Par Abdelhamid Gmati Les jeux sont faits : Youssef Chahed va devoir remanier son gouvernement et il le dit clairement et il précise « qu'il sera annoncé dès qu'il sera prêt ». Il faut croire que les intérêts partisans sont arrivés à leur fin. Depuis des semaines, voire des mois, les appels à un remaniement se sont faits pressants. Mais, en juillet dernier, Chahed apposait une fin de non-recevoir, estimant « qu'un remaniement ne se ferait qu'après une évaluation du rendement des ministres ». Qu'à cela ne tienne, le travail de sape passait la vitesse supérieure en s'en prenant, entre autres, au ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale et ministre des Finances, par intérim, Fadhel Abdelkéfi, en rappelant une ancienne affaire «fallacieuse», le contraignant à démissionner. On avait même tenté d'impliquer Chahed lui-même dans une affaire de corruption à laquelle il avait répondu le 20 juillet dernier devant les députés. A rappeler que le gouvernement d'union nationale a perdu quatre de ses ministres. Briki, Jalloul, Zribi et Abdelkefi. Mais de quel remaniement s'agira-t-il ? Le chef du gouvernement va-t-il se contenter de pourvoir les postes vacants ? Les partis et autres organisations, comme l'Ugtt, ne l'entendent pas de cette oreille et revendiquent un remaniement en profondeur. Et ils dictent leurs conditions. Les uns et les autres parlent d'un «gouvernement de compétences». Que veut dire «compétences»? Certains ministres, en poste actuellement, ne le sont ils pas ? Abdelkéfi n'était-il pas compétent ? En fait, chacun veut se positionner et défendre des intérêts partisans. Nida Tounès invite Chahed à « consulter toutes les parties signataires de l'Accord de Carthage avant d'annoncer un remaniement ministériel ». Ce qui veut dire qu'il n'acceptera pas d'être écarté de la prochaine formation gouvernementale. Bien que discret, le mouvement Ennahdha ne cache pas son intérêt pour un remaniement désormais incontournable, mais aussi son ambition de décrocher de nouveaux portefeuilles. Le secrétaire général de l'Ugtt estime que « le prochain remaniement ministériel devra se faire sans les calculs partisans habituels » et affirme que «la Tunisie a besoin de technocrates patriotes dans le secteur financier, intègres et honnêtes ». Le tout sous couvert de « chantage politique » sous-jacent. Ce qui soumet Chahed à un jeu d'équilibriste satisfaisant les uns et les autres sous peine de perdre leur soutien, notamment lors du vote au Parlement. De fait, le gouvernement actuel dit d'union nationale, n'avait-il pas été formé en donnant satisfaction aux signataires du Document de Carthage et n'est-il pas composé des représentants de quatre partis ? Alors, pourquoi ce travail de sape ? Les défis du gouvernement étaient nombreux et le sont, encore : terrorisme, corruption, situation socioéconomique, traque des délinquants, grèves, sit-in, manifestations, blocages de routes et d'entreprises, arrêts de production, fuite des cerveaux, incendies criminels à répétition. Le gouvernement a livré ces batailles, enregistrant quelques succès, notamment dans la lutte contre le terrorisme, qui continue à menacer et à faire des victimes, contre la contrebande et aussi au niveau économique avec une augmentation encourageante de la croissance du premier semestre 2017, mais beaucoup reste à faire. De fait, et on l'a déjà dit, c'est la guerre déclarée de Chahed contre la corruption qui a tout précipité, certains partis se sachant menacés. Les observateurs se demandent même si cet acharnement contre le gouvernement ne vise pas, en fait, Youssef Chahed lui-même, lui laissant une alternative : ou bien, il limite sa campagne anticorruption ou alors il sera contraint de démissionner, sa situation promettant d'être intenable. D'autant plus que sa popularité dérange. D'où la nécessité pour Chahed, de se trouver des appuis pour faire face. A défaut de quoi, son prochain gouvernement sera aussi en sursis.