A l'occasion des célébrations de la Journée nationale de la femme, le Haut-commissariat aux droits de l'Homme (HCDH) avec ONU Femmes et le Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa) viennent de lancer le guide sur la Cedaw (Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes) en Tunisie. Célébrée le 13 août de chaque année en Tunisie, la Journée nationale de la femme a permis de réaffirmer l'importance des droits des femmes. Afin de marquer cette journée, le HCDH a présenté un guide "Kit". L'objectif de ce kit est de fournir, aux membres de la société civile et à toute personne intéressée, les informations de base nécessaires à la connaissance et à la compréhension de cette convention fondamentale, ratifiée par la Tunisie le 20 septembre 1985. Elaboré par Mme Hafidha Chekri, expert juridique, ce kit contient cinq éléments essentiels. De ce fait, ce guide explique, dans un premier volet, l'historique de la Cedaw et présente également ses principes fondateurs. Dans le deuxième volet, ce kit récapitule les droits exposés dans cette convention et les obligations qui découlent de sa ratification par la Tunisie.Le document comporte également un troisième volet sur les mécanismes existants destinés à veiller à sa mise en œuvre et à défendre les droits qu'elle promeut. Il contient également une brochure qui reprend l'intégralité du texte de la Cedaw. Ce kit comporte aussi un imprimé présentant pour chaque droit défendu dans la Cedaw la situation actuelle en matière d'égalité hommes-femmes. «La Cedaw prend tout son sens aujourd'hui avec l'adoption de la loi organique contre les violences faites aux femmes», a estimé Hafidha Chekri, appelant à la nécessité d'intégrer cette convention dans la législation tunisienne et de réviser toutes les lois qui ne sont pas en adéquation avec ce texte. «La Cedaw repose sur une approche basée sur les droits de l'Homme et défend les droits des femmes dans divers domaines : santé, éducation, travail, santé», a-t-elle affirmé. Le coordinateur résident du système des Nations Unies en Tunisie Diego Zorrilla, a saisi «cette occasion pour féliciter le président de la République pour avoir recommandé la révision de la loi de manière à instaurer l'égalité successorale homme-femme et autoriser le mariage des Tunisiennes avec des non musulmans. Le système des Nations unies se tient prêt à accompagner la Tunisie dans ce débat annoncé par le président de la République et dans ce combat pour l'égalité hommes-femmes » a-t-il souligné. M. Omar Fassataoui, officier des droits de l'Homme, nous a présentés le pourquoi de ce guide sur la Cedaw. «Ce guide vise un certain nombre d'objectifs», a-t-il déclaré. «Ces objectifs sont destinés : à mieux comprendre la convention et à faciliter son utilisation dans la pratique quotidienne des femmes, des militantes et défenseurs des droits humains, des ONG (organisations non gouvernementale), dans la pratique des avocates et des avocats, des juges ainsi que des administrations concernées». Notre interlocuteur a ajouté que son but est aussi «de convaincre les décideurs que la convention fait partie des normes juridiques applicables dans le pays après sa ratification. A cet effet, il vise à le porter à des personnes qui ne sont pas forcément spécialistes du droit, mais qui sont convaincues de la nécessité de jouir des droits qu'elle consacre. Donc, il donne accès à des documents pertinents et accessibles à tous et il présente des informations sous une forme adaptée au contexte tunisien auquel elle s'applique». Principes fondateurs et historiques de la convention Il faut rappeler qu'on retrouve les principes fondateurs à la base des droits humains et qui sont la dignité, l'égalité et la non-discrimination dans tous les instruments internationaux des droits de l'Homme. Dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 tout d'abord, puis dans les 2 Pactes de 1966 (l'un sur les droits civils et politiques, l'autre sur les droits économiques, sociaux et culturels) et dans les 7 autres grandes conventions internationales qui ont été créées depuis, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes (ou Cedaw) en 1979. La Cedaw a pour but