Sans chercher à incriminer quiconque, et avec tout le respect qu'on doit à Najem Gharsalli et à d'autres qui se trouvent dans la même situation, un haut fonctionnaire de l'Etat, de surcroît ancien ministre et qui représente son pays dans un pays étranger, doit démissionner de son poste avant de passer devant le juge, fût-il en qualité de témoin. Gharsalli, le magistrat qu'il est, le sait Le nom de Najem Gharsalli revient ces derniers temps comme possible ministre de l'Intérieur, poste qu'il a déjà occupé dans le premier gouvernement de Habib Essid avant son limogeage, une année après et de se voir nommé ambassadeur au Maroc. Ce magistrat originaire de Kasserine a été proposé à ce poste par le mouvement Ennahdha pour succéder à un autre magistrat, également originaire de la même région, Lotfi Ben Jeddou, ministre dans le gouvernement Mehdi Jomaa. Il a été flanqué par un secrétaire d'Etat chargé de la sûreté, Rafik Chelly, ancien directeur de la sécurité présidentielle du temps de Bourguiba et qui a été éloigné par Ben Ali, après le 7 novembre 1987. On ne lui connaît pas d'activités politiques particulières jusqu'au jour où il a été nommé gouverneur à Mahdia en 2011, par Béji Caïd Essebsi alors Premier ministre de transition. De notoriété publique, Gharsalli entretenait des relations étroites avec le député d'Ennahdha Walid Bennani, originaire de la même région que lui. Ce dernier a crânement défendu sa nomination à l'Intérieur. Ce qui est de son plein droit. Son passage à la tête du ministère de l'Intérieur a été marqué par trois attentats les plus meurtriers que notre pays ait jamais connus. En trois coups, la Tunisie a failli sombrer dans le chaos et on ne parlait plus de tourisme, mais que de terrorisme. Le 18 mars 2015, une attaque terroriste a visé des touristes étrangers dans le musée de Bardo. Revendiqué par Daech, elle a fait 22 morts, 21 touristes étrangers et un policier tunisien. Trois mois plus tard, le 26 juin, un attentat terroriste, le pire de tous, a été perpétré contre l'hôtel Imperial de Sousse et a provoqué la mort de 39 touristes britanniques et blessé une quarantaine d'autres. Et ce n'est pas fini, car le 24 novembre de la même année, sur l'avenue Mohamed V de Tunis, à quelques mètres de l'imposant siège du ministère de l'Intérieur, un troisième attentat terroriste a visé le bus de la garde présidentielle faisant une douzaine de morts parmi les agents. Ce qui a précipité le départ du secrétaire d'Etat à la sûreté nationale, Rafik Chelly, qui a payé les frais de cette défaillance et a été remplacé par un autre chef de la sécurité présidentielle, Abderrahmane Belhaj Ali, mais cette fois-ci en qualité de directeur général. Moins de deux mois après, le chef du gouvernement limoge le ministre de l'Intérieur, Najem Gharsalli, et le remplace par un de ses proches, Hédi Majdoub. Envoyé comme ambassadeur à Rabat, un poste de choix et de la plus haute importance, notamment en cette période marquée par un certain froid entre les deux pays, Gharsalli a été rappelé à Tunis, non pour une fin de mission, mais parce qu'il a été cité dans une affaire touchant à la sécurité de l'Etat et dans laquelle sont impliqués Chafik Jarraya et un ancien haut cadre sécuritaire, Saber Laâjili. L'ancien ministre a été auditionné, en tant que témoin, par le juge d'instruction près le tribunal militaire, jeudi dernier et laissé en liberté. Saber Laâjili, arrêté pour son intervention dans l'affaire du chef milicien libyen Walid Glayeb et du maire de Sabratha, a affirmé avoir agi « sous les ordres du ministre de l'Intérieur à l'époque, Najem Gharsalli ». Accusation que seule l'instruction pourrait prouver. Sans chercher à incriminer quiconque, et avec tout le respect qu'on doit à Najem Gharsalli et à d'autres qui se trouvent dans la même situation, un haut fonctionnaire de l'Etat, de surcroît ancien ministre et qui représente son pays dans un pays étranger, doit démissionner de son poste devant de passer devant le juge, fût-il en qualité de témoin. Gharsalli, le magistrat qu'il est, le sait. Face au silence du ministère des Affaires étrangères sur ce cas, l'on se demande comment se fait-il qu'aucune décision de mettre fin à sa mission à Rabat n'a encore été prise. Plus inquiétant encore, comment se fait-il que certaines parties proposent son nom au ministère de l'Intérieur ? Ce département est le cœur du pouvoir et son véritable centre et levier. Son organisation, ses moyens humains et matériels constituent l'outil privilégié de l'Etat pour garantir aux citoyens l'exercice des droits, devoirs et libertés, la sécurité mais également pour assurer la pérennité du régime en place. La nomination dans ce poste sensible est l'affaire du chef du gouvernement et du chef de l'Etat en sa qualité de président du Conseil supérieur de la sûreté nationale. Ce département doit-être au-dessus des magouilles politiciennes et de la surenchère politique.