Il faut faire valoir le critère de la méritocratie dans tout concours Les concours de recrutement dans la fonction publique sont-ils, vraiment, transparents ? Pas tout à fait, les chiffres sont on ne peut plus têtus: « 25% des requêtes qui nous sont parvenues, pendant l'année 2016-2017, au centre I Wtach d'appui et du renseignement sur les victimes de la corruption ont porté sur des abus de recrutement dans la fonction publique», révèle Intissar Arfaoui, conseillère juridique auprès de I watch. D'ailleurs, rappelle-t-elle encore, 93 % des enquêtés, dans un sondage d'opinion réalisé en 2013, ont déclaré n'avoir plus confiance aux concours d'intégration à l'administration tunisienne. Justement, ce système d'admission à la fonction publique n'a jamais été soumis à des critères bien précis. D'autant que son fonctionnement étant toujours remis en question, dans l'opacité totale. Parlons-en ainsi, l'ultime but étant, selon Mme Arfaoui, de réfléchir sur les solutions appropriées susceptibles de garantir le bon déroulement des concours dans la saine émulation et la transparence requise. L'Open-gov est de nature à favoriser le droit d'accès à l'information et l'égalité des chances entre tous les candidats. A titre préventif, il est temps d'asseoir une stratégie qui soit un rempart face à toute forme de clientélisme et de favoritisme. Ce faisant, cinq intervenants se sont invités à un panel de discussion et d'échange tenu, hier matin à Tunis, à l'initiative de I Watch, l'ONG sentinelle anticorruption. Dans leurs propos, il y a aussi des déclarations et des contre-déclarations. Et peut-être du vrai-faux. Cadre à la présidence du gouvernement, M. Mohsen Sammari a démenti tout soupçon de corruption lié aux concours de recrutement dans la fonction publique. Selon lui, toute plainte ou pétition à ce propos est appelée à être vérifiée. « Sinon, il y a tout un contrôle minutieux qui s'opère sur tout concours, depuis le dépôt des candidatures à la proclamation des résultats, en passant par le tri des demandes reçues», défend-il. Et d'ajouter que la présence de la société civile dans la commission des concours et dans les épreuves orales et écrites est en soi un gage d'assurance et de transparence. Cependant, une chose est sûre : les critères d'admission ne sont pas les mêmes en ce qui concerne le recrutement provisoire, conjoncturel ou contractuel. Donc, des priorités, comme l'a expliqué son collègue Nejib Khabouchi, représentant du ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi. D'après lui, l'équité est un principe à ne pas déroger. Pour son département, la diffusion sur web des communiqués des concours de recrutement semble visiblement respectée. « Certes, peut mieux faire, mais il y a tendance à encourager l'initiative privée», prévoit-il, en conclusion. La méritocratie, un critère clé Entre-temps, Mme Arfaoui a joué l'animatrice, provoquant ses invités par des questions qu'elle leur a posées en connaissance de cause. Pour elle, la non-transparence est un fait que personne ne peut nier. Qu'en pensez-vous ?, s'adresse-t-elle à Mme Olfa Chahbi, de l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), qui a plutôt planté le clou dans le cercueil des entreprises publiques. Celles-ci procèdent, à l'en croire, à des concours directs, où le rôle du contrôle administratif est complètement absent. Revenant sur la question, M. Sammari a tenu à affirmer qu'il existe une double correction des épreuves pour, enfin, passer à la validation des résultats. N'empêche, Mme Najet Bacha, de l'Inlucc, a reconnu que le système juridique régissant les concours de recrutement dans la fonction publique demeure caducs, ne garantissant pas une certaine traçabilité juste. « Il faudrait changer de techniques et des procédés d'examen et du choix des candidats au moyen d'applications informatiques plus avancées pour assurer davantage de transparence », recommande-t-elle. M. Mohamed Jouili, directeur de l'Observatoire national de la jeunesse (ONJ) a abordé la question de transparence d'un point de vue sociologique. Cela s'est traduit dans le rapport Etat-société-citoyen, basé essentiellement sur l'employabilité. Le rôle de l'Etat providence, en fait. Et c'est lui qui doit tout prendre en charge, dit-il. C'est pourquoi le sureffectif des fonctionnaires publics est dû à cette exigence sociale dont l'Etat est responsable. Et c'est là que le bât blesse. « Une telle manière d'absorber le flux des chômeurs s'est répercutée sur les taux de capacité de recrutement. Ce qui a pu déclencher la machine de corruption et de copinage», analyse-t-il, dénonçant qu'il a plus souvent « des zones d'incertitude » par lesquelles passent « des privilèges et des faveurs». Aujourd'hui, recommande-t-il, il importe de faire valoir le critère de « la méritocratie » dans tout concours de recrutement.