Il est venu à la calligraphie par la poésie, ses vers chantaient l'amour pour l'humanité, le respect de la tolérance et sa démarche est différente, plus proche de celle des anciens maîtres du kalam. La longue et belle histoire de la calligraphie arabe, science séculaire longtemps réservée aux seuls lettrés, est tout de même bien étrange. Etrange de voir que cet art du kalam qui s'épanouissait dans l'ombre des ateliers des calligraphes, dans le silence des bibliothèques des scribes, soit ainsi parti à la conquête des rues et de la dissidence. Car les premiers calli-grafitteurs, comme ils se sont appelés, étaient poursuivis et harcelés pour troubles à l'ordre public et déprédation des biens de la cité. La bombe de peinture agressive, ils taggaient murs, ponts et façades dans la plus grande illégalité. Il a fallu que le mouvement artistique soit enfin reconnu pour qu'ils acquièrent reconnaissance, lettres de noblesse et statut d'artiste. La démarche d'Inkman, Mohamed Kilani Tbib de son vrai nom, est différente, et peut-être plus proche de celle des anciens maîtres du kalam. Lui est venu à la calligraphie par la poésie. Ses vers chantaient l'amour pour l'humanité, le respect de la tolérance. Des études de design lui permirent de découvrir le monde fascinant de la typographie, et les capacités de création et de composition visuelle offertes. Il apprit ainsi à donner une image à ses mots, une représentation à ses poèmes. Calligraffiteur, certes Inkman, mais sans frontières puisque ses créations mêlent allègrement lettres arabes et caractères latins, et qu'il inclut dans ses volutes poèmes et messages. Son travail élégant, sa gestuelle affinée, sa maîtrise affirmée dans le dédale tumultueux des lettres en font un artiste à part. L'ensemble d'œuvres qu'il présente à la galerie Ghaya est superbe de cohérence, d'harmonie, et d'équilibre. La calligraphie, dans le domaine de l'art, a trop souvent été galvaudée, banalisée, réduite au niveau de l'anecdote. Inkman, l'homme de l'encre, lui rend sa place. On l'en remercie.