L'éradication des violences à l'encontre des femmes est un pas vers la dignité, l'égalité, la justice sociale, la paix et la démocratie. L'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) et la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) ont présenté le mois dernier le guide des 100 mesures pour l'éradication des violences à l'encontre des femmes et des petites filles au cours d'une conférence de presse organisée au siège de l'association. Cette conférence a permis d'apporter sa contribution aux débats soulevés par le projet de loi organique relatif à l'éradication des violences à l'égard des femmes qui a été déposé à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) par l'ATFD avec le soutien de la FIDH et ce dans le cadre du programme «Consolider la mobilisation de la société civile tunisienne dans la promotion des droits humains et des réformes démocratiques». Hafidha Chkir, professeur de droit et membre du bureau directeur de l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates, a affirmé, à ce propos, qu'elles sont «venues pour présenter le guide des 100 mesures afin d'appuyer la promulgation des lois sur les violences faites aux femmes ». Le guide repose sur 4 piliers (4P) fondamentaux, à savoir la prévention, la protection des femmes victimes de la violence, la répression ou la pénalisation et la prise en charge de ces femmes. «78% des femmes ont été victimes de violence dans l'espace public», ajoute-t-elle. Guide de bonnes pratiques Monia Kari, enseignante à la faculté des Sciences juridique, a, quant à elle, déclaré que le guide est le fruit d'un travail d'équipe qui se base sur une expérience acquise par l'Association des femmes démocrates. Ce guide contient les bonnes pratiques pour prévenir les violences et réparer les dommages qui en découlent. « On espère que ce guide sera un outil de travail pour tous les intervenants, c'est-à-dire tous les établissements, spécialement l'Etat et la société civile », a-t-elle expliqué. Les premiers outils tendant à combattre les violences à l'égard des femmes sont essentiellement à caractère pénal et répressif. Ceux-ci ne peuvent à eux seuls éradiquer les violences à l'encontre des femmes car celles-ci trouvent leur origine dans les stéréotypes, les comportements et les représentations sociales fondés sur le patriarcat et la domination masculine, a observé Mme Kari. C'est donc aux causes profondes de la violence qu'il faudrait s'attaquer et pas seulement à ses manifestations et conséquences. A cet effet, une approche globale et plus efficace devrait être adoptée dans la lutte contre ce fléau et englober des mesures préventives qui s'attaquent aux causes et justifications de ces violences. Les mesures de prévention sont donc nécessaires afin d'empêcher la violence d'avoir lieu car aujourd'hui, on le sait, la violence tue. La violence a un coût et a aussi des séquelles sur les femmes, les enfants et toute la société. Tous les instruments internationaux, depuis la Cedaw (un plan d'action pour l'égalité) jusqu'aux résolutions du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU), considèrent que les violences contre les femmes constituent une véritable pandémie et qu'elles sont les causes et les conséquences de l'inégalité en droit et dans les faits entre les hommes et les femmes. Des mesures préventives contre la violence En Tunisie, la prévention de la violence devrait passer par deux vecteurs essentiels. Le premier serait de consolider un cadre législatif respectueux de l'égalité et la non-discrimination et le deuxième consisterait en l'inclusion de dispositions légales dans la loi organique pour l'éradication des violences contre les femmes, engageant les autorités publiques et le secteur privé à prendre des mesures préventives contre la violence. Parmi les 100 mesures, citons le renforcement des droits humains des femmes par la ratification des conventions régionales et internationales, la consolidation des droits politiques, la généralisation de la parité et la participation des femmes à la vie publique. Il s'agit aussi d'améliorer les conditions de travail des femmes, en particulier les femmes rurales, et de lutter contre le chômage afin de leur garantir des conditions de vie décente. Protection des victimes Malgré sa prévalence, la réponse à la violence basée sur le sexe est rarement donnée dès les premiers stades des situations d'urgence. L'inaction des acteurs de première ligne (police, juge, médecin) est souvent justifiée par l'absence de cadre législatif ou institutionnel protégeant les femmes victimes de violences. Celles-ci sont donc livrées à elles-mêmes, ce qui les fragilise davantage et encourage les agresseurs à reproduire la violence. Les autorités sont donc appelées à prendre des mesures concrètes. Parmi ces mesures, il s'agit notamment d' améliorer les services fournis par la ligne verte déjà activée pour mieux orienter les femmes en leur fournissant les adresses utiles et d'instaurer des services d'urgence de médecine légale dans toutes les régions. Il faut également mettre en place un réseau de services d'hébergement sécurité d'urgence et temporaire, selon les membres de l'association. L'importance de la prise en charge Toujours selon les acteurs de la société civile, il est important de définir la prise en charge comme étant l'ensemble des services, des interventions qui s'articulent autour de l'orientation, la protection, l'assistance et la réhabilitation permettant à la victime de reprendre confiance en elle, de dépasser le statut de victime et de retrouver sa dignité et ses droits. Des mesures ont déjà été prises par le passé pour consacrer le droit des victimes à l'accompagnement et au soutien psychologique et médical. Il s'agit notamment de la création de centres médicaux spécifiques pour les victimes de violences qui ont droit à un certificat médical initial gratuit (CMI). Il faut aussi donner la priorité aux femmes victimes de violences dans l'octroi de logements sociaux. Une réponse globale au fléau de la violence à l'égard des femmes doit englober inévitablement la voie pénale. Par la pénalisation, l'Etat doit exprimer une tolérance zéro avec les auteurs des agressions physiques, morales, sexuelles, économiques et sociales. Les peines énoncées doivent être à la hauteur des crimes commis. A ces fins, la législation incriminant et réprimant les violences doit contenir des mesures permettant de mettre fin à l'impunité des auteurs de violence, ont souligné, par ailleurs, les participants au cours de la conférence de presse. Parmi ces mesures : incriminer les maltraitances habituelles du conjoint, dont le viol conjugal, et adopter une définition précise du viol. L'éradication des violences à l'encontre des femmes est une condition nécessaire pour la dignité et la liberté des femmes. C'est une priorité pour affronter les défis sécuritaires, politiques, économiques et sociaux.