A la veille de la Journée mondiale du réfugié, célébrée le 20 juin de chaque année, une quarantaine de migrants ont été évacués lundi dernier par la force du camp de Choucha, à l'extrême sud de la Tunisie. Cette réaction est justifiée par l'expiration du délai officiel de séjour depuis quatre ans, délai que les migrants n'ont point respecté. Et ce malgré les appels répétitifs et du gouvernement et des organismes onusiens œuvrant sous nos cieux (OIM, Unhcr), les exhortant à régulariser leur situation ou retourner à leurs pays d'origine Le représentant du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés en Tunisie, M. Mazin Abou Shanab, n'a pas laissé passer l'occasion sans tirer les choses au clair : son organisation n'a pas de prérogatives pour intervenir dans pareil cas, d'autant plus que son mandat s'est limité à prendre soin des réfugiés ou des demandeurs d'asile. «Ces personnes évacuées par la force, dont la majorité sont des migrants bloqués dans un camp fermé depuis juin 2013, ne rentrent absolument pas sous la bannière de l'Unhcr», précise-t-il, lors d'une rencontre de presse tenue hier matin à Tunis, en conjointe initiative, par l'Unhcr et l'Iadh (Institut arabe des droits de l'Homme), avec le concours de leurs partenaires stratégiques (Scout tunisien, Croissant-Rouge, «Adra»). Abou Shanab a précisé que le camp de Choucha a été fermé après que le HCR et l'OIM ont proposé le choix aux réfugiés de rentrer dans leurs pays d'origine ou de rester en Tunisie ou encore de se réinstaller dans un pays tiers. La plupart ont accepté et reçu des aides, sauf une minorité qui a refusé de quitter le camp, désormais non reconnu, exigeant d'être accueillie par des pays de leur choix. Le décampement des derniers récalcitrants s'inscrit dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale du réfugié. Et Abou Shanab de souligner encore que seulement quatre réfugiés ont été identifiés et ils ont tous été immédiatement relogés. Le reste, semble-t-il, est du ressort de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Migrant ou réfugié, il y a là une certaine nuance sémantique à relever : le premier est celui qui quitte volontairement son pays pour des raisons purement économiques (travail, amélioration des conditions), tandis que le second s'est trouvé forcé de le faire pour se protéger des conflits armés qui pourraient mettre sa vie en péril. Ce dernier a donc la possibilité d'avoir droit d'asile. Et c'est là que le bât blesse. Car, la Tunisie ne dispose ni d'un cadre législatif ni d'une structure institutionnelle censés fournir à ces personnes à besoins spécifiques les garanties de protection nécessaire. Pourtant, selon M. Abou Shanab, elle compte, actuellement, aux alentours de 650 réfugiés et demandeurs d'asile reconnus en tant que tels par l'Unhcr, issus de 23 nationalités dont 400 sont des Syriens. L'apport des médias Une loi portant sur le droit d'asile est-elle, vraiment, nécessaire ? Voilà à quoi s'est intéressé le débat d'hier, vu l'ampleur du phénomène ici et ailleurs. Soit 65 millions de migrants de par le monde et plus de 42 mille personnes fuient quotidiennement les foyers de guerre et de tension. Mais il existe déjà un projet de loi sur l'asile en Tunisie. Finalisé par le ministère de la Justice, depuis quelque temps, ce projet n'est pas encore sorti des bureaux de La Kasba. Et pour cause, une campagne de plaidoyer a été lancée l'été dernier, sous le slogan « leur situation nous touche, mais une loi permettra aussi de les protéger.. ». L'élan solidaire continuera jusqu'à l'adoption de ladite loi, faisant toute la lumière sur les tenants et les aboutissants. De même, «la Tunisie s'est pleinement engagée sur le plan international à protéger les droits des réfugiés sur son territoire», lance M. Abdelbassat Ben Hassen, président de l'Iadh à Tunis. De surcroît, l'apport médiatique, de la société civile et des avocats n'est plus à démontrer. S'ensuivait une charte de conduite professionnelle propre à la couverture médiatique des questions d'asile et de migration. Le Snjt y met aussi du sien. Cela fait partie intégrante des droits de l'Homme dans leur acception la plus large. «Les protéger ainsi n'est pas une faveur, c'est plutôt une obligation. Ce qui compose avec l'esprit de la constitution et les différentes clauses des conventions internationales dont la Tunisie est signataire», rappelle M. Ben Hassen. Et d'ajouter, en conclusion, que l'application de la loi incarne bel et bien une conscience démocratique qui sous-tend l'aspect institutionnel et juridique du droit d'asile.