et un nouveau contour dans l'histoire du football.