Il serait illusoire de vouloir imposer le modèle de salary cap si la gestion des clubs n'est pas soigneusement contrôlée. Le salary cap n'est plus un terme à la mode en ce moment. Le transfert de Paul Pogba à Manchester United pour le montant imaginaire et historique de 120 millions d'Euros constitue une circonvolution et un nouveau contour dans l'histoire du football. Au moment où, dans les différents championnats sportifs, de nombreuses Ligues professionnelles ont déjà adopté le principe d'une masse salariale limitée, l'idée est, en revanche, encore bien répandue, notamment dans les grands championnats européens, à l'instar de la Premier League qui s'offre aujourd'hui non seulement les meilleurs joueurs, mais aussi les meilleurs entraîneurs. Aucune des grandes divisions du Vieux Continent n'a osé prendre une telle mesure jusqu'à présent. Seuls quelques clubs imposent, de manière individuelle, une restriction qui peut à tout moment prendre une tournure complètement différente dans le temps et dans l'espace. Le football est fait de spectacle et de résultat. Mais surtout de stars auxquelles tout un chacun s'identifie, bien sûr, à sa manière. On pensait que, dans un contexte aussi contraignant que difficile, les clubs tunisiens allaient imposer une limitation des salaires, assez significative néanmoins pour rationaliser les dépenses et surtout la gestion des transferts des joueurs. Le championnat tunisien n'a pas fini ses réformes de rigueur sur le plan économique. A chaque fois, les responsables des clubs, de la fédération, et même ceux qui gèrent le dossier du football au sein du ministère de tutelle ne manquent pas d'évoquer la nécessité, parfois même l'urgence, d'imposer le système de salary cap. Le principe en est le suivant: les clubs ne peuvent plus offrir des salaires supérieurs à un montant bien déterminé, net ou brut, et qui devrait prendre en considération leurs moyens et leurs ressources. Autant dire que les clubs devraient ainsi être soumis à une forte limitation des salaires. L'objectif serait, selon les experts en la matière, d'économiser au moins 25% de masses salariales à moyen terme. Plus encore: certaines voix se sont même élevées contre le non-respect de cette règle, appelant à des amendes en cas de dépassement et de non-alignement à cette nouvelle mesure. ce qui risque, encore un peu plus, de faire peser la masse salariale sur leur budget. Reste à savoir si on peut vraiment instaurer une réforme qui sera appliquée ou pas par les clubs, et notamment les grands, à l'avenir. Il serait illusoire, en effet, de vouloir imposer le modèle de salary cap si la gestion des clubs n'est pas soigneusement contrôlée. Les grands championnats de football fonctionnent avec des ligues «fermées» alors qu'en Tunisie nous avons une culture différente, faite de promotion, de relégation et de forte confusion entre le professionnalisme et l'amateurisme. Pour autant, cela ne nous empêche pas de croire qu'une régulation financière dans notre football est toujours possible. Les exemples et les efforts effectués en ce sens dans certains championnats sont éclairants. Les sceptiques n'hésiteraient pas à adopter des idées, parfois même des approches, faisant du football un sport business complètement différent de tous les autres. Un marché dans lequel la loi de l'offre et de la demande doit s'appliquer. Le football serait ainsi une marchandise sans vertus et loin de toute décence. Au-delà des postures un peu simplistes et sans tomber dans les excès démagogiques, cette situation est cependant tout sauf une fatalité. En raison des valeurs qu'il est censé transmettre et de son impact sociétal mais aussi de l'exemplarité réclamée aux joueurs, modèles de tant de jeunes, le football aurait toujours besoin des notions comme l'éthique ou l'éducation. A ce titre, la régulation des salaires est une piste à étudier sérieusement. Mais au-delà de la polémique que pourrait susciter la limite des salaires, l'accompagnement des joueurs est un autre point noir dans le football tunisien. Les joueurs sont souvent livrés à eux-mêmes. Un jeune footballeur va d'un seul coup gagner des sommes faramineuses, être exposé médiatiquement. Des années plus tard, il retombe dans l'anonymat. La réalité montre que cette phase pourrait être mieux anticipée et gérée...