Dans la programmation en grande partie culturelle du festival d'Ezzahra, plusieurs soirées se distinguent par la qualité de leur produit entre autres «Dyslexie» de Mahmoud Turki présenté le 1er août et «Rai Uno City», une pièce théâtrale de Ali Yahyaoui, le 2 août. Dommage que le public ne soit pas assez curieux pour venir en grand nombre découvrir des travaux différents de ce qui se fait ailleurs. Dyslexie de Mahmoud Turki, qui a décroché lors des dernières Journées musicales de carthage le prix des meilleures paroles en langue arabe, un projet musical est un projet qui expérimente un univers particulier, jonglant entre romantisme et satire avec différentes influences arabes, occidentales et de la musique électronique. Il est le fruit d'années de recherches. Il faut dire que le programme présenté ce soir-là à Ezzahra a réuni plusieurs ingrédients qui font de cet artiste une espèce rare dans le monde de la musique tunisienne actuelle. On détecte de surcroît l'humour du chansonnier, la pertinence et l'humour de la chanson critique, la finesse d'un Zine Safi qu'on regrette encore et toujours. Mahmoud Turki garde bien au chaud ses repères, il les invoque, sans trop forcer le trait, il en joue aussi. Doué aussi d'une belle plume et d'un tact naturel qui fait de ses paroles une entité qui épouse son écriture musicale. Malgré le nombre très réduit du public qui, généralement, ne s'aventure pas pour des artistes qui ne sont pas dans la mouvance commerciale ou populaire, Mahmoud et ses compagnons semblaient heureux de jouer sur scène. Un bonheur qu'on ne retrouve plus de nos jours. Quand la musique n'est plus un plaisir, mais une source de grain facile. « Dyslexie » est un spectacle conçu pour un public intéressé, qui est à l'écoute, certains présents le connaissent déjà et suivent ce projet de près, d'autres intrigués ont très vite adhéré à cet univers. Mahmoud Turki est un artiste à suivre, car après «Dyslexie», il y en aura d'autres qui s'enchevêtreront, pour complèter non pas un album ou un CD mais une œuvre de toute une vie. La soirée suivante était aussi peu lotie en termes de public, bien évidement quand il s'agit de théâtre, le public ne fait que bouder, sauf pour les one man shows, parce qu'on aime bien rigoler l'été. «Rai Uno City» est une pièce qui nous vient du centre d'art dramatique de Médenine, mise en scène de Ali Yahyaoui. C'est l'histoire de M'hadeb, 49 ans, issu des couches les plus défavorisées d'un quartier populaire nommé «Rai Uno City», qui tente de survivre dans un monde qui l'exploite. En signe de protestation, M'hadeb finit par commettre un crime. La pièce traite de la problématique de l'oppression sociale et économique dans les quartiers populaires démunis et de ses répercussions psychologiques sur leurs habitants. Rai uno city a clôturé sa tournée avec cette représentation à Ezzahra avec cette immersion peut-être un peu brutale dans les bas fonds d'un quartier populaire, un monde où règnent cruauté et violence. Une panoplie d'acteurs a endossé le rôle de divers personnages, plus vrais que nature, issus de la classe populaire défavorisée du pays. Embrouilles, crêpages de chignons entre voisins, délinquance, alcoolisme... les maux d'une classe souffrant d'oppression économique et sociale, résonnent durant toute la création sur une durée d'environ deux heures. Rai Uno city, titre en référence à la chaîne italienne qui a bercé la jeunesse d'une certaine génération, reste une allégorie aux rêves tragiques qui obsèdent toute une jeunesse, celui du départ vers l'inconnu, vers une Italie, un voyage tragique sans horizons.