donc de lutter et d'éliminer les discriminations fondées sur le sexe par une approche correctrice (et non pas simplement formelle ou protectrice) de l'égalité. Elle fait de la lutte contre les discriminations un impératif, notamment à cause de leurs conséquences néfastes graves, comme les violences (physiques, sexuelles ou morales). Malgré les objectifs qu'elle s'est fixés, la Cedaw a vu un certain nombre d'Etats, dont la Tunisie, émettre des réserves sur certains de ses articles, notamment ceux portant sur les droits des femmes égaux à ceux des hommes en matière de droits civils et de droits dans la famille. Ces réserves sont en contradiction avec le but et l'esprit même de la convention. De plus en plus d'Etats sont donc en train de les réexaminer, comme la Tunisie qui, après une forte campagne de la société civile, a officiellement levé en avril 2014 les réserves qu'elle avait émises. Droits protégés et obligations créées par la convention La Cedaw protège les droits des femmes et prône l'égalité hommes-femmes dans 4 grands domaines qui sont ensuite détaillés, droit par droit : les droits politiques (art. 7 et 8), les droits civils et familiaux (art. 9, 15 et 16), les droits économiques, sociaux et culturels (art. 10 à 14), et la lutte contre la traite des femmes et des filles et leur exploitation sexuelle (art. 6). Chacun de ces droits a ensuite été détaillé et complété par le Comité en charge de la convention dans ce que l'on appelle des Recommandations générales. Ces recommandations complètent aussi parfois des points abordés très succinctement dans la convention comme la question des violences faites aux femmes (recommandation générale n° 19). Pour faire de ces droits une réalité, la convention a instauré une série de mesures qui doivent être mises en œuvre par les Etats qui l'ont ratifiée (mesures législatives, mesures temporaires spéciales appelées aussi mesures de discrimination positive (art. 4), et lutte contre les stéréotypes et les pratiques culturelles néfastes (art. 5)...). Là aussi, des recommandations générales complètent et précisent la nature de ces obligations. La Tunisie s'était déjà engagée sur le chemin des droits des femmes, avant la ratification de la Cedaw et avait déjà pris d'importantes mesures pour faire avancer la non-discrimination à l'encontre des femmes dans le domaine politique, dans la famille, dans le monde du travail, et au niveau de la nationalité. La ratification de la Cedaw a donc été une étape logique qui a permis encore un peu plus le renforcement de ces droits. Ainsi, la Tunisie est considérée comme un exemple en matière de droits des femmes dans la région du monde arabe. Il reste cependant des dispositions dans la législation tunisienne qui devraient être supprimées ou modifiées pour que les lois soient en accord parfait avec la convention et son principe de non-discrimination, mais également pour qu'elles soient en conformité avec la nouvelle Constitution tunisienne de 2014 qui a réaffirmé ce principes (art. 21 sur l'égalité hommes-femmes en droits et en devoirs) et s'est engagée à préserver et à développer les acquis de la femme tunisienne (art. 46.1). Mécanismes d'application de la convention C'est le Comité de la Cedaw qui est principalement en charge d'assurer le suivi de la mise en œuvre et l'application concrète de la convention par les Etats qui l'ont ratifiée. Pour cela, ils émettent des recommandations générales, examinent les rapports que doivent soumettre les Etats et la société civile tous les cinq ans. Des plaintes, appelées communications individuelles, peuvent être déposées par des individus ou des associations dans les Etats qui ont ratifié le Protocole optionnel à la Cedaw (ce qui est le cas de la Tunisie). Les associations de la société civile peuvent aussi rédiger un rapport alternatif au Comité de la Cedaw ou aux autres Comités dans le cadre de l'Examen périodique Universel. «Une tournée sera organisée à partir de septembre 2017 dans les régions du pays pour présenter et mettre ce guide à la disposition des ONG qui travaillent sur les droits humains en général, et les droits des femmes en particulie», a conclu notre interlocutrice.