Par Pr Jamel Trabelsi (Université Louis Pasteur — Strasbourg) La bonne concrétisation des projets de développement est en grande partie tributaire de la qualité de la formation académique et professionnelle. Les stratégies politiques de notre pays en matière d'éducation et de recherche scientifique étaient et demeurent ancrées sur la qualité et les besoins de notre économie. La globalisation et la crise économique ont considérablement bouleversé l'architecture et les mécanismes de notre marché du travail, particulièrement l'employabilité des diplômés du supérieur. C'est un phénomène universel et les solutions pour contenir cet épineux problème restent insuffisantes. La cause principale, mais pas l'unique, des retombées négatives de la globalisation et surtout de la crise économique est incontestablement la rigidité du marché du travail. Un emploi stable pour la vie est difficilement réalisable dans le contexte économique actuel et même dans l'avenir. La raison est simple; premièrement le secteur des services absorbe en grande partie l'offre de travail alors que la formation académique ne lui est pas forcement appropriée. Deuxièment, la nature des emplois nouveaux exige, en plus des compétences professionnelles et surtout académiques, la maîtrise des langues étrangères, des sciences de l'informatique. Troisièment et dans le contexte de la globalisation, il est crucial de réduire la distance culturelle qui demeure très importante pour la plupart de nos jeunes diplômés. Cette distance culturelle constitue un handicap majeur dans la perspective de l'intégration au marché du travail, devenu de plus en plus multiculturel par l'investissement direct étranger, par les processus de fusion et par l'émergence de l'investissement privé dans notre économie. La volonté de générer une réelle dynamique d'employabilité, particulièrement chez les jeune diplômés, est réelle et elle se traduit par les initiatives et les mesures prises par le ministère de l'Enseignement supérieur. L'adoption du système LMD (Licence, Mastère, Doctorat), le lancement d'une dynamique des formations complémentaires en langue et en sciences de l'informatique constituent, en effet, un levier d'employabilité. La finalité majeure du système LMD est la création d'une synergie ou une proximité entre la formation académique et le milieu professionnel. La formation académique était, en effet, en rupture avec la réalité et surtout les exigences du marché du travail. Le système LMD est organisé suivant des formations semestrielles bâties à partir des parcours diversifiés comportant des unités d'enseignement qui peuvent être obligatoires, optionnelles ou libres. La diversité et la richesse des unités d'enseignement ont permis d'élargir les perspectives d'embauche dans la mesure où les formations sont multidisciplinaires et non figées sur une seule orientation. De surcroît, la structure du système LMD est fondée sur des parcours individualisés puisque l'étudiant est amené à choisir son itinéraire et sa cadence académique. Cette particularité constitue une mutation majeure par rapport à l'ancien système éducatif puisqu'elle permet d'ancrer chez l'étudiant l'esprit managérial et surtout l'acquisition d'une maturité professionnelle indispensable pour la valorisation des acquis académiques. L'adoption du système LMD par nos instituions académiques en est à sa quatrième année consécutive. Les retombées sont hétérogènes; l'apprentissage et l'adaptation à ce nouveau système nécessitent une implication sans faille de tous les acteurs (enseignants, étudiants, personnels d'appui, chefs d'entreprise…), suivant une nouvelle gouvernance universitaire et une mutation appropriée de la vision pédagogique. Cette nouvelle gouvernance vise essentiellement l'instauration d'une dynamique interactive entre les étudiants, les enseignants et le milieu professionnel, suivant une structure pédagogique de qualité combinée avec une formation professionnelle diversifiée et adaptée aux besoins de notre économie. La gestion d'une structure académique est devenue un art avec ses règles, ses exigences et ses finalités. Dans un monde en mutation persistante, il est vital pour la pérennité de notre bien-être de synchroniser et d'adapter notre processus de développement aux exigences de l'économie mondiale. La bonne gouvernance de nos institutions académiques est incontournable; elle est déclinée sur deux niveaux, à savoir une gestion de qualité des structures pédagogiques, professionnelles et administratives et une solide dynamique d'internationalisation par la signature des accords de partenariat et surtout l'obtention des accréditations internationales. Cette nouvelle orientation permettra d'améliorer la qualité des formations, d'enrichir les profils des étudiants et d'élargir les perspectives d'embauche pour les demandeurs d'emploi. En effet, les «outsiders» du marché du travail souffrent de la coloration monodisciplinaire de leur formation. Les métiers d'aujourd'hui exigent la diversité des compétences et l'adaptabilité aux mutations des métiers. Il est difficile de nos jours d'anticiper la nature des métiers futurs; il est par conséquent important d'ancrer chez nos jeunes l'esprit de la mobilité afin qu'ils puissent faire face aux persistantes mutations du marché du travail. Ceci passe par l'enrichissement des parcours par des formations complémentaires dans des domaines divers et une ouverture plus prononcée vers le milieu professionnel.